La dégradation de la note des USA et ses conséquences sur les marchés financiers ont suscitées en France de nombreuses réactions, souvent indignées. Un petit retour sur l’ampleur de la dette et sur le rôel des agences de notation s’impose donc.
La principale raison avancée par Standard & Poors pour dégrader la dette américaine n’a pas été le montant de celle-ci, mais l’incapacité des politiques américains à élaborer une stratégie pour la traiter, le désaccord entre les républicains qui veulent réduire (voire supprimer) les impôts et les démocrates qui veulent sauver voire augmenter les prestations sociales étant trop fort.
Au-delà de ce désaccord qui justifie que la dégradation de la note américaine ait lieu ce mois-ci et non il y a 6 mois, on peut se demander si le montant de la dette atteint des niveaux qui justifient de ne plus pouvoir prêter à l’Etat fédéral totalement aveuglément (ce qui peut être la traduction de la note AAA).
Il est aisé de voir qu’un ménage gagnant 2500 euros par mois n’est pas en danger s’il a 1000 euros de dtte mais serait incapable de faire face à une dette de 1 million d’euros, soit 33 ans de son revenu. On pourrait dire la même chose d’un Etat en modifiant ls chiffres. Toute la difficulté est de savoir comment on passe de la situiation sans danger à la situation intenable. Le système de notation des agences essaie de mesurer le phénomène et il ne le fait pas en tout ou rien mais de manière progressive avec une succession de notes, de AAA à C ou D selon les agences. Le traité de Maastricht a fixé à 60% du PIB annuel la limite raisonnable : on pourrait donc supposer qu’au-delà de cette limite, le AAA devrait céder la place à un simple AA. Manifestement, les agences de notation sont un peu plus laxistes (ce qui traduit peut être la marge de prudence prise par le traité) puisque les USA comme la France sont déjà au-delà de 80% du PIB annuel.
Ce qui a choqué les commentateurs (politiques, journalistes ou simples citoyens), c’est que les marchés financiers reprochent aux Etats un endettement qui est pourtant la conséquence des interventions réalisées par ces mêmes états pour sauver les banques (et dans l’imaginaire public, banques ou marchés financiers, c’est un même monde).
Ce reproche couvre en fait deux erreurs. La première est de croire que c’est le sauvetage des banques qui est la cause directe de l’ampleur des déficits. En réalité, les banques ont été sauvées parce que les états (et les banques centrales) ont fait jouer de manière quasi illimitée leur rôle de préteur en dernier ressort, mais au final cela ne leur a pas coûté grand-chose. Par contre, la récession a baissé fortement les ressources d’états qui dépensaient plus pour relancer l’activité. Si les Etats n’aveint pas sauvé les banques, leur endettement serait bien pire, car leurs recettes se seraient effondrées.
Mais la deuxième erreur est d’oublier que le coût de la crise s’est rajouté à un déficit et un endettement qui étaient à un niveau déjà trop élevé. Beaucoup trop de commentateurs, y compris parmi les économistes (ceux de l’OFCE par exemple), semblent croire qu’il est de bonne politique pour l’économie que l’Etat soit en déficit. Rappelons que l’idée de Keynes consiste à augmenter la dépense de l’état en période de récession seulement et non en permanence. Si la France (il en est de même pour d’autres pays évidemment) avait eu un budget équilibré avant la récession de 2008, son déficit serait aujourd’hui nettement plus faible qu’il ne l’est et il en serait de même pour sa dette. Il est d’ailleurs très inquiétant d’entendre le gouvernement se donner comme objectif un retour en 2013 à un déficit de 3 %, sans préciser qu’il faudrait ensuite viser 0% voire un excédent en période de forte croissance), pour être capable de passer à 3% en période de récession ! On notera que l’Allemagne qui avait encore il y a peu une dette en pourcentage plus élevée que celle de la France s’est organisée pour revenir çà un budget équilibré en temps normal.
Le tort des agences de notation est en fait d’oser dire cette réalité, que la dette est trop élevée. Il faut voir ce qu’on a pu lire à ce sujet courant en août, les intervenants rivalisant sur les propositions visant à casser le thermomètre (certains candidats à la présidentielle n’hésitant pas à proposer de supprimer des entreprises dont on rappellera qu’elles sont américaines : on fait comment ?). le plus drôle est la proposition de créer à la place une agence indépendante mais européenne, en la confiant à la BCE par exemple (ce qu’il y a de bien, c’est que de tels intervenants ne sont pas obligés d’expliquer en quoi une agence européenne rattachée la BCE serait plus indépendante que les agences existantes, surtout pour évaluer la dette des Etats européens !).
On a pu cependant lire au milieu de ces discours peu sérieux mais caressant les français dans le sens du poil, une analyse beaucoup plus sérieuse, dans le Monde ou Libération (je n’ai pas retrouvé), expliquant non seulement que ces agences ne font que leur travail, mais surtout que ce sont les efforts de régulation qui, à travers les accords de Bâle II (2004), leur ont donné une importance qu’elles n’avaient pas demandé, en utilisant la notation des éléments de la dette des banques pour estimer leur ratio de solvabilité. Evidemment, une telle règle a des effets pervers : si la dette de tel pays est dégradée, les banques créancières vont voir leur ratio baisser et seront donc tentées de se débarrasser de ces créances, précipitant une hausse brutale des taux d’intérêts payés par le pays et accroissant par le même ses difficultés (la fameuse prévision auto réalisatrice). Un problème épineux donc, loins des rodomontades des commentateurs
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