La négociation en cours sur les seuils sociaux semble tourner au dialogue de sourds, entre des syndicats qui veulent préserver leur rôle, une partie de la base patronale qui refuse en fait l’existence de contre-pouvoirs au sein de l’entreprise et un code du travail qui donne la décision finale à l’employeur mais l’oblige à un dialogue social qui peut à la fois être lourd et en fait peu utile
Deux remarques préalables avant d’entrer dans le vif du sujet
D’abord le législateur me parait coupable d’imposer aux employeurs du secteur privé des obligations qu’il se garde bien d’appliquer à l’Etat employeur.
Ensuite les instances de représentation du personnel sont un moyen insuffisamment utilisé par les dirigeants pour mieux savoir ce qui se passe sur le terrain et fluidifier les fonctionnements (voir la théorie des deux guichets d’Hubert Landier).
Pour comprendre les débats en cours, il faut connaitre les règles concernant les instances représentatives du personnel (IRP) et le rôle des organisations syndicales. Les délégués du personnel, qui doivent être mis en place à partir de 11 salariés, s’occupent de l’application des règles et des revendications individuelles et collectives. Le comité d’entreprise qui apparait à partir de 50 salariés, est informé, voire consulté sur ce qui concerne la vie économique et organisationnelle de l’entreprise et ses modifications. Le CHSCT, qui existe dans tout établissement de plus de 50 personnes, est informé et consulté sur tout ce qui a des conséquences sur les conditions de travail. Tout ce qui est négociation se fait avec les organisations syndicales, dont la représentativité dépend maintenant du résultat des élections au CE, et de nombreux sujets doivent faire l’objet de négociations annuelles, dans certains cas sous peine de sanctions pécuniaires importantes.
Au final cela peut être très lourd. Et très conflictuel si on se trouve entre une direction qui estime ne pas avoir de comptes à rendre chez elle (voire si elle se comporte comme un patron de droit divin) et des élus syndicalistes hostiles par principe (on a aussi les syndicats qu’on mérite !). J’ai suivi une formation interne à mon syndicat, la CFDT (réputée réformiste pourtant) et la formatrice nous a dit qu’on devait toujours donner un avis négatif quand le CE était consulté ! Je n’ai eu aucun mal à lui présenter deux situations où cette posture n’avait pas de sens (ce qu’elle a admis).
Mais cela peut aussi se passer correctement et constituer un moyen fort utile pour la direction d’informer les salariés, de savoir ce qui se passe sur le terrain et d’adapter sa politique sociale et de communication pour la rendre’ plus pertinente.
Hubert Landier, qui fait partie de cette génération de conseillers en dialogue social en voie de disparition, a ainsi diffusé ce qu'il appelle la théorie des deux guichets : un salarié qui a une question ou un problème à poser peut passer par sa hiérarchie ou par les IRP (je résume quand j’explique en disant si papa dit non je vais voir maman !). Cela donne de la fluidité et évite qu’une question s’envenime parce qu’un manager a mal fait son travail (cela arrive !).
Deux points compliquent la tâche des employeurs. Le premier est un fruit de l’histoire de notre pays, c’est la division syndicale. Elle pousse les syndicats à la surenchère, en particulier à l’approche des élections professionnelles. C’est pour limiter cette difficulté que le législateur a fait passer de 2 à 4 ans la durée du mandat des DP et du CE (celle du CHSCT est restée à 2 ans, mais ils sont désignés par les précédents). Elle multiplie le nombre de délégués syndicaux. Le deuxième est que la jurisprudence a donné de plus en plus de pouvoir au CHSCT ce qui fait que de nombreux projets doivent faire l’objet d’une consultation des deux instances, avec ce que cela veut dire comme délais rallongés.
Contrairement à ce qu’imaginent certains, les syndicats sont faibles en France, du fait de leur division et de leur faible nombre d’adhérents. Beaucoup d’observateurs estiment que c’est ce qui expliquent l’agressivité de certains d’entre eux.
Par ailleurs, les patrons considèrent que le dialogue social leur coûte cher en heures de délégation et en temps des membres de la DRH chargés de gérer ce dialogue. Ils ne peuvent guère imputer le coût des grèves : le niveau de conflictualité est en réalité très faible aujourd’hui dans notre pays.
Les propositions faites par le Médef visent à contourner la réalité syndicale, en particulier dans les entreprises de moins de 200 personnes. L’idée de pouvoir avoir une seule instance correspond en fait à quelque chose…qui existe déjà, la délégation unique. Dans les entreprises de moins de 200 personnes, Dans les entreprises de moins de 200 salariés, l’employeur peut décider la mise en place d’une délégation unique de représentation du personnel. Celle-ci réunit les attributions des délégués du personnel et du comité d’entreprise au sein d’une même délégation élue.
En pratique, dans les petites entreprises, il n’y a pas forcément de candidats aux élections du personnel (soit parce que cela se passe bien socialement, soit parce que au contraire, les salriés ont peur de se présenter). L’arrivée d’un syndicat peut venir d’une volonté militante (plus ou moins individuelle) ou d’un mauvais climat dans l’entreprise. L’augmentation de la taille de l’entreprise pousse aussi à la présence syndicale, car les liens avec la direction deviennent progressivement moins directs.
Ce n’est en tous les cas pas en faisnt de l’anti syndicalisme que les employeurs amélioreront le fonctionnement dans leur entreprise
Si on reprend la théorie des deux guichets, on constate avec Hubert Landier qu’il arrive que les représentants du personnel se positionnent sur des positions idéologiques et se mettent à défendre les droits des syndicalistes plus que ceux du personnel (c’est une des thèses développées par Andolfatto et Labbé).
Dans le monde de l’assurance, c’est la tendance trotskisante qui domine au sein du syndicat FO, lequel a une réelle audience. Dans une entreprise, un DRH ayant le sens du social, appuyé par un DRS (directeur des relations sociales) très expérimenté, a réussi en quelques années à affaiblir ce syndicat et à favoriser la montée de syndicats plus réformistes.
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