La campagne officielle démarre ce lundi avec la publication par le Conseil Constitutionnel des dix (peut-être onze) qualifiés. Le camp du président sortant reprend espoir et son concurrent socialiste perd des voix sur sa gauche, une évolution qui devrait affecter le premier tour mais pas le second.
Corinne Lepage laisse planer le doute sur le nombre de parrainages obtenus. Il semble qu’elle a demandé à ceux qui l’ont soutenue in extrémis d’’envoyer leurs parrainages directement au Conseil Constitutionnel pour qu’ils arrivent dans les temps. La probabilité qu’elle soit qualifiée parait faible : les Verts peuvent respirer, qui pouvaient craindre qu’elle fasse mieux que leur candidate…
Ces dernières semaines ont vu une montée de JL Mélenchon dans les sondages. Ses qualités indéniables d’orateur devraient le favoriser dans cette période où les temps de paroles des candidats devront être strictement identiques.
Pourquoi cette montée ? Au-delà de ses qualités personnelles et de l’appui d’un parti communiste encore vivant, il bénéficie de la faiblesse de ses concurrents à l’extrême gauche : Nathalie Arthaud et Philippe Poutou sont (au moins pour l’instant) très loin du charisme qui avait permis à Arlette Laguiller de dépasser les 5% en 1995 et 2002, à Olivier Besancenot de dépasser 4% en 2002 et 2007.
Il y a en France un électorat important pour ce qu’on appellera ici l’extrême gauche, en incluant le PCF, le parti de gauche, Lutte ouvrière, la LCR puis le NPA, le Parti des travailleurs et José Bové en 2007. L’ensemble des candidats se présentant sous ces étiquettes (donc très divisés) ont recueillis 11.23% des voix en 1988, 13.95% en 1995, 13.81% en 2002 et 9% seulement en 2007 (effet de la division ? Peur d’un nouveau 29 avril 2002 ?). Aux européennes de 2009, ces partis ont obtenus ensemble 12.13% des voix et 9.24% aux régionales.
Le dernier sondage de l’IFOP donne 11% à Mélenchon et 0.5% aux candidats de LO et du NPA. Le candidat du front de gauche a déjà réussi à devenir le candidat légitime à l’extrême gauche, renvoyant ses concurrents aux oubliettes. Il peut logiquement encore augmenter d’un ou deux points en comparaison avec les résultats de 1995 et 2002, d’autant plus que pour l’instant le risque que François Hollande ne soit pas au second tour parait faible.
Pour l’instant, les tenants du « oui » en 2005 (Sarkozy, Bayrou, Hollande et Joly) obtiennent 70% des voix dans les sondages. Ils en avaient regroupés 77.19% en 2007, il est vrai dans un contexte économique nettement plus favorable. Mais le score du non en 2005 montre que les candidats des extrêmes ont encore en théorie des réserves de voix potentielles.
Mélenchon peut donc encore monter et atteindre, pourquoi pas, le score de Georges Marchais en 1981, soit 15.35%. Mais si les sondages font craindre que François Hollande soit dépassé par Marine le Pen (par exemple s’il n’a plus que 3 ou 4 points d’avance) le vote utile jouera, et des électeurs potentiels de Mélenchon, voire de Bayrou, choisiront le seul candidat capable de battre Nicolas Sarkozy au deuxième tour.
En choisissant François Hollande plutôt que Martine Aubry, le PS a laissé de la place pour Mélenchon, alors que la deuxième solution laissait au contraire un espace à François Bayrou. Ce choix est par contre favorable au candidat socialiste au deuxième tour. J’ai ainsi eu la surprise d’entendre une personne que je rangeais dans la droite modérée et humaniste déclarer que choisir entre Marine Le Pen et Martine Aubry serait difficile (contrairement au choix avec Hollande apparemment). J’ai aussi entendu deux personnes envisager de voter Mélenchon, l’une d’entre elles n’ayant sans doute jamais voté si à gauche.
Le Monde daté de ce week-end consacre sa page deux à un article sur « une campagne techno arbitrée par les experts ». Plutôt que de se réjouir de la plus grande difficulté pour les candidats de raconter n’importe quoi, la journaliste semble se désoler de l’omniprésence des chiffres (il est vrai qu’au Monde…) en écrivant que « calculs et pourcentages ont remplacé les débats de société ». Invité le 12 janvier dans l’émission « des paroles et des actes », JL Mélenchon aurait souffert des analyses de François Lenglet avec « ses graphes et ses schémas qui peuvent s’avérer assassins ». Il « avait plaidé en vain pour placer l’humain d’abord, avant les chiffres ».
Je crains que cela signifie simplement que notre journaliste préfère, comme le candidat du Front de gauche, des débats de société qui ne se confrontent pas aux réalités. Comme on sait, pour les idéologues, quand les faits ne correspondent pas à leurs idées, ce sont les faits qui ont tort !
Les partisans du président sortant estiment qu’une dynamique est en train d’apparaitre en leur faveur. Vu le niveau de défiance du président et les résultats que donnent les sondages, on ne voit pas comment le rattrapage pourrait être suffisant pour retourner le résultat du second tour, le seul qui compte au final ! Certes, François Hollande ne devrait pas atteindre les 58% dont il a été crédité longtemps, mais Nicolas Sarkozy a beau être doué pour faire campagne, il part de trop loin pour réussir.
Rappelons que toutes les élections intermédiaires depuis 2007 ont été gagnées par la gauche, que la situation économique défavorise le sortant, et qu’après 10 ans de gouvernements de droite, la demande d’alternance favorise le candidat de gauche.
Cette semaine je me suis retrouvé dans le train à discuter avec un ancien des cabinets ministériels de gauche, ancien rocardien et toujours proche des équipes du candidat socialiste. Il estime que la gauche est prête à faire une politique budgétaire de nature à réduire les déficits puis la dette (idée qu’il soutient pour son compte). Il m’a donné les quatre noms de premiers ministrables possibles : Martine Aubry, Laurent Fabius, Pierre Moscovici et Jean Marc Ayrault. Il ne croit pas au choix du deuxième et pense que celui de la première requière deux conditions qui ne sont pas garanties : la volonté de la première secrétaire et celle de son prédécesseur à la tête du parti socialiste.
Encore cinq semaines pour le premier tour !
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