Le vote récent des Italiens vient sanctionner la récession subie par le pays, pourtant relativement moins touché que d’autres pays de l’Europe du Sud, comme la Grèce, le Portugal ou l’Espagne. Dix ans après sa création, les résultats obtenus par la monnaie commune sont très décevants, en particulier au regard de ce que ses promoteurs avaient promis.
Au quatrième trimestre 2012, l’Italie a vu son PIB reculé de 0.9% par rapport au trimestre précédent et de 2.8% par rapport à la fin 2011. De son côté, le PIB portugais a reculé de 3.2% sur un an !
Ces pays du Sud sont confrontés à deux difficultés qui en entraînent une troisième : leur balance extérieure est très déficitaire, de même que leurs comptes publics, les deux situations faisant peur aux créanciers potentiels au point que les taux d’intérêt de la dette grimpent sur le marché secondaire d’abord, quand ils veulent emprunter ensuite. La France n’en est pas là pour ce qui est des taux, mais elle connaît à un niveau moindre les mêmes difficultés, avec un commerce extérieur qui s’est dégradé et une dette qui a beaucoup augmenté depuis cinq ans.
Ces difficultés ont été fréquentes depuis 1945, et la solution était bien connue, même si elle n’était pas facile à mettre en œuvre : une bonne petite dévaluation, quelques mesures d’accompagnement pour éviter que les prix dérapent et le tour était joué, au bout d’un an ou deux les comptes, au moins extérieurs, se redressaient.
Malheureusement, avec l’euro, plus de possibilité de dévaluation ! Là où cette solution revenait à une baisse relative des salaires vis-à-vis de ceux des pays voisins, sans pour autant toucher au salaire nominal, il faut aujourd’hui aux pays du Sud procéder à de véritables baisses salariales, en commençant par la rémunération des fonctionnaires, une mesure qu’on imagine peu populaire chez les intéressés !
« Hausse de deux points de la TVA à 23 %, gel des retraites, baisse des salaires des fonctionnaires, plafonnement des aides sociales », tel était le programme du gouvernement portugais fin 2010 , avant qu’il ne demande l’aide européenne, sous la pression des marchés et de taux devenus prohibitifs. Depuis, la cure d’austérité, à défaut d’avoir permis de revenir aux objectifs de 3% de déficit public, a eu au moins un effet positif sur le commerce extérieur : les exportations portugaises ont progressé de 3,3 % en 2012, contre une hausse de 7,2 % l'année précédente, tandis que les importations ont chuté de 6,9 % l'an dernier, contre un recul de 5,9 % en 2011. Mais l’effet sur le PIB est particulièrement violent, la consommation des ménages a baissé de 5.6% en 2012, après un recul de 3.8% en 2011.
Le Portugal n’est qu’un exemple, on connait la situation grecque, encore pire. J’ai cité en son temps le livre de Jean Pisani Ferry qui me parait bien décrire et expliquer la crise de l’euro.
On peut se demander si l’entrée de ces pays dans la zone euro, et même la création de cette zone n’ont pas été des erreurs tragiques, que les citoyens du sud de l’Europe payent aujourd’hui au prix fort.
Ce serait oublier ce que l’euro a apporté à ces pays dans les années qui ont suivi sa création : des taux d’intérêt extrêmement bas, proches de ceux obtenus par l’Allemagne. Si on met de côté le cas particulier de la Grèce, les pays du Sud payent aujourd’hui pour leur dette des taux qui paraissent faibles au regard de ce qu’ils payaient dans les années 80 et 90. Rappelons que les taux à court terme sont restés aux alentours de 10% en France jusqu’au milieu des années 90, et que leur baisse a contribué à la reprise dynamique à partir de 1997.
Il n’empêche. Comment a-t-on pu en arriver à cette situation catastrophique ? Trois explications générales (comme le fait remarquer Pisani-Ferry, il y a aussi des explications particulières à certains pays comme la Grèce ou l’Irlande).
D’abord l’insouciance des dirigeants (y compris les dirigeants français à partir du discours de Chirac sur la cagnotte) qui ont continué ou repris des politiques de déficit structurel, c’est-à-dire des déficits publics même en période de haute conjoncture, alors qu’ils savaient ne pas respecter les traités et ne plus pouvoir dévaluer. On peut trouver le traité de Maastricht trop restrictif, mais alors on n’y adhère pas !
Deuxième coupable, l’Allemagne et sa politique forcenée de désinflation compétitive vis-à-vis de ses voisins, une politique non coopérative qui lui permet aujourd’hui un faible taux de chômage mais qui coûte très cher à ses voisins. Sur ce point, je partage l’avis d’Alexandre Delaigue qui condamne les politiques mercantilistes (visant à créer des excédents extérieurs), cette politique ne pouvant par définition être suivie par tous les pays. Il ne faut cependant pas oublier que la situation démographique de l’Allemagne (avec un taux de natalité très faible et une pyramide des âges marquée par la politique nataliste du 3ème Reich et les pertes énormes de la guerre) l’oblige à être prudente sur son avenir et pèse aussi sur sa croissance.
Troisième coupable, la BCE qui aujourd’hui oblige les pays endettés à une politique de rigueur excessive en se servant pour cela de l’arme de son intervention sur les marchés, arme qu’elle n’utilise pour faire baisser les taux que quand les gouvernements ont pris les mesures d’austérité quelle leur impose de fait. Je suis moins d’accord avec Alexandre sur ce point, non sur le constat, mais sur sa justification. Après tout, la BCE ne fait qu’appliquer le mandat qu’on lui a donné : maintenir l’inflation à un taux inférieur à 2 %. Par rapport à cette mission, d’aucuns pourraient dire (et certains Allemands ne s’en privent pas) quelle est très laxiste.
Notre pays a choisi comme toujours de faire payer la crise aux entreprises, dont la part dans la valeur ajoutée a baissé d’au moins 2 points, avec tout cela comporte comme risque pour l’avenir à long terme. En Allemagne, la politique menée depuis 10 ans a au contraire conduit à une augmentation de 4 points de la part des entreprises : les brillants résultats de Volkswagen en sont l’illustration, quand Renault et PSA souffrent.
Aujourd’hui l’Allemagne mène une politique plus coopérative avec notamment une augmentation plus rapide de ses salaires (on reste raisonnable : c’est 3 % qui ont été accordés dans des accords restants).
Il est vrai aussi que sa sortie du nucléaire et sa politique de développement du renouvelable risquent de lui coûter très cher(on parle aujourd’hui de 1000 milliards d’euros). Mais notre gouvernement est prêt à brader une centrale en état de marche et n’arrive pas à accélérer la seule politique dont on est sûr qu’elle soit raisonnable, celle d’amélioration de l’efficacité énergétique dans les logements.
Alors l’euro, une erreur ? En tous les cas un échec provisoire. On en reparlera dans 5 ans, en espérant que d’ici là la croissance sera revenue !
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