Dans un billet plein d’humour, Koz relate sa participation à un débat sur l’Education organisé par le PS dans le cadre des débats participatif qu’organise la candidate socialiste. Je décrirais ci-dessous un exemple de débat participatif qui fonctionne et j’essaierais d’en tirer des leçons sur ce qu’on peut faire en matière de participatif à l’échelon politique
Il se trouve que je dois animer cette semaine une
réunion de travail qui s’inscrit dans une démarche participative et que j’ai
préparé cette réunion avec une collègue avant-hier. Je vais donc décrire ici
notre démarche .
L’objectif de la démarche est d’étudier un processus
assez complexe, d’identifier les compétences utilisées de manière à mieux
maîtriser ce processus dans le cadre d’une démarche qualité.
Ma collègue a mené des entretiens avec 8 personnes
(bac +5 avec expérience) qui déroulent
ce processus dans leur travail quotidien, pour identifier les principales
étapes ou sous étapes, les moments clés de réussite ou d’échec du processus et
la manière dont elles faisaient face.
Nous allons voir cette semaine en réunion un groupe
comprenant d’autres personnes faisant le même travail (pour élargir le nombre
de personnes ayant donné leur avis). Nous allons leur présenter le résultat des
entretiens, sous la forme d’une représentation moyennement détaillée du
processus, faisant apparaître ce que nous avons compris des moments clés, des
enjeux correspondants et des compétences mises en œuvre. S’il y a des différences entre les points de
vue exprimés, nous les feront apparaître.
Nous inviterons les membres du groupe à réagir à
cette présentation pour la corriger ou la valider et l’enrichir . L’expérience
montre que si le travail initial a été bien fait, il y a 90% au moins de bon
dans la présentation que nous faisons. Il peut en effet y avoir quelques
incompréhensions de notre part (généralement sur les détails) et des différences de pratiques suivant les
personnes qui conduisent à sur ou sous estimer un problème qui est en réalité
spécifique. La discussion portera aussi évidemment sur les aspects compétences
qui sont un éclairage qui vient beaucoup plus de nous (au moins en tant
qu’interprétation) que des personnes interviewés.
Dans un deuxième temps, nous proposerons au groupe
une liste des moments clés / enjeux / compétences que nous aurons repérés et nous inviterons chacun à
voter (ici par un système de gommettes) pour proposer un classement dans cette liste
en fonction de l’importance d’une part, en fonction de ce que chacun juge de la
maîtrise actuelle d’autre part.
Le résultat de ce travail sera communiqué à un
comité de pilotage composé de dirigeants avec qui nous déciderons ce que nous
ferons de ce diagnostic. Ce comité de pilotage définira les orientations pour
la suite.
Dans une deuxième étape, celle des solutions, nous
referons appel au groupe participatif, sans doute sous une forme assez proche.
Chacun comprendra ici que le résultat de ce travail
participatif est beaucoup plus utilisable que celui de la réunion à laquelle
Koz a participé. Vouloir faire en deux heures, en partant de rien, un
diagnostic et le choix des solutions, avec des personnes prises au hasard et ne
se connaissant pas, c’est évidemment partir au casse pipe ! Et les participants
sont à la fois plus satisfaits et ont plus le sentiment d’avoir été entendu. Il
faut juste avoir la précaution d’expliquer d’où on sort les éléments de départ
et laisser la possibilité de rajouter des idées à la liste (si le travail
initial est bien fait, les rajouts sont peu nombreux voire inexistants)
On aurait pu imaginer, sur ce thème de l’éducation,
interroger au préalable des enseignants, des parents d’élèves, des DRH, des
formateurs et bien sûr des experts du sujets. On aurait pu ainsi faire un
catalogue de départ des points forts et des points faibles du système.
Contrairement à ce qu’on peut imaginer, ce travail n’est pas facile et ne peut
sortir d’un chapeau, de la part de gens qui n’ont généralement qu’une vue très
partielle du problème. A titre d’exemple, la proportion d’élèves sortant sans
qualification du système est passé en 40 ans de 63 à 13 % ce qui peut
légitimement être considéré comme un succès. Malheureusement, c’est encore trop
et ceux là sont les premières victimes du chômage. Par contre la question de
savoir s’il y a du chômage faute de personnes assez qualifiées ou si les
mécanismes de sélection font que ce sont les moins qualifiés qui subissent le
chômage peut être discutée (la réponse est loin d’être évidente).
A la place de l’animateur j’aurais fait des tables
de 6 personnes, ce qui facilite l’expression de chacun (et le risque qu’il ne
sorte rien a disparu du fait de la méthode employée) et probablement mis au
départ les personnes par spécialité
(prof, parents etc.) de manière a faciliter encore une fois l’expression et à
faire comprendre dans un deuxième temps la différence de points de vue :
celle-ci bien gérée permet la compréhension mutuelle, première base pour un
consensus à préparer.
Tout ceci me parait indiquer l’amateurisme des
conseillers de Ségolène Royal dans ce domaine. Ils savent bien prendre les
formes pour donner le sentiment (provisoire) du participatif et surtout
organiser les salles pour que les participants se sentent de plain pied avec
Ségolène, mais pour faire du vrai participatif, ce sont tout simplement des
débutants
Le résultat me parait beaucoup moins satisfaisant
que les méthodes traditionnelles propres au PS. Rappelons que lors de la
préparation d’un congrès comme celui du Mans, il y a une première phase dite de
contributions, celles-ci étant généralement collectives, émanant d’une section
ou d’un groupe de personnes intéressées par un même sujet. Cela ne garantit pas
la qualité : parmi les contributions généralistes (pour les thématiques
c’est autre chose), la contribution de
Michel Rocard sortait vraiment du lot et elle avait été écrit par un homme
seul. Du coup elle n’était pas le fruit d’un compromis de discussion et avait
une forte cohérence interne.
Dans un deuxième temps, des motions sont construites
et proposées au vote (il faut au moins un membre du bureau national (environ
100 personnes) ou un premier secrétaire départemental (idem) parmi les
signataires.
Le résultat est souvent un catalogue de qualité
diverse. Le chapitre de la contribution Montebourg sur les retraites est à cet
égard caractéristique. Elle comprend deux parties, l’une probablement écrite
par des experts qui explique qu’il y a un vrai problème et qu’il faudra
accepter de remettre en cause les systèmes et la seconde, sans doute le fruit
d’un compromis qui ferme systématiquement toutes les pistes de solution !
C’est aussi cela, le résultat du participatif !
Au Parti Socialiste, les jeux de pouvoir ont dévoyé
cette démarche à priori assez logique. Si DSK avait osé faire sa propre motion,
il aurait sans doute était en meilleure position pour l’emporter dans les
primaires et il aurait eu un programme assez cohérent.
Pour la cohérence, le discours de C Blanc est assez
exemplaire. Sa caractéristique essentiel est qu’il ne comprend qu’un nombre
très limité de sujets, qu’il considère
comme incontournable pour pouvoir traiter les autres efficacement. Le résultat
est d’une grande cohérence et à mon avis d’une grande qualité mais évidemment
cela peut décevoir beaucoup de monde, ce qui dans un système électif est assez
gênant !
Que conclure ? Ségolène Royal s’est donné les moyens d’affirmer qu’elle a consulté la base et la désorganisation du système empêche sa transparence . Elle peut donc en tirer ce qu’elle veut. L’histoire dira si cela a donné envie aux militants de se battre pour sa candidature (cela a manifestement marché avec Désirs d’avenir) puis aux électeurs de voter pour elle .
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