Le numéro 1449 d’INSEE Première paru vendredi 7 juin est consacré à l’étude de la manière dont se fait le passage de l’emploi à la retraite, ce passage pouvant dans un tiers des cas se faire de manière indirecte, c’est-à-dire par le passage par un autre cas, notamment le chômage ou des problèmes de santé.
Il y a deux ans et demi, au moment des manifestations contre la réforme des retraites, j’avais réagi à l’affirmation des opposants selon laquelle 60% de ceux qui prennent leur retraite sont au chômage et je m’étais demandé quel était le taux exact, étant entendu qu’il était forcément nettement plus bas, mais qu’il pouvait se situer entre 23% et 31% (chiffres obtenus en recoupant d’autres informations) dont une partie était des choix volontaires, par exemple à l’occasion d’un PSE ou d’un rupture conventionnelle.
Par sa publication, l’INSEE vient éclairer cette question, avec la pertinence et la précision que lui donnent ses sources de renseignement et ses moyens statistiques. A noter que l’INSEE a réduit son étude à ceux qui ont travaillé après 50 ans (ce qui exclut certaines femmes au foyer ou des personnes reconnues inaptes au travail avant 50 ans).
Premier constat : la différence entre les statuts. 80 % des salariés du secteur public sont passés directement de l’emploi à la retraite, contre 59 % des salariés du secteur privé et 69 % des non-salariés. Cette différence illustre les risques pour les salariés du privé, mais permet de constater que 20% des salariés du secteur public, a priori protégés du licenciement, ne sont pas directement passés de l’emploi à la retraite. Il y a donc manifestement d’autres phénomènes à observer.
Le premier tableau de chiffres montre immédiatement à quel point la situation est complexe : 19% de ceux qui ont eu un accès indirect à la retraite ont quitté leur dernier emploi parce qu’ils avaient tous leurs trimestres !
Pour ce tiers de retraités qui ne sont pas passé directement de l’emploi à la retraite et qui ont donc eu une trajectoire indirecte, l’INSEE distingue quatre types de trajectoire, selon le statut (et les revenus) juste après la perte du dernier emploi. Cela n’est pas complétement clair, mais voilà ce que j’ai compris :
· Un tiers de ces personnes se sont retrouvées au chômage (avec les allocations correspondantes pour 84% d’entre eux). Les anciens salariés du secteur privé, les personnes les moins diplômées (titulaires d’un diplôme de niveau CAP-BEP ou inférieur) et les femmes y sont surreprésentés. 28 % ont perdu leur dernier emploi entre 50 et 54 ans. Certains d’entre eux se sont probablement retrouvés en fin de droit d’allocation chômage bien avant de pouvoir liquider leur retraite mais l’INSEE ne précise pas combien.
· Une personne sur 6 a quitté son emploi pour raison de santé et percevait des indemnités de longue maladie ou une pension d’invalidité après ce départ. Les anciens salariés du secteur de la construction et les personnes les moins diplômées y sont également surreprésentés. 42 % des membres de ce groupe ont quitté leur dernier emploi avant 55 ans et 65% auraient aimé travailler plus longtemps.
· 7% des trajectoires indirectes concernent des personnes qui ont quitté leur emploi pour des raisons familiales et dont les deux tiers ne touchaient aucune allocation après leur départ. Ce sont surtout des femmes et d’anciens non-salariés
· Enfin 46 % ont fait le choix d’un départ parce qu’ils ne souhaitaient pas continuer à travailler et qu’ils ont pu profiter d’une solution financièrement adaptée. Un tiers étaient des pré retraités mais on trouve là aussi des salariés s’étant portés volontaires dans le cadre d’un plan social. On retrouve notamment des anciens salariés du secteur public.
Je soulignais dans mon article de 2010 qu’une partie de ceux qui se trouvaient au chômage au moment de liquider leurs droits l’avaient choisi : l’étude de l’INSEE montre que cela représente près de la moitié des parcours indirects. Il faut noter qu’avec la disparition de la DRE (dispense de recherche d’emploi) ce type de parcours est actuellement en diminution (sans disparaître pour autant) alors que le premier groupe (ceux qui ont perdu leur travail sans le souhaiter)est par contre en augmentation en raison de la crise.
Le groupe de ceux qui partent pour raison de santé est mécaniquement augmenté par le report de l’âge de la retraite mais le sera probablement aussi du fait que c’est la seule voie qui reste pour sortir. J’ai pu voir ainsi dans ma propre boîte une personne qui a tout fait (elle a réussi) pour se faire licencier pour inaptitude et bénéficier ainsi des indemnités de licenciement correspondantes, alors qu’elle a tous ses trimestres cotisés, qu’elle compte en fait travailler à son compte et que sa « maladie » est très théorique.
Il est évident que les situations dramatiques se concentrent dans les trois premiers groupes, en particulier ceux qui ont perdu tôt leur emploi et qui se sont retrouvés en fin de droits avant de pouvoir partir en retraite. Il y en a certainement parmi ceux qui sont sortis avant 55 ans.
Le groupe de ceux qui sont sortis pour raison de santé regroupe environ 12 % des retraités (qu’ils aient eu une trajectoire indirecte ou pas). Ce taux justifie la préoccupation des organisations syndicales de voir reconnaître les questions de pénibilité.
La note de l’INSEE compte d’autres données intéressantes sur lesquelles j’espère revenir.
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