Le gouvernement grec a décidé de recourir au référendum pour appuyer son refus des dernières demandes de ses créanciers européens. Il faut dire qu’il était coincé à la fois par des promesses contradictoires (rester dans l’euro et sortir de l’austérité) et par une situation économique encore très fragile qui de toutes manières ne le met pas en situation d’augmenter ses dépenses
Dans les premières années qui ont suivi la création de l’euro, la Grèce a bénéficié , comme d’autres pays du sud de la zone, de prêts à des taux beaucoup plus faibles que ceux dont elle bénéficiait jusqu’alors, cet effet positif se rajoutant aux aides structurelles qu’elle recevait de l’Union Européenne (donc de fait de ses partenaires) en tant qu’un des pays les moins développés de l’UE. La croissance a donc été importante, mais il s’est avéré au bout de quelques années(comme pour d’autres pays tels l’Espagne, mais sans doute de manière encore plus importante) que les prêts avaient plus permis de creuser les déficits que d’augmenter productivité et production.
La crise financière mondiale s’étant ajoutée à cette situation, les prêteurs se sont montrés de plus en plus réticents pour prêter au pays et ont demandé des taux de plus en plus élevés pour continuer à financer les demandes grecques. En 2009, le déficit public a atteint le montant astronomique de 15.5 % du PIB. Le déficit commercial se situait à plus de 17% du PIB et ne pouvait plus (et de loin) être couvert par une balance des services pourtant très favorable (grâce au tourisme et à l’armement).
L’Europe et le FMI ont alors accepté de se substituer aux créanciers privés. Ceux-ci ont dû accepter une perte importante sur leurs créances (contrepartie d’une certaine manière aux taux élevés pratiqués en fin de période).
Les prêts des institutions européennes et du FMI n’avaient pas vocation à permettre à la Grèce de continuer à vivre ad vitam æternam au-dessus de ses moyens, mais de lui donner le temps d’ajuster son économie à cette réalité :plus personne ne voulait lui prêter.
La première conséquence de la crise pour la Grèce était que la fin des crédits faciles allait forcément se traduire par une récession, puisqu’elle allait devoir réduire fortement ses dépenses (et ou augmenter ses impôts, mais le résultat est identique). Les moyens pour augmenter la production consistent souvent à réduire ce que les économistes classiques considèrent comme des freins à la croissance (certains éléments du droit du travail ou de la réglementation des professions par exemple), et l’effet positif n’est pas immédiat. Bref, une potion amère, forcément plus amère que le crédit à tout va de la période précédente.
La deuxième conséquence de sa crise pour la Grèce est l’obligation d’atteindre l’équilibre, alors que d’autres pays (la France par exemple) peuvent se permettre d’être en déficit depuis quarante ans ! Si la France peut continuer dans les déficits, c’est que les prêteurs pensent pouvoir être remboursés demain, même si de fait notre pays rembourse ses dettes grâce à de nouveaux prêts. Ayant obligé ses créanciers à ne se voir rembourser que partiellement, la Grèce n’est pas à l’approche d’en trouver de nouveau, même à des taux usuraires. Et quand ils reviendront, ce sera forcément avec des demandes de taux plus élevés que ses voisins. Et ils ne le feront pas avant que la Grèce ait rétabli ses comptes.
Justement, cinq ans du remède de cheval imposé par la troïka ont permis de faire revenir à l’équilibre les comptes , tant publics qu’externes. Enfin, équilibre n’est pas le mot juste : c’est un équilibre primaire auquel la Grèce a abouti, c’est-à-dire avant paiement des intérêts et du capital de la dette. En 2014, les créanciers demandent au gouvernement de l’époque d’atteindre un excédent primaire de 3.5 %, histoire de commencer à pouvoir rembourser la dette qui s’est accumulée, et qui est d’autant plus élevée qu’elle se compare à un PIB qui lui s’est restreint.
