Les quatre millions de créations d’emplois des trente dernières années se sont faites pour l’essentiel dans le quart des métiers les plus qualifiés (plus exactement les mieux payés en 1992). Les autres métiers ont vu au total leurs effectifs stagner. Mais le chômage massif pour les moins qualifiés s’explique par ce que le niveau de diplôme exigé a augmenté dans chaque métier
Dans mes deux articles précédents, j’ai regardé l’évolution des métiers selon le niveau et fait un zoom sur les métiers les moins payés pour constater que les femmes y ont pris une part croissante. A partir du portrait statistique des métiers publiés par la DARES, je vais ici regarder comment le niveau de formation a évolué à l’intérieur d’une famille professionnelle
Començons par les aides soignants. Cette famille professionnelle correspond de fait à un seul métier, dont les effectifs ont plus que doublé en 30 ans. Le recrutement se fait sur diplôme d’état avec une admission sur concours, théoriquement au niveau CAP, et une formation d’un an
La DARES donne la répartition de la population en activité dans ce métier en 1982/1984, en 2009/ 2011 et pour les moins de trente ans en 2011 :
Périodes |
1982/1984 |
2009/2011 |
Moins de 30 ans |
Sans diplôme |
38 |
19 |
7 |
CAP/ BEP |
51 |
50 |
42 |
Bac |
4 |
23 |
38 |
Etudes supérieures |
3 |
5 |
5 |
L’ensemble des effectifs correspond à des entrées dans le métier au cours des 40 dernières années alors que les actuels moins de trente ans montrent l’évolution récente
Au départ la moitié des effectifs a le niveau théoriquement requis (le CAP) et près de 40 % sont en dessous : ils ont eu une évolution professionnelle après leur formation initiale, ce qui était courant pendant les 30 glorieuses mais de plus en plus rare aujourd’hui
Actuellement, on a encore près de 20 % de sans diplôme mais 28% ont le bac et plus.
Le pourcentage de bacheliers monte à 43% pour les moins de trente ans, alors que les sans diplômes ne sont plus que 7%. On notera qu’un jeune qui a arrêté ses études en première générale est compté comme sans diplôme et peut très bien réussir le concours pour devenir aide-soignant.
On est donc passé d’une période comprenant une large part de promotion professionnelle à une personne où des jeunes en nombre se déqualifie pour trouver un travail. Le système de concours adopté par les hôpitaux tend à renforcer le phénomène puisqu’il favorise les plus formés, même si le niveau n’est théoriquement péas nécessaire.
Regardons maintenant d’autres métiers pour examiner si le phénomène est le même ailleurs. Pour commencer les ouvriers qualifiés travaillant par enlèvement de métal
Périodes |
1982/1984 |
2009/2011 |
Moins de 30 ans |
Sans diplôme |
37 |
26 |
9 |
CAP/ BEP |
59 |
51 |
30 |
Bac |
3 |
17 |
45 |
Etudes supérieures |
|
2 |
10 |
La tendance est ici la même que pour les aides-soignants. Par ailleurs le diplôme de référence est passée du CAP/ BEP au bac professionnelle. Plus de la moitié des jeunes embauchés d’aujourd’hui ont ce niveau.
Passons maintenant à des métiers d’autres niveaux en commençant par les plus bas. Voilà d’abord les agents d’entretien, plus de 1.2 million d’emplois dont plus d’un quart comme agents de services hospitaliers
Périodes |
1982/1984 |
2009/2011 |
Moins de 30 ans |
Sans diplôme |
82 |
51 |
28 |
CAP/ BEP |
16 |
33 |
35 |
Bac |
2 |
11 |
21 |
Etudes supérieures |
|
3 |
8 |
Il existe quelques postes qualifiés voire très qualifiés dans ces métiers (pour de l’entretien en milieu particulier, par exemple chimie ou nucléaire) mais ils représentent une part faible, qui ne justifie absolument pas les 29 % de bachelier parmi les jeunes et encore moins les 4% qui ont un niveau supérieur à bac + 2.
Il y a probablement dans cette population d’une part des immigrés qui acceptent de se déqualifier (par exemple parce que leur diplôme n’est pas reconnu en France) d’autre part des personnes qui ont suivi une formation manquant de débouchés (et/ou pour lesquels ils n’ont pas le niveau suffisant)
Prenons les conducteurs de véhicules : ils sont plus de 750 000 et leur salaire médian était de 1600 € par mois en 2012
Périodes |
1982/1984 |
2009/2011 |
Moins de 30 ans |
Sans diplôme |
71 |
43 |
27 |
CAP/ BEP |
25 |
39 |
35 |
Bac |
3 |
13 |
27 |
Etudes supérieures |
|
2 |
6 |
Même montée en qualification que précédemment
Passons maintenant à un niveau beaucoup plus élevé avec les ingénieurs en informatique, dont els effectifs ont été multipliés par 7 en trente ans
Périodes |
1982/1984 |
2009/2011 |
Moins de 30 ans |
Sans diplôme |
11 |
2 |
|
CAP/ BEP |
5 |
2 |
|
Bac |
15 |
10 |
3 |
Bac +2 |
11 |
18 |
7 |
Au-delà de bac + 2 |
56 |
68 |
86 |
Ce métier offrait des possibilités d’évolution professionnelle : cela reste encore un peu le cas aujourd’hui, dans des proportions évidemment beaucoup plus faibles qu’hier
Dernier exemple, dans un secteur qui offrait jadis des possbilités de carrière et qui surqualifie aujourd’hui l’embauche, celui de la banque et des assurances, avec le tniveau technicien
Périodes |
1982/1984 |
2009/2011 |
Moins de 30 ans |
Sans diplôme |
38 |
13 |
7 |
CAP/ BEP |
25 |
13 |
1 |
Bac |
21 |
26 |
10 |
Bac +2 |
6 |
26 |
39 |
Au-delà de bac +2 |
2 |
5 |
37 |
Le secteur a clairement surqualifié l’embauche, d’autant plus que les processus sont complétement industrialisés et que les salariés n’ont que peu de marges de manœuvre dans leur travail
A la lecture de toutres ces données, on ne peut que se dire que les employeurs ont pris l’habitude de surqualifier l’(embauche, et que cela se fait évidemment au détriment des moins qualifiés. Evidemment, cela n’améliore pas le climat de travail dans les entreprises : comment rester motivé quand vous etes surqualifié et que vous n’avez pas de perspectives d’évolution ?
Les commentaires récents