La « diatribe d’un déçu de madame Royal », comme le titre le Monde à propos d’Eric Besson suscite de très nombreuses réactions sur les forums du Monde ou de Libération pendant qu’Authueil ou Koz se réjouissent de déclarations qui vont dans leur sens. J’ai pour mon compte était frappé par l’explication de l’ancien secrétaire national du PS, disant qu’il y a quelques semaines il n’était pas encore libre et sans doute pas mûr dans sa tête.
J’espère voir Pikipoki se pencher sur ces déclarations et nous expliquer comment on peut faire ce genre de changement. En attendant, voici les réflexions que cela m’inspire :
Quand on s’engage, on le fait en fonction de ses convictions, de ce qui nous semble important. Toute remise en cause devient difficile puisqu’il ne s’agit pas seulement d’une remise en cause de ce qu’on a pu produire, mais une remise en cause de ce qu’on pense, de sa personnalité entière.
Passer des convictions à l’action en s’associant avec d’autres implique presque toujours de faire quelques compromis. Et on peut se retrouver à faire plus de compromis qu’on ne l’aurait imaginé au départ. Par exemple, combien de militants du Parti Socialiste ont mal vécu de se trouver en contradiction avec la majorité de leur section, de leur courant ou du Parti lui-même au moment du vote sur la constitution européenne ?
Un de mes camarades politiques a été pendant quinze ans responsable régional d’un parti d’extrême gauche, ce qui signifiait pour lui y consacrer tous ses week-ends et la plupart de ses soirées. Il a fallu pour le quitter (et être quitté par sa femme par la même occasion) une série de doutes et un événement particulièrement louche auquel il a assisté qui a été la goutte d’eau de trop. C’est en effet difficile de remettre en cause l’engagement même auquel on a consacré beaucoup de son temps et de son énergie.
Mais si comme l’a fait Eric Besson, on passe d’un engagement à un métier en devenant élu rémunéré, c’est encore plus difficile ! D’une part on est amené à faire plus de compromis, d’autre part quitter « coûte » beaucoup plus cher : il s’agit de rompre à la fois avec ce sur quoi on a basé ses engagements et à la fois avec ce qui nous fait vivre, avec ceux avec qui on travaille au quotidien, ceux qui dans certains cas sont devenus ses amis.
Qui plus est, la vie politique est particulièrement rude. C’est une compétition permanente, le premier compétiteur est la personne la plus proche de vous, qu’il faudra écarter pour avoir l’investiture et la compétition se fait au moins (sinon plus) sur le temps passé que sur la compétence.
Dans l’équilibre entre ce qui pousse à continuer et ce qui pousse à rompre, il faut que le deuxième coté de la balance pèse beaucoup pour passer à l’acte. Mais une fois que ce passage est fait, le premier coté de la balance, celui qui poussait à rester se vide fortement d’un coup. Alors ce qui en demeure parait bien léger. Et on peut avoir le sentiment de mûrir vite dans sa tête.
Il se trouve que ma jeunesse fut assez militante, dans une association non politique. Je ne le regrette pas, je crois y avoir été utile, j’y ai appris beaucoup, je m’y suis fait de vrais amis et surtout j’y ai trouvé ma femme. Un jour, on m’a proposé de devenir permanent de cette association. Au-delà du fait que je n’étais pas prêt à abandonner un métier qui me plaisait, je ne voulais surtout pas réduire ma vie, riche d’un aspect professionnel et d’un engagement personnel, en fusionnant les deux. Je ne l’ai jamais regretté et ce n’est pas ce que je vois avec Eric Besson qui me ferait changer d’avis !
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