Les élections législatives grecques du 6 mai sont déjà en train de donner la priorité aux questions économiques européennes dans le calendrier du président nouvellement élu, qui va vite s’apercevoir que, si sa question sur la croissance est largement partagée, il n’est guère suivi sur les moyens d’y parvenir.
La crise de l’euro se manifeste par une grande répugnance des marchés à financer le déficit d’une partie des pays de la zone euro, pour faire simple ceux du sud, ce qui se traduit par une montée des taux d’intérêt demandés, parfois à des niveaux insupportables, comme c’est le cas de la Grèce. On observera que dans le même temps, le niveau demandé à l’Allemagne est au contraire très bas, la France ayant une position intermédiaire, avec des taux encore bas mais un écart significatif avec son voisin d’outre Rhin, ce qui n’était pas le cas jusque là.
Face à cette situation, les pays concernés n’ont pas d’autre solution que de pratiquer une politique d’austérité. Les Allemands qui voient l’UE (et donc notamment eux-mêmes) contraint de garantir de fait (ou de souscrire) une partie de la dette de ces pays, ont poussé fortement en ce sens, ce qui s’est traduit dans le pacte budgétaire, la France s’alliant sur ce point à son voisin, ne serait ce que pour donner une image rassurante aux marchés qui financent son déficit.
Mais une telle politique d’austérité, pratiquée à grande échelle par la plupart des pays de la zone, a forcément une influence récessive sur l’économie.
François Hollande voudrait donc remettre en cause ou au moins amender cette politique générale et il a promis, non seulement de renégocier le pacte, ce qui est toujours possible, mais aussi d’aboutir à un accord satisfaisant selon les critères de la gauche française, ce qui est évidemment aléatoire.
Le candidat socialiste a promis de ramener à 0 le déficit public du pays en 2017 ; même s’il l’a fait avec des hypothèses optimistes, il lui faut chercher ailleurs des marges de manœuvre. Comme le note le Monde daté de vendredi à la fin d’un article sur le premiers ajustements du programme (déjà !), le candidat fait appel à l’arsenal keynésien le plus classique de la gauche mais pas « à cette politique de l’offre qu’une partie des économistes ayant travaillé pour M. Hollande a essayé, mais apparemment sans grand succès, de défendre ».
Le candidat élu aimerait donc que l’UE se lance dans le financement de grands travaux ou dans l’émission d’eurobonds, de fait pour pouvoir contourner la politique d’austérité voulue notamment par Angela Merkel.
Il n’est pas le seul a vouloir compenser la politique d’austérité budgétaire par des actions favorables à la croissance. Le problème est que les propositions envisagées par nos voisins ne visent pas à augmenter la demande mais à lever les freins au développement de l’offre, par exemple celles qui régulent le marché du travail. Rien ne prouve d’ailleurs que les actions envisagées soient efficaces à court terme, ce qui ne signifie pas qu’elles sont inutiles.
Il faut peut être revenir sur les causes essentiels des problèmes économiques de la zone euro ; Il y en a en effet trois. La première est constituée par l’importance des déficits publics et de la dette accumulée (qui dépassent notamment les critères de Maastricht). Le pacte budgétaire se veut une réponse à cette cause. La deuxième réside dans le différentiel des politiques économiques menées depuis dix ans par l’Allemagne et nombre d’autres pays. La troisième vient de la situation des banques.
Depuis la création de l’euro, les salaires ont stagné en Allemagne alors qu’ils augmentaient ailleurs. Un article sur le sujet publié jeudi 10 par le Monde était accompagné d’un graphique qui montrait que depuis 1999, le coût salarial unitaire avait augmenté de plus de 30% en France et en Espagne (et encore, pour ce pays, en comptant une baisse nette depuis 3 ans) et de près de 40 % en Italie, mais seulement d’environ 5% en Allemagne ! Même si ce dernier pays avait un déséquilibre à rattraper au départ, la politique menée chez notre voisin par la gauche puis par la droite, a créé un déséquilibre massif en Europe, comme je l’ai déjà signalé à propos du livre de Jean Pisani-Ferry.
(Nota : en regardant sur Eurostat, on ne trouve pas les chiffres cités par le Monde, les salaires ayant augmenté en valeur nominale de 17.9% en Allemagne de 2002 à 2011. Les écarts sont plus faibles mais ils existent : près de 10 points avec la moyenne de la zone euro et 16.6 avec la France)
Au niveau allemand, cette très faible hausse des salaires (malgré les gains de productivité) se traduit par une faible inflation, un avantage compétitif qui fait gagner des parts de marché en Europe et une faible demande interne. Le gain de parts de marché, dans un pays déjà fortement exportateur, a permis de compenser la faible demande interne. La croissance en Allemagne a été de 1996 à 2000 de 9.4% (contre 13.7% en France, 20.6% en Espagne, 16.3% en Grèce et 13.5% dans la zone euro), de 2001 à 2005 de 4.3% (contre respectivement 7.9%, 16.4%, 20.2% et 7.5%) de 2006 à 2010 de 9.7% (contre respectivement 5.2%, 5.4%, -5.4% et 4.3%).
La seule solution raisonnable pour relancer la demande en Europe, c’est l’augmentation des salaires allemands, qui bénéficiera aux entreprises de toute la zone et produira une inflation plus forte en Allemagne qu’ailleurs, contribuant à un rééquilibrage des compétitivités au sein de la zone euro.
Le 7 mai, le ministre des finances allemand, Wolfgang Schaüble, a donc déclaré au magazine focus (repris par le Monde du 10 mai) : Ce n’est pas un problème que les salaires augmentent actuellement chez nous davantage que dans les autres pays de l’Union Européenne. Ces hausses de salaire contribuent à supprimer les déséquilibres à l’intérieur de l’Europe. Mais nous devons faire attention de ne pas exagérer
Ces propos d’un dirigeant conservateur en pleine période de négociation dans la métallurgie, alors que IG Métall veut obtenir 6.5% de hausse des salaires sur deux ans (soit environ 3.25 par an) est l’action la plus positive que peut faire Berlin dans la conjoncture actuelle. Le syndicat des services a déjà obtenu pour 2 millions de fonctionnaires une hausse de 6.3% sur deux ans. A l’échelle d’un pays de 80 millions d’habitants, des hausses de l’ensemble des salaires auraient un impact significatif en Europe.
Cet article étant déjà long, je parlerais des banques une autre fois !
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