Le journal officiel a publié jeudi 6 décembre le cri d’alarme du Contrôleur général des lieux de privation de liberté à propos au centre pénitentiaire des Baumettes, à Marseille, en application de la procédure d’urgence, et la réponse donnée par le Garde des sceaux. Les journaux relaient l’information, photos à l’appui
La société n’est pas prête à accorder à ses prisonniers des conditions meilleures que celles des plus pauvres des citoyens. C’est du moins ce qu’estimait devant moi un dirigeant de la pénitentiaire pour s’en désoler. Il ajoutait que la société ne veut surtout pas voir ce qui se passe dans les prisons, que ce soit la condition des détenus ou celle des surveillants. La lecture de beaucoup de commentaires sur les médias à propos de cette affaire montre malheureusement la justesse de ces remarques.
C’est tout à l’honneur d’une démocratie que d’organiser un contre-pouvoir pour contrôler ce qui se fait dans les lieux d’enfermement. Reste ensuite à prendre en compte les avis de ce contrepouvoir : la réponse de la Garde des sceaux, qui figure elle aussi au Journal Officiel, à la suite des recommandations de Jean Marie Delarue, montre toute la difficulté de l’exercice !
A lire le rapport, la prison des Baumettes, construite en 1936, a sans doute été mal conçue, est certainement mal entretenue, et souffre de la surpopulation carcérale, comme des dégradations que font régulièrement subir à leur environnement des détenus qui ne supportent plus leurs conditions de détention. Les faits rapportés justifient cependant amplement l’utilisation de la procédure d’urgence.
J’ai eu l’occasion il y a quelques années de visiter (très vite et donc très partiellement la plupart du temps) sept établissements pénitentiaires français. Lors de la deuxième de ces visites, j’avais été frappé par la grande propreté des lieux collectifs, qui m’avait fait penser à ce que l’on observe aujourd’hui de plus en plus sur des sites industriels, où la mise en place de démarches de type 5S fait qu’on a l’impression de pouvoir manger par terre.
Je n’avais pas forcément retrouvé cette impression dans d’autres lieux, en particulier dans des établissements plus anciens, mais l’impression globale était restée celle de propreté. Les lieux étaient en bon état (pas forcément très gais par contre, au contraire de ce que l’on observe dans d’autres lieux), les dégradations observées dans des établissements pour mineurs, là aussi pour défaut de conception, faisant un peu exception.
Les Baumettes sont-elles pour autant une exception dans un paysage par ailleurs riant ? Il serait hasardeux d’en tirer une telle conclusion !
Le parc des prisons françaises s’est constitué progressivement, mais il a compris des établissements établis dans des lieux parfois très anciens. Les programmes de construction des dernières décennies avaient pour premier objet de fermer des établissements qu’il n’était guère possible de transformer correctement. C’est ainsi que les prisons Saint-Paul et Saint-Joseph à Lyon ont été remplacées en 2009 par l’établissement de Corbas qui venait d’être construit. De ce que j’ai pu comprendre, les conditions de vie et de salubrité n’y étaient pas brillantes…
La politique judiciaire d’allongement des peines et de durcissement en cas de récidive a augmenté considérablement la population carcérale, les nouveaux établissements ne suffisant pas à empêcher que les prisons doivent accueillir nettement plus de détenus (souvent des prévenus, donc pas encore jugés) qu’il n’y a officiellement de places , au détriment des conditions d’incarcération.
Les budgets sont en hausse pour faire face à cette augmentation, mais la hausse étant comptée au plus juste, les moyens manquent. Il y a quelques années, le gouvernement avait voulu payer après le nouvel an (donc avec les crédits de l’année suivante) la prime de Noël des surveillants, suscitant une telle réaction de leur part qu’il avait dû faire marche arrière. On imagine ce qu’il en est en pleine crise de la dette...
Depuis plusieurs lustres, les gouvernements successifs proclament que les choses iront mieux à la fin du programme de construction en cours, mais l’évolution du nombre de détenus conduit à repousser d’année en année la date prévue tout en annonçant un nouveau programme. La raison devrait inciter à une réduction de la population carcérale, ce qui suppose de revenir sur une partie des lois prises pendant l’ère sarkozyste. Une décision forcément difficile à prendre pour un gouvernement déjà confronté à de nombreuses contestations sur les sujets les plus divers.
Il faut aussi noter que la France a toujours donné la priorité à empêcher la fuite des détenus et elle est reconnue internationalement pour son efficacité dans ce domaine. Cette préoccupation se paye dans les conditions d’incarcération. Ce qui est indispensable dans une maison centrale pour les détenus les plus dangereux, n’est pas pour autant adapté à une maison d’arrêt et à des condamnés pour quelques mois. On fait autrement ailleurs, dans l'ancien ou le neuf (via Eolas)
Il existe une seule prison « ouverte » (à Casabianda en Corse) sans mur d’enceinte ni miradors, adaptée à un certain type de détenus. Mais les populations locales sont-elles aujourd’hui prêtes à accepter ce qu’elles comprendront comme un risque ? On peut malheureusement en douter !
Il est aussi difficile d’atteindre des objectifs parfois contradictoires. Laisser un minimum d‘intimité aux détenus qui utilisent les toilettes, en particulier quand ils sont plusieurs est légitime (les Baumettes ne sont vraiment pas exemplaires dans ce domaine). Pouvoir surveiller l’ensemble de la cellule de l’œilleton lors des tours de garde pour prévenir les suicides l’est tout autant. Pas simple !
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