SCI et impôts, légalité et légitimité

L’affaire de la SCI du couple Hollande / Royal me rappelle furieusement l’histoire de la feuille d’impôts de Jacques Chaban Delmas, qui avait contribué à le faire échouer aux présidentielles de 1974. Pour ceux de mes lecteurs qui n’étaient pas nés à l’époque comme pour tous ceux qui l’ont oublié, rappelons le mécanisme qui permettait au premier ministre de la « nouvelle société » de ne pas payer d’impôt sur le revenu, celui de l’avoir fiscal

A l’époque, les entreprises versaient au fisc 50% de leurs bénéfices. Observant que les actionnaires étaient imposés ensuite sur les dividendes perçus (la partie des bénéfices qui leur étaient distribuée) le législateur en déduisait que cela revenait à taxer deux fois le même revenu. Il avait donc créé l’avoir fiscal.

En pratique, l’actionnaire déclarait ses dividendes plus 50% de ceux-ci (l’avoir fiscal), que le fisc considérait lui avoir été déjà payé. On notera que cet avoir fiscal représentait donc la moitié de l’impôt payé par l’entreprise. Le fisc déduisait donc de l’impôt dû par le contribuable actionnaire cet avoir fiscal (puisque déjà payé). Un contribuable ayant un portefeuille d’actions important pouvait donc se retrouver en situation de ne pas verser d’impôt sur le revenu. C’était le cas de Jacques Chaban Delmas.

La publication par le Canard Enchaîné de la feuille d’impôt du premier ministre était une manière de mettre l’accent sur un système que d’aucuns pouvaient trouver absurde et injuste.

Les Français, qui pour leur grande majorité n’étaient pas actionnaires et ne savaient pas ce qu’est un avoir fiscal, ont retenu que le premier ministre pourtant riche et ayant des revenus importants, ne payait pas d’impôts. Ils ont considéré que c’était illégitime.

Pourtant, ce qu’avait fait J Chaban Delmas était non seulement parfaitement légal, mais l’application pure et simple de ce que le fisc exigeait qu’il fasse !

L’affaire de la SCI de Mme Royal et de son conjoint est assez semblable. Le mécanisme utilisé est parfaitement légal, il a été utilisé, non pas pour frauder le fisc mais pour gérer correctement un bien immobilier acheté par des concubins. Il y a une légère différence avec le cas de Chaban : F Hollande et sa compagne ont choisi le mécanisme, rien ne les y obligeait. Cependant n’importe quel notaire leur aurait conseillé de le faire dans leur situation.

Pourtant, pour le Français moyen qui ne pratique pas ce mécanisme, la méconnaissance et l’incompréhension engendrent le doute. Les bonnes âmes à l’extrême gauche et au sein de la droite dure qui propagent l’information ont donc beau jeu de dire ou de sous entendre que tout ceci n’est pas très propre. A défaut d’être illégal, cela ne parait pas légitime à une bonne partie des Français.

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