En programmant de supprimer un emploi sur huit en France, Philippe Varin, patron de PSA, étale au grand jour les difficultés de l’entreprise et ses projets de restructuration longtemps repoussés. Le président François Hollande a beau juger le plan inacceptable, la situation qui le justifie a des racines profondes
PSA paye aujourd’hui le recul général de l’automobile dans les dépenses des français et des européens, son incapacité à suivre le mouvement de relocalisation vers l’Est européen de la production et enfin le déséquilibre de compétitivité qui s’est installé progressivement entre la France et son voisin allemand.
Il y a déjà longtemps que le marché de l’automobile est devenu un marché mature et qu’il n’augmente plus, ni en volume ni en valeur. Dans un article de février 2009, je notais que les dépenses en équipement de transport avaient stagné en valeur depuis 2000 quand celles de l’équipement du logement avaient doublé dans la même période.
Le parc automobile français continue à croître, mais lentement, comme le montre le tableau ci-dessous, par tranche de 5 ans
Véhicules particuliers |
Volume en milliers |
Hausse sur 5 ans |
En pourcentage |
1980 |
18 440 |
|
|
1985 |
20 800 |
2 360 |
12.8 |
1990 |
23 010 |
2 210 |
10.6 |
1995 |
24 900 |
1 890 |
8.2 |
2000 |
27 481 |
2 581 |
10.4 |
2005 |
29 900 |
2 419 |
8.9 |
2010 |
31 050 |
1 150 |
3.8 |
Non seulement le parc n’augmente plus que lentement, mais il vieillit considérablement : j’ai déjà noté que l’âge moyen était passé de 5.8 ans au milieu des années 90 à près de 8 ans aujourd’hui. Les innovations ne sont plus assez marquantes pour inciter le propriétaire d’un modèle d’un ou de deux ans à changer pour le dernier modèle.
Dans les années 80 et 90, la pression concurrentielle a conduit constructeurs comme sous-traitants à rechercher des gains de productivité de l’ordre de 10% par an en fabrication, ce qui au bout de quelques années, commence à faire beaucoup ! Valéo visait 1% par mois ! Du coup, les usines se sont progressivement dépeuplées, à production constante. Les efforts ont également concerné les centres d’ingénierie, comme l’a illustré le centre de Guyancourt et ses suicides. L’Etat a accompagné le mouvement, avec des mesures massives de pré-retraites pour des ouvriers souvent fatigués et incapables de suivre les cadences, mais cette solution aussi a fait son temps.
Avec la chute du mur de Berlin, une solution complémentaire a consisté à aller chercher à l’Est des salaires encore plus vas que ceux obtenus en Espagne ou au Portugal. Renault a joué en Roumanie la carte « low cost ». Les constructeurs allemands ont pu tranquillement s’approvisionner auprès de sous-traitants tchèques, polonais ou hongrois, sans que cela se traduise par des transports de marchandises trop coûteux, du fait de leur place géographique centrale. Peugeot ne l’a peut-être pas assez fait, au moins pour ses usines situées à Rennes ou à Aulnay, handicapées par la distance.
Enfin, comme je le notais il y a quelques mois, la modération salariale allemande depuis bientôt dix ans, a fini par donner un avantage considérable aux principaux concurrents européens des constructeurs français. Sur ce point, c’est l’Etat qui est coupable, même si on ne peut reprocher à la gauche au pouvoir ce qui s’est passé depuis dix ans, avec la droite au pouvoir.
On sait depuis longtemps que chacune des deux grands constructeurs français a une usine en trop en France. La mauvaise conjoncture traversée par le secteur automobile fait aujourd’hui que l’on ne peut plus occulter ce fait, mais la réalité est bien structurelle.
Que peut faire l’Etat pour sauver les emplois de la filière ? Ce ne sont certainement pas ses gesticulations actuelles qui sortiront PSA de l’ornière. Une partie des solutions se trouvent chez les constructeurs, sachant qu’il s’agit d’un marché très difficile, où les nombreux progrès faits n’ont permis que de se maintenir à flot. La part que l’Etat peut faire ne concerne pas que cette filière, mais bien l’ensemble de l’industrie : comment rétablir le niveau de compétitivité avec notre voisin d’outre Rhin ?
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