Parmi les citoyens français conscients des risques que fait peser l’activité humaine sur notre environnement et sur les espèces végétales et animales (humaines compris), le sentiment dominant est celui d’une aggravation de la situation, non seulement dans le monde, mais aussi en Europe. La réalité des faits est que ce sentiment est trompeur.
De manière générale, l’Europe traite de mieux en mieux son environnement. Ces progrès ne sont pas uniformes : ils ont par exemple été menés bien plus tôt dans l’industrie que dans l’agriculture ou chez les ménages. Par ailleurs, certains problèmes sont connus depuis longtemps, d’autres ont été découverts ou médiatisés très récemment : sans parler des effets de produits comme le bisphénol par exemple, la pollution liée aux chauffages au bois ouverts n’est pointée auprès de l’opinion publique que depuis quelques années.
La France a la chance de disposer avec le CITEPA d’un centre d’études qui a déjà plus de 50 ans d’histoire, ce qui permet d’observer pour chaque polluant suivi le moment du pic maximum et le montant de la réduction depuis. On trouvera ci-dessous pour chaque polluant, la date du pic et le ratio entre le dernier niveau mesuré (ces dernières années) et ce pic, en commençant par les gaz à effet de serre (attention, certains produits ne sont suivis que depuis 1990, c’est à dire il y a 24 ans)
CO2 : 1973 / 0.69
CH4 : 1995 /0.85
N2O : 1997/ 0.65
HFC : 2011 /1
PFC : 1990 /0.1
SF6 : 1998 /0.24
PRG 1991 /0.77
Les hydrofluorocarbures (HFC), sont des réfrigérants utilisés un peu partout (le maximum est dans le tertiaire). Ils sont en forte augmentation. Ils sont pointés par le CITEPA comme gaz à effet de serre.
Le PRG (potentiel global de réchauffement) synthétise l’ensemble des effets des gaz à effet de serre en équivalent CO2. Ce coefficient de synthèse est en nette baisse depuis 1990, date de son premier calcul par le CITEPA. Il prend en compte le fait que, à poids égal, les autres polluants ont un effet beaucoup plus fort que le CO2. Mais celui-ci représente encore 70% de l’effet total. Cependant, l’essentiel de la baisse de la production de CO2 est antérieure à 1990, en raison du programme nucléaire.
Autres polluants de l’air :
SO2 : 1973 /0.07
NOx : 1980/ 0.52
NH3 : 1983 / 0.96
CO : 1973 / 0.22
COV (composés organiques volatils) : 1988 / 0.28
AEQ : 1980 / 0.38
Les polluants ci-dessus sont responsables de l’acidification des milieux. En 1980, les émissions de SO2 étaient responsables de 54% de l’Aeq (indicateur acide équivalent). Ce dernier a baissé de 61% depuis cette date mais le SO2 n’en représente plus que 12%, alors que dans le même temps, le NH3 (en restant stable en volume) a vu sa part augmenter de 23 à 57%.
Le NH3 est un produit de l’agriculture et de l’élevage
As (Arsenic) 1991 / 0.33
Cd (cadmium) 1990 / 0.12
Cr (Chrome) 1990 /0.06
Cu 1992 / 0.93
Hg 1990 / 0.19
Ni: 1991/ 0.25
Pb : 1990 /0.03
SE : 1998 / 0.76
Zn : 1990 / 0.20
Les émissions de métaux lourds ne sont suivies que depuis 1990 par le CITEPA, qui ne mesure la baisse éventuelle que depuis cette date : celle-ci peut donc être plus élevée si elle est antérieure
PCDD (dioxine) : 1991 / 0.05
HAP : 1991 / 0.40
PCB : 1993 /0.30
Poussières en suspension : total 1991 / 0.69 PM10 1991 / 0.46
Globalement, les progrès les plus importants ont été réalisés dans l’industrie et dans la production électrique (en partie aussi dans les transports pour le plomb). Les progrès sont plus difficiles quand les émetteurs sont diffus.
