La chute du Mur de Berlin avait montré le fossé qui s’était creusé entre un camp de l’Est qui avait continué la voie d’une industrie triomphante sans contrainte environnementale, et un camp de l’Ouest qui avait progressivement pris des mesures pour limiter les pollutions, en particulier industrielles. Plus de 20 ans plus tard, il est possible de constater que de nombreux changements ont eu lieu.
En décembre 1952, le smog de Londres faisait plus de 4000 victimes, alors qu’à l’autre bout de la planète, les années 50 étaient celles du scandale de la pollution au mercure des eaux de Minamata. En 1972, le romancier de science fiction John Brunner publiait « le troupeau aveugle », sur une société américaine fonçant vers un désastre écologique et en 1974 René Dumont représentait le courant écologique à l’élection présidentielle française. Avec la manière dont les revues pour enfant sont imprégnées depuis des décennies d’un appel au respect de la nature, on serait étonné que les choses aient continué comme avant dans ce domaine, et la vérité est que ce n’est pas le cas : depuis 50 ans, beaucoup a été fait pour mieux respecter notre environnement, et heureusement !
Visitant Prague dans les années 90, j’avais été frappé de voir que les immeubles étaient plus noirs en haut qu’en bas, alors que c’était plutôt le contraire dans notre pays. L’explication était assez simple : en Tchécoslovaquie communiste, il n’y avait pas encore beaucoup de voitures et de gaz d’échappements pour une pollution montant dans les rues, mais il y avait encore beaucoup de centrales au charbon et de cheminées d’usine pour une pollution s’abattant sur les villes.
Les années 70 ont sans doute été celles d’un tournant dans la maîtrise des rejets industriels dans l’air et dans l’eau, même si les normes avaient commencé à être édictées avant et qu’elles ont continué à se durcir après. Sans doute a t-il fallu que les recherches techniques produisent des résultats applicables de manière généralisée dans les usines chimiques, sidérurgiques ou de pâte à papier, l’augmentation du prix des matières premières dont le Club de Rome s’est fait l’écho en 1973 contribuant à rentabiliser les solutions mises en place.
La production de l’aluminium symbolise bien ce changement. Le fluor utilisé dans le cycle de production était tout simplement rejeté dans l’atmosphère. Péchiney et les autres producteurs dédommageaient les éleveurs dont les vaches perdaient leurs cornes à cause de ces rejets. Et puis, on a trouvé un procédé pour recycler ce fluor, procédé qui a été appliqué dans l’usine de St Jean de Maurienne lors de l’introduction de nouvelles lignes (en 1979 ?). Seul 3% du fluor a continué à être rejeté. Ensuite, il a fallu attendre longtemps que les anciennes usines soient remplacées par de nouvelles, comme celle de Dunkerque, mais le mouvement était irréversible.
Bien sûr, il y a eu de (nombreuses) résistances, dont certaines parfaitement scandaleuses, qui ont retardé le mouvement (on se souvient de Métaleurop par exemple), mais celui ci était inéluctable, et ces résistances n’étaient que des combats d’arrière garde.
Il faut aussi comprendre que le plus facile a été fait, et que des gains supplémentaires sont plus difficiles et coûteux à obtenir. Pour reprendre l’exemple précédent, le gain de 97% du fluor avait largement financé la mise en place du système de recyclage, mais le gain d’une partie des 3% restants ne finance pas grand chose, alors que les travaux pour réduire ces 3% sont complexes. Un de mes amis chargé de développement procès dans un groupe chimique me racontait il y a une vingtaine d’années que dans le cadre de l’agrandissement d’une usine, les services de l’Etat demandait que le volume de pollution n’augmente pas. Il fallait donc compenser le surcroît de rejets produit par l’extension de capacité par une diminution des rejets de l’installation en place, ce qui au final se comptait en centaine de millions de francs.
Il y a eu ensuite la question du trou de la couche d’ozone et celle des pluies acides : dans les deux cas, des produits ou des procédés ont été montrés du doigt et des solutions ont été trouvées pour les remplacer ou les modifier. Certains ont fait remarquer que l’affaire de la couche d’ozone n’a pu sortir que parce que les industriels avaient une solution de remplacement. Au delà du fait qu’il s’agit d’une vision « complotiste » de l’information, on peut se demander ce que souhaiteraient les gens qui font ces remarques. Oui, c’est plus facile de traiter un problème environnemental quand il existe une solution technique de remplacement ! Qui s’en plaindrait ?
J’avais noté dans un autre article que la teneur en produits soufrés avait diminué d’un facteur 100 en 20 ans, ce qui explique qu’on ne parle plus des pluies acides et de leurs conséquences sur les arbres !
