La vente à l’Inde de 36 exemplaires du Rafale entièrement fabriqués en France illustre la manière dont un pays développé peut conserver un avantage concurrentiel contre des pays à bas voire très bas salaires, en conservant la maîtrise d’une filière réclamant un haut niveau de technologies dans de nombreux domaines
L’actuel premier ministre indien, élu sur un programme nationaliste, est un chaud partisan du « Made in India ». Pourtant il a renoncé à faire fabriquer dans son pays les 36 premiers Rafales achetés par son armée, tout en continuant à négocier pour les éventuels suivants le transfert vers des sociétés indiennes
Le nombre d’entreprises impliquées dans la fabrication du Rafale en France est estimé à 500, petites ou grandes entreprises, souvent spécialisée sur un segment technologique pointu pour fabriquer l’avion lui-même, son moteur et son électronique.
Il se trouve que j’ai pu visiter longuement un de ces sous-traitants, il y a plus de 20 ans, l’usine de CEZUS à Ugine. La principale production de cette usine, alors filiale de Pechiney et rachetée depuis par AREVA, concerne le Zirconium, pour les centrales nucléaires, le Z de zirconium expliquant la troisième lettre du nom de l’entreprise.
Le site de CEZUS explique que l’établissement d’Ugine fabrique des alliages de zirconium à partir d’éponges livrées par l’usine de Jarrie, de produits de zirconium recyclés et d’éléments d’addition. Ces matières sont ensuite fondues, forgées puis mises en forme pour devenir des largets, des barres ou des ébauches filées qui seront transformés par les autres établissements en produits plats et en tubes.
Le site a également une production similaire pour le titane, qui se trouve juste au-dessus du zirconium dans le tableau périodique des éléments, ce qui fait à tous deux des caractéristiques métallurgiques proches. Et la production de titane va à la fabrication des avions en raison d’un couple poids / résistance optimal.
Quand j’ai connu le site, il n’y avait au monde que trois fabricants de zirconium dont deux américains. A l’époque, le site français était menacé par le prix faible du dollar. Les ingénieurs de fabrication étaient tous titulaires d’un doctorat en métallurgie. Les produits étaient vérifiés unitairement avec des contrôles non destructifs. L’une des progrès réalisés à cette époque avait été de faire passer la mise au mille de 1500 à 1400, ce qui représente un progrès considérable. La valeur de 1400 est assez symptomatique du niveau d’exigence sur le produit, quand, grâce à la coulée continue, elle est depuis longtemps nettement inférieure à 1100 dans la fabrication de l’acier.
On comprend qu’une telle fabrication ne s’improvise pas : la qualité de la production actuelle est le résultat de l’expérience accumulée depuis les plus de cent ans qu’existe le site
Cezus n‘est qu’une des 500 entreprises qui entrent dans la production du Rafale mais cet exemple illustre à quel point celui-ci est le fruit d’un ensemble complexe de process de production extrêmement élaborés
Sur ces produits, le prix n’est évidemment pas un élément négligeable, mais il y a un préalable de capacité à produire la qualité requise qui limite fortement le nombre d’intervenants possibles : c’est bien sûr sur ce type de produits qu’il est plus facile pour un pays développés de résister aux pays à bas salaires.
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