Confronté à un chômage qui ne cesse de monter, Nicolas Sarkozy tente une manœuvre risquée pour remonter dans les sondages. Il devrait annoncer dans les tous prochains jours un accord avec Angela Merkel pour le prêt à une Allemagne en surchauffe de milliers de travailleurs qualifiés. L’idée rappelle étrangement des périodes noires de notre histoire.
Dans le petit cercle des cabinets de conseil en Ressources humaines, le bruit courrait depuis quelques jours et j’en ai eu confirmation ce matin par un collègue qui travaille pour Pôle emploi : la France va très bientôt signer un accord pour l’envoi en Allemagne de travailleurs spécialisés dans les métiers en tension en Allemagne. Nicolas Sarkozy compte lancer le chiffre énorme (et sans doute exagéré) de 300 000 chômeurs qui pourraient se voir offrir un travail chez nos voisins en 2013, quand le dispositif sera monté en charge.
L’idée serait née d’une conversation avec un responsable d’Airbus. Des salariés de Toulouse ont été envoyés quelques mois sur les sites allemands de Hambourg et Brême, le manque d’effectifs sur place menaçant les délais de livraisons des avions, alors que le carnet de commandes n’a jamais été aussi rempli.
Contacté, le gouvernement allemand a confirmé le besoin général de l’industrie allemande de renfort pour faire face au rebond des exportations, alors que l’Allemagne voit arriver depuis quelques années des générations de jeunes de moins en moins nombreuses. L’équivalent du Medef en Allemagne a marqué un intérêt très net, le recours à la main d’œuvre d’origine turque commençant à poser de sérieux problèmes, tout en posant ses conditions notamment pour les critères de recrutement.
L’équivalent allemand du SMIC (qui se négocie par branches) étant depuis les réformes de Gérard Schröder inférieur au SMIC français, l’Etat Français accepterait de couvrir la différence pour les salariés concernés.
En pratique, cette mesure ne devrait pas coûter trop cher : l'Allemagne cherche des salariés qualifiés, donc payés plus chers que le SMIC. Ce serait Nicolas Sarkozy lui même qui aurait insisté pour la mettre en avant. Il veut ainsi apparaître social et avoir des arguments pour dire que le SMIC est trop élévé, dans la perspective du duel télévisé d'entre les deux tours, face à un Hollande soutenu par Mélenchon.
D’autres mesures d’accompagnement pour recruter et déplacer les travailleurs concernés pourraient être financées au moins partiellement par Pôle Emploi qui y gagnerait une baisse des allocations chômage.
Xavier Bertrand qui étudie le dossier d’arrache-pied serait aussi chargé de préparer une communication favorable du processus. L’une des craintes des communicants seraient que ce nouvel accord franco-allemand ne rappelle le service de travail obligatoire, mis en place pendant la guerre pour fournir de la main d’œuvre aux usines allemandes.
La communication mettrait en avant le fait qu’en Alsace des dizaines de milliers de frontaliers travaillent en Allemagne ou en Suisse et que cela enrichit la région. La question du logement a également été évoquée. Le recul démographique allemand a conduit à une baisse des loyers et à l’existence de nombreux logements libres, dans un pays où, du fait des destructions de la guerre, les logements sont généralement assez récents et de bonne qualité (du moins dans l’ex RFA). Le patronat de la construction se réjouirait déjà de ce qui pourrait être une occasion de relance du marché.
Par ailleurs, la SNCF et la Bundesbahn ont été invitées à préparer une offre spécifique pour que les travailleurs français ainsi émigrés puissent revenir fréquemment en France à un prix maîtrisé.
Au-delà des conditions de l’accord dont je ne connais pas tous les détails, je ne peux que remarquer qu’une telle initiative irait à l’encontre des intérêts actuels de l’Europe. La réaction du patronat allemand montre en effet que celui-ci est confronté à une réelle pénurie dans certains secteurs, pénurie qui devrait faire monter les salaires. Comme je l’ai déjà écrit , c’est la manière la meilleure de rétablir l’équilibre de compétitivité entre les pays de la zone euro : cet accord franco-allemand pourrait retarder cette convergence.
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