La situation de l’économie et de l’emploi, comme les recommandations de Bruxelles, poussent les socialistes au pouvoir à une remise en cause radicale de certaines de leurs convictions les plus solides, qu’elles concernent le rôle de l’Etat, l’équilibre des retraites, le droit du travail ou l’évolution des rémunérations.
L’impératif de réduction du déficit, même avec un accord de Bruxelles pour repousser à 2015 le respect d’un déficit de 3%, devrait se solder l’an prochain par un effort de réduction des dépenses de l’ordre de 7.5 milliards d’euros. Eu égard à des prévisions de croissance de plus en plus faibles (et très loin des 2.5% par an sur lesquels se basait le candidat Hollande pour financer ses promesses), il s’agit en effet de baisser les dépenses en euros constants. Même si la baisse sera surtout symbolique et donc très limitée (on parle de 1.5 milliards d’euros), elle suppose de compenser la dérive mécanique due par exemple aux promotions par ancienneté ou à l’augmentation du nombre de retraités de la fonction publique. Au delà de l’importance de l’électorat de gauche chez les fonctionnaires ou du poids des promesses électorales, la pilule sera très difficile à faire passer car es efforts précédents ne permettent plus guère d’envisager des économies sans réelle remise en cause organisationnelle.
Le Monde du 10 mai avance que la Commission européenne s’apprête à demander à la France un effort sur trois points : les retraites, le coût du travail, la libéralisation de l’économie (et notamment celle des transports et de l’énergie), y compris le droit du travail et en particulier celui du licenciement. Le nouveau patron de la CGT, Thierry le Paon, a déjà réagi négativement à ces demandes.
Sur les retraites, les marges de manœuvre à court terme sont assez limitées puisque les réformes précédentes (Sarkozy 2010 et Hollande 2012) ont fixé les âges de départ et le nombre de trimestres requis pour les salariés nés avant 1956 : un changement des règles pour les salariés nés à partir de 1956 est probable mais il n’aura pas d’effet avant 2018 (puisque la retraite est à 62 ans), sauf à remettre en cause les spécificités pour ceux qui ont démarré avant 20 ans, spécificités définies par Hollande il y a moins d’un an !
Il est possible de réduire le niveau des pensions (et au moins de ne pas les revaloriser de l’inflation. On peut aussi augmenter les cotisations (la réforme Hollande pour ceux qui ont commencé entre 18 et 20 ans est financé par une hausse de 0.1% du salaire brut des cotisations salariales comme patronales), mais cela va à l’encontre d’une autre demande de Bruxelles, qui est de baisser le coût du travail. Augmenter le nombre de trimestres à cotiser pour ceux qui partiront d’ici 2017 sera extrêmement difficile (avec notamment le risque de trouver une nouvelle fois des chômeurs ayant accepté un licenciement ou une rupture conventionnelle sur la base des informations disponibles et se trouvant en fin de droits avant de pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite).
On sait comment baisser le coût du travail : transférer le financement des allocations familiales à l’Etat et à l’impôt, en l’occurrence une hausse de TVA. Au passage, le plafonnement des allocations familiales selon le revenu est plus cohérent si ces allocations sont payées par l’impôt que si elles le sont par les cotisations sur les salaires. Mais c’est justement ce que la gauche à condamné encore récemment.
Sur le droit de licenciement, dont la lourdeur explique la multiplication des CDD, je souhaite bien du plaisir à Michel Sapin pour faire accepter une réforme libérale à ses amis socialistes !
En raison de la situation économique, le gouvernement est dos au mur pour faire des réformes que la droite n’a pas faites (à l’exception très importante de celle des retraites) mais qui vont à l’encontre des idées dominantes dans la gauche française (au contraire d’autres partis de gauche européens).
Dominantes mais pas forcément unanimement partagées comme le montrent deux exemples personnels.
Le premier est celui d’un ancien membre des cabinets socialistes d’avant 2000, toujours au PS et qui m’affirmait quelques mois avant l’élection présidentielle que les cercles économistes autour du candidat, qu’il fréquentait assidument, appuyaient pour la politique qui se profile aujourd’hui.
Le second est celui d’un de mes anciens collègues, également encarté au PS et actif au sein de Terra Nova, qui m’expliquait il y a deux ou trois anas que la situation des comptes publics allait obligé les collectivités à tous les niveaux à renoncer à tout ce qui n’était pas obligatoire. Cet ancien consultant est aujourd’hui à Matignon dans l’équipe chargée de la réforme de l’Etat…
Dans une telle perspective, le gouvernement n’a pas intérêt à faire de cadeaux à ses alliés, que ce soit sur l’amnistie dite sociale ou la fermeture de Fessenheim.
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