François Hollande a tenté de se sortir du guêpier crée à sa gauche par ceux qui se sont indignés de la manière dont une collégienne étrangère a été appréhendée avant son expulsion. En essayant de ne fâcher personne, il semble qu’il ait surtout réussi à ne plaire à personne, mais il est toujours difficile de savoir comment évoluera un sujet fortement chargé émotionnellement.
Le rapport d’enquête administrative, remis au gouvernement samedi matin et publié sur le site du ministère dans l’après-midi, donne force détails sur le déroulement des événements et montre que
· RESAT DIBRAMI, le père de famille a été arrêté et placé en rétention administrative le 26 août. « Les deux premières tentatives d’éloignement de M.DIBRANI (le 11 et le 27 septembre 2013) se sont soldées par un refus d’embarquer de l’intéressé, la seconde fois au motif que sa famille n’était pas avec lui. Il accepte finalement d’embarquer le 8 octobre sans difficultés. »
· Les soutiens de la famille (qui n’en a manifestement pas manqué) se sont mobilisés pour demander aux pouvoirs publics un regroupement familial dans la perspective de l’éloignement.
· La mère de famille ne sachant pas où était sa fille Léonardo, celle-ci a fini par être récupéré au cours d’une sortie scolaire, ce qui a déclenché la réaction des enseignantes qui ont alerté le réseau RESF
· L’opération s’est déroulée dans le plus grand calme
· Le refus réitérée de la demande d’asile s’est appuyé sur les éléments défavorables présentés par le chef de famille (dégradation des lieux occupés, refus de recherche de travail, insultes). Les enfants se signalent par leur absentéisme scolaire.
On trouve aussi cette phrase qui ne manquera pas d’être exploitée demain par tous ceux qui voudraient faire croire qu’elle est représentative de l’ensemble des étrangers qui viennent chez nous : M. DIBRANI n’a jamais donné suite aux propositions d’embauche qui lui étaient faites, et il ne cachait pas attendre le versement des prestations familiales qui suivraient sa régularisation pour assurer un revenu à sa famille.
L’extrême droite fera son miel de cette situation. Je suis prêt à parier qu’elle se gardera bien pour autant de citer l’une des suivantes : L’un des élus, conseiller général, qui a suivi 5 familles de déboutés du droit d’asile, dont deux kosovares, a signalé que la famille DIBRANI était la seule qui ne s’était pas engagée dans un processus d’intégration.
Fort de ce rapport qui concluait « il ressort de tous ses éléments que le refus d’autorisation de séjour sur le fondement de la circulaire de 2012 et la décision de mise en œuvre de l’éloignement de la famille DIBRANI étaient conformes à la réglementation en vigueur », le président de la République a cru bon de faire une proposition qualifiée de générosité par le ministre de l’intérieur, à savoir offrir à la seule collégienne la possibilité de revenir en France, jugement de Salomon qui manifestement n’a contenté personne.
Quand un parti est dans l’opposition, il peut contester telle ou telle loi et ses conséquences. Quand il est au pouvoir, il se doit d’appliquer la loi et, s’il ne la trouve pas bonne, d’en faire voter une autre par le Parlement. Ici, c’est une circulaire prise il y a un an par l’actuel gouvernement qui a été appliquée. La logique est alors d’assumer.
Le « geste de générosité » du Président nous rappelle surtout que nous sommes encore dans une conception monarchique du pouvoir, une conception dans laquelle le plus haut dignitaire de l’Etat (et parfois d’autres parmi ceux qui nous gouvernent) s’autorise à se mettre au-dessus des lois. C’est une conception assez curieuse de la démocratie, qui doit surprendre dans les pays qui ont une conception plus haute du respect de la loi.
Je retrouve par ailleurs une idée qui m’avait déjà choquée, celle que la seule possibilité pour cette jeune fille de poursuivre des études est en France, comme si les autres pays n’avaient pas d’écoles ! Il est vrai que je ne connais pas le niveau de l’éducation au Kosovo (d’après Wikipédia, l'éducation est donnée pour tous les degrés de niveaux : primaire, secondaire, et universitaire. L'université de Pristina est l'université publique du Kosovo), un pays qui a été durement touché par la guerre. Il parait aussi que la famille de parle pas la langue, le père ayant menti sur les origines de sa femme et de ses enfants.
Sur la question plus globale du contrôle de l’immigration, je serais spontanément favorable, en libéral conséquent, à une plus grande ouverture de nos frontières, persuadé que l’émigration peut être une richesse. Mais je ne pense pas, contrairement à la plupart des partisans de la régularisation de tous les sans-papiers, qu’une telle position soit compatible avec une politique économique qui par ailleurs ne fait guère confiance à l’initiative priée.
Ce qui reste un fait divers a montré qu’il n’y avait au final pas une grande différence entre la politique de la droite et celle de la gauche, à part (ce qui n’est pas rien) un discours qui évite les envolées racistes et les accusations les plus folles. Il a rappelé aussi qu’il est difficile (voire impossible) de concilier humanisme et exclusion.
On rappelera cependant qu'il a fallu des décennies avant que soit mis en place un système d'apprentissage de la langue qui aurait du être associé depuis toujours à une politique favorable à l'immigration. Sinon, comment peut on parler sérieusement d'intégration. Les résultats de l'enquête sur les compétences des adultes montrernt à quel point notre pays a péché sur ce point, contre son propre intérêt.
Il ne faudrait pourtant pas se tromper de combat : à lire de nombreux forums (y compris celui du Monde), les discours les plus racistes ne se cachent plus guère. Des politiques se sont plaints d’une rumeur qui fait froid dans le dos. Et les croyances que révèlent les rumeurs et les forums montrent, hélas, les conséquences d’une société de défiance.
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