Le déficit de la branche assurance maladie de la sécurité sociale continuera à croître et pourrait conduire à une dette supplémentaire de 130 milliards d’ici 2020 si aucune mesure n’est prise. Devant cette réalité rappelée récemment par un magistrat de la cour des comptes, c’est le silence voire les propositions dépensières qui dominent chez les candidats.
Le Monde du 23 mars consacrait une page au sujet, avec forces graphes montrant que le déficit est ininterrompu depuis 2000, avoisine les 10 milliards d’euros par an depuis 3 ans mais pourrait attendre 19 milliards. Deux graphes illustraient l’impact du vieillissement de Français, les plus de 60 ans absorbant 50% des remboursements en 2010 et 63% prévus en 2020.
Jusqu’à présent, la politique menée par les différents gouvernements consiste à essayer de maîtriser les dépenses, et à augmenter les recettes, l’idée de faire payer partiellement les usagers étant plutôt menée par la droite…mais pas remise en cause par la gauche au pouvoir !
Sur son site, Nicolas Sarkozy affiche dans son bilan le vote et la mise en œuvre de la loi « Hôpital, Patients, Santé et Territoire (HPST) en 2009 » et affirme « qu’entre 2007 et 2010, le déficit des hôpitaux publics est passé de 475 à 180 millions d'euros ». Il relève ensuite que, en dépit de la crise économique et financière, l’Etat a maintenu à un niveau élevé les dépenses de santé, ce qui n’a pas empêché que, « pour autant, la hausse des dépenses de santé a été maîtrisée : l’Objectif National de Dépenses d'Assurance Maladie (ONDAM) voté par le Parlement, c'est-à-dire du budget consacré à la santé, a été respecté en 2010 et en 2011, pour la première fois depuis sa création ».
On ne sera pas étonné que les autres candidats ne soient pas sur la même position…
Pour Eva Joly, ces questions de financement ne semblent pas faire partie du champ de réflexion, à part pour affirmer que les médicaments coûtent trop chers et qu’on en consomme trop ( ce qui se dit depuis au moins 40 ans par tous les candidats avant qu’ils gagnent les élections, ce qui indique que cela n’est sans doute pas simple à changer !). De toutes manières, le problème c’est la pollution et la solution la prévention. Parmi 5 propositions sur le sujet, l’une consiste à proposer de réduire le seuil légal d'exposition aux pollutions électromagnétiques…
François Bayrou qui a le louable souci de redresser les finances publiques, en agissant notamment sur les dépenses, prévoit de « Consolider et rationaliser les dépenses de sécurité sociale (réorganisation des services et des prestations) ». On ne peut pas vraiment dire que c’est précis, sur un budget qui représente à lui tout seul 11% du PIB, mais admettons que cela va dans le bon sens !
JL Mélenchon propose tellement de mesures qui augmentent les dépenses publiques qu’on finit par en avoir le tournis. Notons qu’au-delà de la suppression de la tarification à l’activité et de la multiplication des établissements de santé, il propose le remboursement à 100% systématique en incluant les frais de dentiste et d’optique. Cette mesure à elle seule représente plus de 1% du PIB, la contribution des ménages faisant actuellement un peu plus de 10% des dépenses de santé.
On s’arrêtera plus longuement sur les propositions de François Hollande, puisque les sondages le donnent gagnant au second tour. Il est donc logique d’analyser les trois engagements (sur 60) qui concernent la santé. Le troisième organise le droit à l’euthanasie et n’a donc pas sa place ici. Les trois sont regroupés sous le titre « Je veux renouer avec l'excellence de notre système de santé et renforcer l'hôpital public ».
L’engagement 19 stipule : Je réformerai la tarification pour mettre fin à l’assimilation de l’hôpital avec les établissements privés. Je le considérerai comme un service public et non comme une entreprise. Pour lutter contre les déserts médicaux, je favoriserai une meilleure répartition des médecins par la création de pôles de santé de proximité dans chaque territoire. Je fixerai un délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence. J’améliorerai la prise en compte de la santé publique, notamment en augmentant la part de rémunération forfaitaire des médecins généralistes.
Comment faut-il comprendre les deux premières phrases ? Difficile à dire ! Ceux qui l’espère comprendront qu’il s’agit de supprimer la TAA, système de tarification qui s’applique en effet de la même manière au privé et au public. Mais il s’agit de la réformer, dans quel sens ? La deuxième phrase n’est qu’une déclaration d’intention, qui laisse croire à ceux qui le souhaitent qu’on arrêtera de gérer les hôpitaux ! Le reste est du même acabit : j’avoue ne pas voir quelle est actuellement la part de rémunération forfaitaire des médecins généralistes.
L’engagement 20 stipule pour sa part : Je sécuriserai l’accès aux soins de tous les Français en encadrant les dépassements d’honoraires, en favorisant une baisse du prix des médicaments et en supprimant le droit d’entrée dans le dispositif de l’aide médicale d’État.
Le dernier morceau de phrase comporte donc une mesure précise (la seule). Son coût est dérisoire : 6 millions d’euros
Si la formulation de ces engagements laisse la porte à l’absence d’action, on peut aussi noter qu’elle laisse croire à des réformes coûteuses.
Le système qui prévalait avant l’instauration de la T2A était le budget global, réévalué régulièrement de la même manière partout, c’est-à-dire qu’il maintenait les inégalités initiales (l’APHP était ainsi réputée, à tort ou à raison, comme privilégiée). De plus, en cas de déficit prolongé, le maire, président du conseil d’administration se démenait pour faire passer l’éponge sur la dette, et il arrivait plus ou moins bien selon son poids politique : le système était structurellement inéquitable.
Il est évident que pour une partie de ses électeurs, le programme de F Hollande est une autorisation à ne plus s’obliger à maîtriser les dépenses, un engagement de ne plus fermer les services déficitaires, ou une garantie que la proportion de médecins en horaires libres va diminuer.
Ce n’est malheureusement pas réaliste : comme une partie seulement des Français semble l’avoir compris, il n’est plus possible de continuer à augmenter les déficits en prétendant que c’est bon pour la croissance.
Les commentaires récents