Il faut noter le lien entre la mesure d’un polluant et sa diminution : le fait de mesurer est révélateur d’une prise de conscience. Après, il faut trouver des solutions et les mettre en œuvre. Il se passe 10 ans entre la création du CITEPA et les pics observés pour le SO2 et le CO, ce qui est plutôt rapide, alors qu’à l’époque la croissance (de la production et donc de l’émission de polluants) était forte.
Les progrès ainsi réalisés ne doivent pas inciter nos pays à arrêter leurs efforts. Mais ils montrent que ces efforts sont payants. Ma conviction par ailleurs est que ces progrès, que n’avait pas connus le monde soviétique, sont d’abord la conséquence de la démocratie.
Ce n’est pas un hasard à mon avis si ceux qui évitent soigneusement de reconnaitre ou citer les progrès accomplis sont les mêmes qui ne se contentent pas de vouloir lutter contre les dangers avérés, mais qui en arrivent à se méfier de tout, au point de vouloir lutter contre des dangers que toutes les études sérieuses ont évalués comme inexistants ou beaucoup plus faibles que ce qu’ils affirment.
Le nucléaire est un exemple de ces sujets. On est passé d’une confiance excessive sur le sujet dans la première partie du 20ème siècle à un excès inverse ensuite. C’est ainsi qu’on a pu lire il y a quarante ans que beaucoup de ceux qui vivent à proximité des centrales auraient des enfants souffrants de maladies génétiques graves , qu’on en arrive à lire que Tchernobyl aurait causé 900 000 morts ou à vouloir donner la priorité à la lutte contre le nucléaire civil au dépens de la lutte contre le réchauffement climatique qui est pourtant un danger avéré.
Mais le risque nucléaire est réel et il était d’autant plus difficile pour les anti-nucléaires de donner la priorité au combat contre le réchauffement climatique que les catastrophes de Tchernobyl puis de Fukushima ont paru les conforter. Ce n’est pas toujours le cas comme le montrent les questions des ondes électromagnétiques voire des OGM.
Le diésel est un autre exemple de l’aveuglement de certains, de leur poursuite d’un combat qui devient moins justifié à mesure que les normes sont plus drastiques et que les constructeurs s’y plient : quelle logique à tenir le même discours sur le diésel qu’il y a quarante ans quand la pollution des nouveaux modèles a été divisée par 100 depuis cette date ?.
La question du diésel fait l’objet d’une proposition de loi déposée par le groupe EELV au Sénat le 5 mai 2014, nous rapporte le Monde daté du 8 mai, au milieu d’un article sur la pollution de l’air qui montre un exemple de désinformation par le silence : le Monde publie la carte de la pollution par les particules fines dans les grandes villes du Monde, mais curieusement, par rapport à celle publiée par l’OMS, la plupart des villes des USA qui sont classées en vert, ont disparues.
On peut lire dans l’article successivement que « le seuil maximal fixé par l’OMS est de 20 microgrammes par m3 » puis « les seuils sanitaires recommandés par l’OMS de 100 microgrammes par m3 ». Au lecteur de deviner ce que sont ces deux seuils différents ! Wikipédia nous donne les normes européennes : 50 μg/m³ des moyennes journalières de l'année civile ; Moyenne annuelle : 40 μg/m³).
Le fait que la question de l’environnement ait été prise en charge par le monde politique a permis la prise de mesures, comme par exemple la création du CITEPA ou la production de normes au niveau européen. Il est beaucoup moins évident que la spécialisation d’un parti politique sur le sujet ait fait avancer les choses de manière efficace, peut-être parce que le parti en question prend des positions manquant de rigueur scientifique sur ce sujet précis. On notera que les baisses observées par le CITEPA sur les premiers produits qu’il a suivi se sont produites à partir de 1973 (ce qui suppose des actions préalables) alors que la candidature de René Dumont à la présidentielle, qui marque cette spécialisation d’un courant politique sur ce sujet, date de 1974.
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