Entre l’émission en masse de CO2 à l’origine d’un réchauffement climatique aux conséquences potentiellement désastreuses et l’épuisement programmé des réserves pétrolières, la question de la politique énergétique se pose à tous les Etats. Les avis divergent sur les solutions.
Ayant fait le choix du nucléaire, la France produit beaucoup moins de gaz à effet de serre que les allemands, qui ont préféré recourir massivement au charbon et aux autres ressources fossiles, sous la pression d’écologistes farouchement opposés au nucléaire. Mais l’accident de Fukushima, après celui de Tchernobyl, est mis en avant par ceux qui veulent sortir du nucléaire et affirment que les énergies renouvelables peuvent prendre le relais.
Justement, le GIEC a publié récemment un rapport dont les médias ont retenu qu’il présentait comme possible une contribution à hauteur de 80% des énergies renouvelables dans le bilan énergétique à l’horizon 2050. En réalité, comme le notait à l’époque Aymeric Ponthier, le GIEC a étudié de multiples scénarios et approfondi 4 d’entre eux, caractérisés par un recours de 15, 30, 50 ou 77% aux énergies renouvelables.
Cependant, avant même de savoir d’où on tire l’énergie, la question se pose de savoir combien on en consomme ! On imagine bien que si les pays émergents atteignent le niveau de consommation des pays développés, les besoins vont se développer très vite !
Dans un article sur le sujet intitulé « il faut changer de modèle », la revue Alternatives économiques publie un schéma qui présente l’évolution de l’intensité énergétique dans le temps selon les pays (en tonne équivalent pétrole pour une quantité de richesse donnée).
Quand on regarde un pays donné, on note une période où cette intensité augmente pour atteindre un maximum avant de diminuer. Le maximum a été atteint par le Royaume Uni vers 1880, par l’Allemagne, la France et les USA vers 1920, par le Japon vers 1950.Des pays comme la Corée du Sud ou le Brésil sont proches de leur maximum.
Cette courbe en cloche s’explique par la montée en puissance de l’industrie lourde très consommatrice d’énergie, puis celle de l’industrie légère et des services, qui sont moins voraces en énergie. Le maximum de l’Allemagne est plus élevé que celui de la France reflétant l’importance de l’industrie lourde dans le premier pays.
Ce que note aussi le schéma publié, c’est que le maximum atteint est plus important pour les pays qui l’ont atteint les premiers et de moins en moins importants pour les pays suivants. Cette situation s’explique évidemment par les progrès réalisés en terme d’efficacité énergétique, progrès dont les pays développés plus tard ont profité. Le maximum pour le Royaume Uni se situe ainsi à plus de 1000 en 1880, celui du Japon en 1950 est un peu au-delà de 400.
Ce phénomène correspond à ce qu’on a appelé les économies d’énergies dans notre pays, qui ont fait que le nombre de litres d’essence consommés par une voiture pour faire 100 km diminue, du fait entre autres de moteurs plus efficaces et de véhicules mieux profilés. Alternatives économiques explique par exemple que la consommation des réfrigérateurs a baissé de 60% entre 1995 et 2007. L’introduction de pompe à injection électronique sur les moteurs diesel a fait gagner 1 litre aux cent kilomètres en moyenne, mais la climatisation sur les voitures consomme à peu près la même chose (cela dépend évidemment de la température !).
Tout en rappelant que le système autocratique soviétique se caractérisait par une gabegie des ressources, la revue Alternatives économique plaide pour une intervention de la puissance publique dans ce domaine, sous la forme d’incitation ou de contrainte d’informations : l’obligation pour les fabricants de certains appareils électro ménager d’afficher leur consommation a contribué à ce que les modèles les plus sobres soient plébiscités.
En réalité, le prix de l’énergie impacte rapidement la consommation, dans une économie de marché : l’augmentation du prix du baril a eu une influence forte sur le type de véhicules achetés par les américains, que l’on disait pourtant totalement imperméable à cette notion.
La vitesse d’adaptation dépend cependant du rythme de renouvellement du parc : l’ancienneté moyenne des automobiles est de 8 ans, celle des logements est très largement supérieure. Or ce sont dans les transports et dans l’habitat que la consommation d’énergie a augmenté depuis 30 ans, alors qu’elle était à la baisse par ailleurs.
Il apparaît aujourd’hui possible de réaliser des immeubles qui consomment très peu. Les progrès dans ce sens auront un impact majeur sur la consommation énergétique dans 50 ans, mais ce qui compte pour les dix prochaines années, c’est la capacité à faire évoluer une partie du parc immobilier en place, en particulier le moins performant dans ce domaine. A long terme, les choix d’urbanisation conditionnent l’évolution des dépenses de chauffage et de déplacement.
Il est vrai que les comportements ont aussi un impact sur la consommation énergétique : je n’ai toujours pas compris pourquoi les américains, au delà de la question du prix de l’énergie, chauffaient leurs logements à 23 ° l’hiver et les climatisaient à 18° l’été, au lieu de faire le contraire !
Le Grenelle de l’environnement avait donné des impulsions pour améliorer l’efficacité énergétique, mais il semble que la crise financière ait eu raison d’une partie d’entre elles (le gouvernement cherche plus à ponctionner les moyens du 1% logement qu’à aider les entreprises sociales de l’habitat à rénover les immeubles les moins efficaces). Il y a pourtant de bonnes raisons de penser qu’un euro investit dans l’économie d’énergie reste encore aujourd’hui dans de nombreux cas plus rentable que celui qui est mis dans les énergies renouvelables.
Yves Cochet nous promet pour la fin de l’année une récession majeure à cause de l’envolée des prix du baril. Je n’y crois pas trop, mais il me semble qu’un prix du baril élevé de manière durable est une condition majeure pour la réalisation d’économies d’énergies, en particulier dans ces deux domaines où l’évolution de la consommation est lente, à savoir les transports et surtout le logement. Mais comme on dit, c’est justement parce que ce sera long qu’il faut commencer tout de suite !
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