Faire voter une loi par l’ensemble de la droite et des socialistes, le front de gauche s’abstenant, c’est l’exploit accompli le premier mars par le gouvernement. Il est vrai que le projet, qui vise à réduire la précarité chez les fonctionnaires, reprenait un accord de 2011 signé par 6 organisations représentatives sur huit, dont la CGT.
Mais ce n’est pas ce relatif consensus qui a attiré mon attention. La loi vise à réduire la précarité au sein des trois fonctions publiques qui, d’après le Monde, est passée de 14.7% des effectifs en 1998 à 16.8% en 2009. Elle prévoit essentiellement deux mesures, l’une consistant à requalifier en CDI les agents non titulaires employés depuis plus de 6 ans sur des postes pérennes, l’autre consistant à titulariser des contractuels après un examen basé sur l’expérience acquise. Ces mesures pourraient concerner respectivement 100 000 et 50 000 agents.
Le salarié de droit privé restera rêveur en apprenant qu’on peut garder pendant 6 ans dans un statut précaire des agents sur des postes pérennes. Mais la vraie question n’est pas là. Elle est dans la remarque que l’on trouve dans les articles du Monde comme dans ceux de Libération : il y a eu 16 vagues de titularisation en 60 ans.
Cela signifie que chaque fois que l’on croit avoir traité la question de la précarité, il se passe moins de quatre ans en moyenne pour que le système génère de nouveaux précaires au point que l’on se retrouve à la situation antérieure, et cela avec des gouvernements de droite comme de gauche.
Une seule explication possible à ce phénomène : les règles d’organisation des ressources humaines dans la Fonction Publique ne sont pas adaptées aux contraintes de cette même Fonction Publique et à l’accomplissement de ses missions.
De la même manière que les règles de gestion de la mobilité font que les enseignants et policiers débutants se retrouvent dans les zones les plus difficiles.
On peut trouver des problèmes du même type dans le privé comme le montrent deux exemples que je suis en train de vivre.
Le premier concerne une usine dont l’activité est saisonnière. Selon que les ouvriers de cette usine sont ou non régis par une annualisation de leur temps de travail, le besoin de CDD ou d’intérimaires sera plus ou moins important.
Le deuxième concerne une activité de service fonctionnant sur une très large plage journalière et hebdomadaire. Il existe des CDD qui couvrent les horaires de fin de journée et de week end. Les organisations syndicales voudraient réduire la précarité. Cela ne sera possible que si les salariés en CDI acceptent de prendre en charge une partie des contraintes supportées actuellement par les CDD…ce qui n’est pas gagné !
L’organisation actuelle des établissements scolaires débouche sur des charges par matière qui ne conduisent pas forcément à un nombre entier de professeurs. Dans certains cas le recours à des heures supplémentaires peut permettre de résoudre la question. Celle-ci peut aussi être provoquée par une demande de temps partiel. Le résultat est que certains enseignants se retrouvent sur plusieurs établissements et devinez s’il s’agit des plus anciens ou des plus jeunes, des titulaires ou des contractuels. Une autre solution serait d’avoir des enseignants capables d’intervenir sur deux matières, comme le prévoyait le système des PEGC au moment de la création du collège unique. Il n’est pas besoin de demander si les titulaires et leurs syndicats y sont favorables !
La seule véritable solution pour diminuer la précarité dans a fonction publique est de revoir les statuts et les modes de gestion des personnels en place pour que ceux-ci prennent en charge les contraintes au lieu de les reporter (et les concentrer) sur les précaires. Ce n’est évidemment pas gagné !
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