Tous ceux qui analysent froidement la question de l’avenir des retraites, et j’en font partie, concluent immanquablement à la nécessité de reporter demain l’âge des départs, ou la durée de cotisations, ce qui n’est guère différent. Et pourtant, les Français résistent à ces évaluations raisonnables et ne semblent que rêver à partir le plus tôt possible. Pourquoi ?
Dans son dernier article sur Classe éco, Alexandre Delaigue constate que la vie de retraité n’est pas si désagréable que certains voudraient le faire croire du point de vue financier. C’est parfaitement vrai aujourd’hui, même si le taux de remplacement est plus faible pour ceux qui ont fait de belles carrières (mais qui ont donc pu épargner) que pour ceux qui n’ont pas vu leur revenu augmenter plus que le PIB.
Cela ne le sera pas forcément demain. Il n’y a qu’à voir pour s’en convaincre ces études qui montrent que le déficit des régimes sera d’autant moins élevé dans 20 ou 30 ans que la hausse de la productivité aura été forte. Pour qui réfléchit un petit peu, cette conclusions n’est possible que si on admet que le niveau des pensions suit l’évolution du coût de la vie mais pas celui des salaires, et donc que le taux de remplacement est appelé à baisser inexorablement. Il est vrai que quand on regarde la proportion de plus de 60 ans demain…
Alexandre continue en se demandant si la retraite est bonne pour la santé, pour finir par se demander pourquoi les Français, au contraire des décideurs et commentateurs, ne rêvent que de partir en retraite, car la retraite c’est la liberté.
Il constate que la masse des travailleurs ont un emploi « contraignant et déplaisant ». Et il finit par cette phrase qui devrait donner à penser : « La vraie question des retraites est celle de la nature du travail ».
Dans un article à venir sur la qualité de vie au travail, un thème qui semble succéder à celui des RPS, je note que la Médef aurait tout intérêt à promouvoir ce sujet, car il recouvre celui de la motivation. Le désir de retraite en dit assez long sur la motivation au travail, au moins à l’approche de celle-ci.
Mes lecteurs les plus anciens savent que j’ai commencé ma carrière dans les mines de charbon. La plupart de mineurs que j’ai rencontrés étaient des gens qui aimaient leur travail et étaient motivés. Pourtant celui-ci était dur et réalisé dans des conditions difficiles. Mais ils en étaient fiers. Surtout, ils avaient de fait une autonomie rare dans le monde industriel. Il n’y avait pas besoin de lois Auroux pour qu’ils puissent discuter avec leur encadrement et la hiérarchie supérieure.
Parmi les seniors, on trouve bien sûr des gens fatigués, avec des problèmes physiques réels qui font qu’ils aspirent au repos. Une note du CAE de 2007 estimait la proportion de ces seniors à environ 30% des travailleurs. D’autres, estimés à environ 25% des travailleurs par la même note, sont sur des métiers en récession : ce sont souvent les employeurs qui les poussent à prendre leur retraite. A 55 ans ou plus, ils n’ont pas forcément envie de se reconvertir.
Mais le désir de prendre sa retraite nait aussi de la lassitude d’un travail que l’on fait à l’identique depuis trop d’années. Au-delà d’une dizaine d’années dans le même poste, il est difficile de garder sa motivation. Que dire quand il s’agit de quinze, vingt ou trente ans, d’autant plus quand il devient de plus en plus difficile de s’adapter à de nouvelles méthodes de travail, de nouveaux outils. On notera ici que des salariés occupant depuis 15 ou 20 ans le même poste ont plus souvent 50 ou 55 ans que 25 ou 30-).
Alexandre a raison : si les employeurs veulent que les salariés acceptent d’augmenter la durée de cotisation, il leur faut se réinterroger sur la nature du travail, sur les conditions et relations de travail et sur les évolutions de carrière.
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