Jusqu’à il y a une quinzaine d’années, quand je cherchais à me débarrasser de gravats ou de vieux débris à Verel, je devais aller dans une décharge publique proche. Certes, c’était là un progrès par rapport aux décharges sauvages qui étaient les seules solutions il y a 40 ans, mais ce n’était guère satisfaisant. Depuis, la décharge publique a été remplacée par une déchetterie où je peux déposer ce dont je n’ai plus besoin, à condition de faire le tri entre cinq grands containers, sans compter les bacs pour les huiles usagées, les piles, les produits chimiques, ou d’autres produits particuliers. Cette décharge ne désemplit pas, il y a toujours 3 à 5 véhicules en train de décharger sous la surveillance du préposé, et on ne peut que se demander en voyant cette ronde infernale comment on faisait avant !
Cette dernière évolution nous a été imposée par l’Union Européenne (ce qui veut dire que notre pays l’a acceptée à Bruxelles mais qu’il y a eu négociation entre les pays qui voulaient aller vite et ceux qui demandaient du temps).
La nécessité de réduire la consommation de sacs en plastiques a permis à Leclerc de faire un joli coup de pub tout en réduisant ses dépenses ! Mais le fait d’emmener ses paniers pour aller faire les courses est entrée dans les mœurs. Il est vrai que ce n’est qu’un retour à des pratiques antérieures !
Je discutais il y a quelques semaines avec un ingénieur chargé de la surveillance de l’état de l’eau potable et il me disait qu’il avait fallu 30 à 40 ans pour polluer les nappes phréatiques avec les nitrates et qu’il faudrait le même temps pour les dépolluer. Mais la réalité est que ce mouvement de dépollution est amorcé depuis une dizaine d’années. On l’a vu dans l’affaire des sangliers victimes des algues vertes, les médias parlant d’une concentration en nitrate passée de 38 à 32 (de quelle unité ?), mais encore trop élevée.
Il reste beaucoup à faire, d’autant plus que ce qui précède est un mouvement général en Europe, mais diffusé de manière très différencié ailleurs dans le monde (mais on aurait tort d’imaginer qu’il ne se fait rien ailleurs). Le combat essentiel devrait aujourd’hui concerner le climat, point sur lequel j’ai évidemment des différents profonds avec les écologistes qui donnent la priorité au combat contre le nucléaire, quand je pense que le réchauffement climatique est la question cruciale et que les solutions devraient intégrer avant tout une meilleure efficacité énergétique.
Le discours ambiant ne traduit guère tous ces acquis ni les progrès en cours. Il est vrai que c’est la volonté collective qui pousse nos élus à faire évoluer les lois, mais c’est aussi la prise de conscience collective qui rend acceptable de nouvelles contraintes individuelles (comme le tri des déchets par exemple). Mais entre les phénomènes propres à notre pays ou à l’ensemble de la planète, ceux propres à d’autres lieux (par exemple la question des espèces menacées en Afrique ou en Asie), le niveau de la situation et son évolution, le grand public a forcément tendance à tout mélanger, les discours catastrophistes de certains ne l’aidant pas vraiment à y voir clair.
L’idée que se font beaucoup de gens sur l’espérance de vie et son évolution est assez représentative de la propagation d’idées fausses ; dernièrement, j’entendais une jeune consultante toute fraîchement issue de Sciences Po et de son 16ème natal (pas le profil type du militant écolo), affirmer tranquillement que l’espérance de vie est en baisse chez nous !
Il est vrai que c’est le genre d’idée fausse qui permet à la fois de contester le report de l’âge de la retraite et de plaider le catastrophisme écologique. Comment faire croire que la situation de l’air, de l’eau ou de la nourriture sont insupportables et un danger majeur pour la population quand l’espérance de vie augmente à ce point. Alors il vaut mieux propager des contrevérités pour continuer à se voiler la face !
Je discutais hier avec une amie très qualifiée qui travaille au ministère du développement durable. Très opposée aux discours des nucléocrates du ministère de l’industrie, elle notait que les grandes lois qui ont rythmé en France les progrès dans le domaine de l’environnement ont été le fait de la droite, sans doute parce que celle-ci a eu une démarche plus pragmatique. Et nous étions d’accord pour noter qu’il y avait déjà eu beaucoup de choses de faites…et qu’il restait beaucoup à faire !
Alors, cessons d’écouter les propagateurs de peurs, mais continuons sérieusement à améliorer la situation de l’environnement et notre qualité de vie, comme nous avons pragmatiquement commencé à le faire dans ce domaine depuis au moins 40 ans !
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