La situation du pays est de toutes manières encore loin d’être assainie, avec un système fiscal encore incomplet, un système de préretraite inadapté (un tiers des fonctionnaires parent en retraite avant 55 ans), surtout pour un pays qui a une faible natalité (le taux de fécondité est inférieur à 1.4 enfants par femmes depuis 25 ans, et il y a plus de décès que de naissances). Dans un article récent, l’économiste Agnès Bénassy-Quéré notait que les dépenses de retraite grecques représentent 16 points de PIB et que la concurrence est insuffisante : « Les prix baissent depuis deux ans, mais, depuis 2009, ils ont quand même augmenté de plus de 6 % quand les salaires nominaux reculaient de 15 % ! »
L’actuel gouvernement s’est fait élire sur l’idée de renoncer à l’austérité et de relancer l’économie par une augmentation des salaires et des pensions. Ce programme était totalement illusoire car il supposait de trouver des créanciers prêts à le financer sans évidemment espoir de retour.
En fait, trois solutions se sont présentées au gouvernement grec.
La première, refusée de fait par les électeurs, consistait à atteindre un excédent primaire suffisant pour commencer à rembourser les créanciers. Ceux-ci auraient probablement dû, à un moment ou un autre, accepter de réduire la dette (donc de faire un cadeau à la Grèce), allant ainsi jusqu’au bout de la solidarité dont ils ont fait preuve en finançant depuis 2010 un pays insolvable. On peut penser que les européens auraient été bien avisé d’accepter à l’époque cette réduction demandée par le gouvernement précédent.
La deuxième solution qui était de fait acceptée par les créanciers consistait à rembourser les emprunts d’hier par de nouveaux (comme le font de fait beaucoup de pays !), ces nouveaux prêts étant conditionnés à des mesures pour augmenter progressivement l’excédent budgétaire. L’objectif était beaucoup moins ambitieux que dans l’hypothèse précédente mais on restait clairement dans l’austérité. A la réflexion, on peut penser que ce qui était inacceptable pour le gouvernement grec était la perspective de devoir renégocier des demandes d’aide quasiment tous les six mois.
D’où la troisième solution consistant à refuser de payer. On notera que cette solution n’est envisageable que parce que l’austérité pratiquée pendant 5 ans a permis de redresser les comptes, contrairement à ce qu’affirment aujourd’hui les dirigeants grecs.
Cette solution ne permet pas plus que les précédentes de tenir les promesses électorales, puisqu’il n’y a plus personne pour les financer. Mais elle peut être attrayante pour le gouvernement grec car elle évite de devoir négocier avec les créanciers, et donc de devoir porter atteinte à leur « dignité ». Elle est cependant très dangereuse, puisqu’il n’y a de fait plus de filet de sécurité financier, et que les transactions avec l’extérieur seront compliquées. Logiquement, les fournisseurs étrangers devraient dorénavant exiger d’être payés comptant et en devises fortes… Mais peut être qu’après un passage (très ?) difficile (comment passer la transition ? ), la situation pourrait n’être guère différente de celle de la deuxième solution. Mais le risque est d’autant plus terrible qu’il est difficile à évaluer.
Et puis, si la Grèce sort de l’euro, il devient possible d’augmenter les salaires nominaux. Certes, ce sera en monnaie de singe, l’augmentation risquant d’être très rapidement mangée par l’inflation. Mais officiellement, la gauche radicale aura tenu ses promesses. Sans compter le fait que le mécanisme augmentation + inflation permet de faire des gagnants et des perdants, en particulier chez les « possédants « pour ces derniers.
La proposition faite ce week-end par DSK, d’un moratoire de deux ans aurait sans doute permis une prise de conscience du fait que la troisième solution ne permettait pas plus de largesse que la deuxième. Mais on voit bien la crainte des créanciers : une fois les deux ans passés, qu’est ce qui empêchera la Grèce de demander de prolonger le moratoire ?
Dans l’histoire, les pays européens risque d’avoir perdu beaucoup d’argent. Et en plus ils passent pour les méchants alors qu’ils ont apporté une aide massive !
Un dernier mot pour comparer la première et la deuxième solution. Certes, la première solution est la plus douloureuse, mais elle permet de sortir de la crise , alors que la seconde la prolonge indéfiniment !
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