A la veille d’élections qui risquent de plus sanctionner les résultats du gouvernement que ceux des équipes municipales sortantes, le maire sortant de Paris, Bertrand Delanoë défendait son bilan dans un entretien pour le « 20 minutes » daté du 13 février que j’ai gardé précieusement pour réagir à certains de ses propos.
Je n’aborderais que deux sujets, à la fois importants et à mon avis fortement liés, celui des transports et celui du logement. Disons tout de suite ma conviction sur le sujet : l’imbrication des territoires franciliens est telle qu’on ne peut trouver des solutions vraiment pertinentes qu’à une échelle supérieure à celle de la seule commune de Paris. Le maire sortant n’y peut rien.
Sur les transports, Delanoë déclare avoir réduit de 25% le nombre de voitures roulant dans la ville. Je suppose qu’il a les chiffres étayant son affirmation. Il prétend l’avoir fait sans perdre en fluidité de la circulation. Je n’ai pas les chiffres non plus, mais je suis assez étonné. D’abord parce que ce n’est pas vrai près de chez moi. Depuis les modifications du boulevard Magenta, la circulation entre Barbés et République mais aussi celle pour aller de l’Opéra à la porte de la Chapelle sont devenues beaucoup plus embouteillées. Hier soir, j’ai mis 1 heure trente pour aller en voiture de l’hôpital Lariboisière à la porte de la Chapelle, soit moins de 5 km/ heure un samedi de vacances scolaires à 9 heures du soir. Peut-être la circulation s’est-elle améliorée ailleurs…
La deuxième raison de mon doute est que de nombreuses lignes de métro et de RER ont vu leur fréquentation augmenter sensiblement, les menant pour certaines (la ligne 13 en premier) à un niveau de saturation très difficile à supporter pour les usagers. Cette augmentation est en partie liée’ à l’augmentation de la population francilienne mais aussi à la difficulté de circuler en voiture. Ne nous faisons pas croire que les tramways ont permis de compenser une baisse de 25% de la circulation en voiture.
Le choix de compliquer la circulation devrait être assumé : si pour limiter la pollution on veut diminuer la part de transports faits en voiture, il faut rendre moins attrayant le transport par voiture et plus attrayant celui en transport en commun. Seule la première partie a été vraiment réalisée.
Ce qui me parait gênant pour la démocratie, c’est que ces décisions prises par les élus parisiens ont en fait avant tout pesé sur les banlieusards. Il est vrai que les solutions pertinentes concernaient le réseau de transport régional : l’erreur d’anticipation se trouve au niveau de la région, qui n’a jamais su construire un projet de transport cohérent à son niveau. On peut imaginer que le projet dit du Grand Paris permettra une nette amélioration, mais il va falloir attendre une bonne quinzaine d’années !
Bertrand Delanoë avance que la qualité de l’air s’est améliorée : -35% de particulier fines, - 13% de gaz à effet de serre et la disparition de polluants comme le soufre et le plomb.
Les résultats pour les particules fines proviennent manifestement en partie d’autres mesures (sur les véhicules j’imagine). D’après le CITEPA qui donne depuis plus de 50 ans des informations sur la pollution, les émissions de particules sur l’ensemble de la France sont passées de 1064 kilotonnes en 2001 à 875 kt en 201, soit une baisse de 18%. La baisse est de 45% pour les émissions du secteur résidentiel et de 26% pour les émissions du secteur routier. Si on ne regarde que les particules de moins de 10 microns, les baisses sont respectivement de 36%, 47% et 45%. Ce qui relativise beaucoup les résultats parisiens !
Pour ce qui est du soufre et du plomb, j’ai trouvé le maire gonflé : il s’agit du résultat de mesures bien plus anciennes. L’émission de plomb s’est effondrée entre 1990 et 2000 (divisée par 15) et a encore été divisée par plus de deux depuis, toujours sur l’ensemble du territoire français. La baisse sur l’émission de SO2 a commencé depuis le point haut de 1973. Pour réduire les pluies acides, diverses mesures ont conduit à ce que l’émission soit divisée par un peu plus de 5 entre 1973 et 2000, et par 14 entre 1973 et 2010. La part due au transport routier a, quant à elle, été divisée par 150 depuis 1973, toujours France entière, et elle est complètement marginale dans l’ensemble : 0.3% de l’émission totale !
Concernant le logement, le maire avance la démolition ou la rénovation des 1038 immeubles insalubres de 2001. Là aussi, la capitale a accompagné un mouvement profond d’évolution de la qualité des logements : l’INSEE montrait en 2002 que la proportion de logements « tout confort », c’est-à-dire avec WC intérieur, chauffage central et installation sanitaire (douche ou baignoire) est passé de 44.1% en 1973 à 90.6% en 2002. La part de ceux qui n’ont pas WC et sanitaires était passée à 2.1% en 2005 puis 1.4% en 2010. Ceux sans chauffage central sont passés de 7.1% à 5.3% sur la même période.
Mais on sait bien que la question majeure est le coût des logements, qui a beaucoup augmenté dans la capitale, pour ceux qui achètent comme pour ceux qui louent. Là aussi, le phénomène est français, même si l’Ile de France et Paris en souffrent plus que le reste du pays.
L’existence d’un parc social assez important aboutit à un résultat inattendu : Paris comprend une part importante de personnes ayant un revenu lui donnant accès au parc HLM, mais ceux qui ont le revenu juste supérieur ont beaucoup de difficultés à se loger sur place et se retrouvent loin en banlieue. L’avantage de loger à Paris est tel qu’il n’est pas surprenant qu’il y ait une liste d’attente pour le parc HLM très importante.
Tenter d’augmenter le parc HLM, comme l’a fait le maire sortant à coups d’achats pour des centaines de millions permet certes de conserver un mélange social bienvenu (encore qu’il y manque les classes moyennes inférieures pour les raisons évoquées plus haut). Mais cela conduit à privilégier certains qui remplissent les conditions pour être en tête de liste, par rapport à d’autres.
La vraie question devrait être de savoir comment offrir aux maximums de franciliens de bonnes conditions d’accès à tout ce que peut offrir la capitale. C’est possible si la distance par transport en commun vers le cœur de Paris est courte en temps. Il faut pour cela un réseau de métro et de RER bien meilleur que celui d’aujourd’hui pour la proche banlieue, et une densité de population plus forte dans la petite couronne : en fait, avoir dans la petite couronne la densité parisienne. Paris a environ 12 000 habitants au Km2 sur ses 104 km2 de superficie. Les Hauts de Seine comptent 176 km2, la seine Saint Denis 236, le Val de Marne 245 Km2. Les 647 km2 de ce qui composait hier le département de la Seine pourraient en théorie accueillir l’ensemble des franciliens dans un cercle d’environ 30 km de diamètre. Avec un réseau à la fois dense et rapide de transport, un tel ensemble aurait des prix moins élevés dans sa partie centrale. Mais je rêve : la France n’est pas prête à raisonner en termes de marché dans le domaine du logement !
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