A lire les forums de discussion, qui reflètent probablement surtout les points de vue extrêmes, les élus de la République n’ont pas bonne presse : on leur reproche notamment de penser d’abord à leurs intérêts, les particularismes dont ils profitent sur le plan des retraites étant particulièrement mal vus.
Dans un pays scandinave, une ministre a du démissionner pour avoir fait un achat personnel (de quelques dizaines d’euros) avec la carte bleue de son ministère, et ce bien qu’elle ait remboursé ensuite la somme en question.
On est très loin de ces pratiques dans notre beau pays, mais peut être est ce en train de changer. Pour prendre un exemple très proche de l’histoire précédente, JP Kucheida, ancien député de Liévin et président d’une société de logements sociaux, a utilisé la carte bleue de la dite société pendant ses vacances en Corse et pour des montants importants, et il semblait ne pas comprendre pourquoi on lui cherchait des poux. Le PS dont il était pourtant un des principaux leaders dans le Pas de Calais, ne lui a pas donné l’investiture et il a donc été battu en 2012, dans un siège qu’il occupait sans discontinuer depuis une trentaine d’années. Il est très possible que l’année 2013 lui fasse faire un passage en prison : on peut supposer que cette histoire de carte bleue ne soit que la face cachée de l’iceberg
Tout près de là, à Hénin Beaumont, l’ancien maire Gérard Dallongeville a lui déjà fait un passage par la prison. Cela contribue bien sûr au score élevé de Marine le Pen dans la circonscription. Il semble d’ailleurs que l’élection législative où elle a été battue de peu par un nouveau candidat socialiste puisse être cassée : il y a un soupçon de fraude électorale avec des signatures sur les feuilles d’émargement qui auraient changées entre les deux tours.
Dans ce cas et au regard de la chute du PS dans les sondages, il est possible qu’on se retrouve avec une troisième députée FN. Ce parti joue d’ailleurs beaucoup sur l’image « tous pourris ». Ses passages à la tête de diverses municipalités n’ont pourtant pas fait la preuve d’une pratique plus vertueuse. Il est vrai que le népotisme est pour ainsi dire consubstantiel aux thèses du FN.
J’aurais pu évoquer d’autres affaires, avec les noms de Mellick, Balkany, Woerth, Noir, Carignon… Mais on peut tout autant trouver que ces affaires prouvent que les élus ne sont pas honnêtes ou au contraire que le système fonctionne bien, et que les malhonnêtes sont débusqués et condamnés.
Mais en fait le propos n’est pas là. La vraie question est que le niveau de confiance envers les élus est en baisse et que dans le même temps (les faits ne sont pas forcément liés), il y a une désaffection progressive du suffrage universel, les jeunes votants beaucoup moins que leurs aînés.
Il est probable que l’une des causes de dérive de certains élus vient de l’absence de possibilité d’alternance là où ils sont. J’évoquai l’ancienneté comme député de JP Kucheida, mais c’est le cas de la plupart des députés de cette partie du Pas de Calais, tous socialistes, comme le sud des Hauts de Seine est acquis à la droite. Ce qui ne veut pas dire que la longévité engendre forcément des dérives ni qu’elle conduise avec le temps à un rejet. Le cas de René Dosière concurrencé deux scrutins de suite par son propre parti et vainqueur les deux fois est là pour le prouver.
Je l’ai déjà dit plusieurs fois sur ce blog : je suis assez convaincu par la thèse de Algan et Cahuc sur la « société de défiance » et par l’explication qu’ils en donnent.
Rappelons en quelques mots leur discours : ils partent du constat que dans les comparaisons internationales, la France est anormalement en queue de peloton pour ce qui concerne la confiance mise par les citoyens dans leurs élus, leurs institutions, leurs syndicats, voire même leurs voisins. Les auteurs considèrent que cette défiance est en augmentation depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et y voit le résultat de la conjonction d’un système étatique et centralisé et d’un système corporatiste.
S’ils ont raison, la solution est la fin du corporatisme, ce qui est évidemment plus facile à dire qu’à faire. Par exemple, unifier tous les systèmes de retraite et appliquer les mêmes règles dans toutes les branches et secteurs professionnels ne se fera pas facilement. Le gouvernement précédent a promis à la CFDT d’examiner cette solution lors de la prochaine réforme, mais il n’est plus au pouvoir pour tenir sa promesse !
J’ai écrit le début de cet article il y a déjà quelques temps : depuis, l’affaire de la présidence de l’UMP a agité les médias et les adhérents de ce parti. Il donne en effet le sentiment que les deux leaders s’étripent plus pour des raisons de pouvoir personnel que pour des idées différentes.
Dans un entretien au Monde(qui mérite d'être lu en entier), le philosophe Jean-Claude Monod, chercheur au CNRS et enseignant à l'Ecole normale supérieure pointe « le découplage complet entre les professionnels de la politique et l'éthique de la conviction, c'est-à-dire les valeurs fondamentales qui devraient fonder leur engagement. Dès lors, il ne reste que la lutte pour le pouvoir. C'est évidemment un ressort déterminant de la politique, il serait absurde ou irénique de le nier. Mais si c'est le seul moteur, cela devient dangereux pour la démocratie »
« Le système de sélection nourrit un cynisme de plus en plus frappant qui oublie les qualités essentielles d'un chef démocratique - au premier rang desquelles la vertu, au sens où l'entendait Montesquieu : veiller à l'intérêt commun avant de rechercher son propre intérêt personnel, et se situer également, en toutes circonstances, sous la loi »
Beaucoup d’élus ont fait de la politique leur profession, et on voit parfois leur enfermement dans une idéologie, plus rarement leur intérêt pour le bien commun. Certains sont la caricature de la recherche du pouvoir pour le pouvoir comme par exemple un Hervé Morin caricature de l’apparatchik ou une Delphine Batho qui a commencé cette recherche dès le lycée.
Le cumul des mandats voir l’interdiction de plus de deux ou trois mandats successifs casserait radicalement cette tendance à faire de la politique toute sa vie, mais on ne voit pas les élus se suicider à ce point. Et après tout, les autres pays ne vont pas jusque-là…
Cet article fait partie de la série sur la démocratie qui commence ici
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