Le recrutement d’un nouveau salarié est un exercice difficile où il faut apprécier l’adéquation des candidats au profil du poste. La dernière lettre du Céreq montre que les recruteurs sont marqués par les préjugés qu’ils peuvent avoir sur les qualités ou défauts supposés des hommes et des femmes.
« Les hommes sont plus fonceurs mais les femmes mieux organisées ». Cette citation sert d’exergue à la lettre de quatre pages qui montre que 90 % des recruteurs interrogés par les spécialistes des qualifications font de fait du sexe du candidat un critère de sélection. L’étude qualitative ne permet pas de savoir à quel point ce critère est important dans le choix final, mais les nombreux exemples donnés montre la réalité des stéréotypes parmi des recruteurs qui sont pourtant des professionnels du sujet.
Des stéréotypes qui ne sont pas forcément défavorables aux femmes (c’est très variable selon les postes à pourvoir et les exemples donnés) mais qui discriminent illégalement. Précisons que par définition, un recrutement consiste à choisir et donc à discriminer : la question est de choisir des critères de choix légitimes car correspondant au poste et non des critères illégitimes. Par exemple, si je recrute l’adjoint d’un chef d’agence, je peux éliminer tous ceux qui ne parlent pas anglais si cette langue doit être utilisée régulièrement dans le travail, mais je ne peux éliminer les hommes sous prétexte que le chef d’agence est un homme et que j’estime qu’il vaut mieux un binôme homme femme.
Il faut rappeler que les femmes ne sont pas les plus discriminées à l’embauche : sur ce point, elles viennent loin derrière les handicapés ou les « minorités visibles (en clair ceux qui n’ont pas un type physique qui montre leur ascendance européenne !), les plus discriminés étant les seniors. Et la lecture de la lettre du Céreq illustre ce qu’on sait par ailleurs : les femmes sont aujourd’hui largement majoritaires dans les fonctions RH.
La plupart des exemples rapportés par le Céreq concernent des emplois qualifiés, pour la plupart au moins du niveau bac+ 2. Les statistiques par métiers et filières dont j’ai déjà parlé ici montre que les métiers les plus qualifiés sont mixtes, c’est-à-dire qu’on y trouve aussi bien des hommes que des femmes, pas forcément dans la même proportion, mais avec des taux non négligeables pour le sexe minoritaire, le taux le plus bas étant celui des femmes ingénieurs informatiques (18%). A contrario, on trouve dans les métiers moins qualifiés des répartitions beaucoup plus franches, le sexe minoritaire étant souvent présent à moins de 10%, parfois à peine 2 ou 3%. Dans ces cas-là, ce sont dans les phases d’orientations que les stéréotypes (portés par les enseignants, les parents, ou les jeunes eux-mêmes) jouent.
Un de mes amis, qui dirige un cabinet d’avocat se retrouve avec une équipe très féminine et commence à s’en inquiéter. Du coup, dans un recrutement en cours, il a demandé au cabinet de recrutement de lui présenter dans les possibles au moins un homme ; Au final, sur 8 candidats, il y a un homme qui semble avoir été repêché et ne passera peut être pas la sélection finale. En essayant de comprendre pourquoi il est confronté à cette situation, mon ami a forcément été tenté par les explications stéréotypées : par exemple il offre des salaires inférieurs à ceux pratiqués par les grands cabinets, ce qui fait fuir les meilleurs hommes, mais à contrario des horaires de travail plus raisonnables, ce qui semble sélectionner les femmes…
Pour éviter les discriminations à l’embauche, il est nécessaire que les recruteurs prennent conscience de leurs propres stéréotypes pour s’en méfier. Mais c’est un exercice difficile.
Une dernière remarque sur les seniors : ma conviction est que les recruteurs se méfient d’eux parce qu’ils les estiment trop cher et tournés vers le passé. Je conseille donc aux seniors de s’efforcer de montrer qu’ils sont tournés vers l’avenir. Donc d’accepter l’existence de ces stéréotypes pour mieux s’en préserver !
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