Le gouvernement a fini par préciser les modalités de l’attribution de la prime « dividende », pour les salariés dont l’entreprise distribuera cette année une somme plus importante à ses actionnaires. Et pour cela, il met la main à la poche, avec le risque de réaliser surtout des effets d’aubaine aux dépens des salariés, la prime détaxée mais provisoire remplaçant l’augmentation permanente mais subissant l’ensemble des prélèvements sociaux.
Pour l’instant, l’idée gouvernementale recueille surtout des réactions négatives : le Médef est contre, les syndicats sont méfiants, et les citoyens sont très dubitatifs. Il est vrai que la manière très improvisée dont la mesure a été annoncée puis seulement définie en catastrophe n’a pas contribué à sa crédibilité. Ajouter à cela que les chefs d’entreprise n’aiment pas que le gouvernement vienne se mêler de leur politique salariale, que les syndicats ne sont pas très favorables à la droite au pouvoir et que les Français en sont à se méfier systématiquement de ce que leur propose Nicolas Sarkozy, et la mesure était de toute manière mal partie.
Au final donc, les entreprises qui augmentent leur dividende pourront négocier avec les représentants des salariés le versement d’une prime exceptionnelle qui ne sera soumis qu’à un minimum de 8% de charges sociales, comme c’est le cas pour les sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement. A partir d’une déclaration politique de principe balancée sans réflexion autre que son objectif politique et le constats que les Français se plaignent de leur pouvoir d’achat, les cabinets ministériels ont réussi à concocter une mesure qui ne soit pas trop délirante, mais qui ne vient évidemment pas augmenter le cohérence du système !
La réflexion sur la partage des résultats de l’entreprise avait débouché sur une idée qui avait pour elle l’avantage de la simplicité : celle des trois tiers, un tiers pour les salariés, un tiers pour les investissements et un tiers pour les dividendes. On ne pouvait évidemment pas demander en plus quelle est du sens économique !
En effet, avant d’arriver aux résultats, l’entreprise a consacré une partie de la valeur ajoutée aux salaires et aux amortissements, les actionnaires n’ayant évidemment rien eu. Diviser ce qui reste par trois quelque soit l’importance de ce résultat dans la valeur ajoutée, quelques soient les parts des salaires et des amortissement précédents, c’est tout simplement n’importe quoi. La réalité économique, c’est que certaines entreprises ont besoin de beaucoup de capital immobilisé et que d’autres en ont beaucoup moins besoin.
Imaginons par exemple une entreprise qui fabrique de l’électricité avec des investissements massifs dans le nucléaire ou dans des éoliennes, et dont la masse salariale ne représentera qu’un volume finalement très faible au regard des amortissements. Et imaginons aussi une petite entreprise de plomberie ou de maçonnerie avec une dizaine de salariés, et un matériel qui se résume à quelques camionnettes et de l’outillage. Pourquoi faudrait il répartir de la même manière les résultats dans les deux cas ?
Si l’on examine le partage de la valeur ajoutée non pas à l’échelle de l’entreprise mais à celui de l’ensemble de celles ci, on observe qu’en moyenne la répartition entre salaire et capital n’a guère changé depuis 25 ans, ce qu’expliquait le rapport Cotis. La part du capital dans ce total est d’environ 31%, qui se répartissent entre les amortissements des investissements, les frais financiers, la mise en réserve et la distribution de dividendes.
La part des salariés recouvrent en réalité deux sous parties, presque égales aujourd’hui : la rémunération nette, et les cotisations sociales, quelles soient salariales ou patronales, qui vont servir à financer les diverses caisses sociales, pour l’essentiel la retraite et le système de santé (mais aussi la famille et le chômage), et au final reviendront dans les revenus des ménages. C’est en fait là qu’on trouve trois tiers : un petit tiers pour le capital, un tiers pour les cotisations sociales et un gros tiers pour la rémunération nette !
La participation a été mise en place par les gaullistes pour associer les salariés aux résultats de l’entreprise. Elle est calculée selon une formule légale qui s’applique aux entreprises de plus de 50 salariés : ce qu’on appelle la réserve de participation est égale à la moitié de ce qui reste des résultats quand on a rémunéré les capitaux propres à hauteur de 5%, le tout multiplié par le rapport entre la masse salariale et la valeur ajoutée. Il existe quelques variantes de calcul, plus favorables aux salariés. La participation ne supporte que 8% de cotisations sociales et n’est pas incluse dans le revenu pour l’impôt si elle est bloquée sur un PEE (mais les possibilités de déblocages sont nombreuses).
Le mécanisme de l’intéressement est assez semblable, mais il nécessite un accord d’entreprise. La réserve de participation comme celle de l’intéressement peuvent être distribuée de manière égalitaire ou proportionnelle au salaire ou un mixte des deux formules.
La réflexion actuelle sur tous ces mécanismes souligne qu’ils privent les différentes caisses de sécurité sociale de recettes importantes, au moment où elles sont toutes déficitaires. L’idée serait donc aujourd’hui soit de réduire le volume des sommes concernées, soit d’augmenter les taux de cotisations versés. Inventer une nouvelle prime bénéficiant des mêmes exonérations était donc la dernière chose à faire. Il est vrai que l’intérêt électoral passe probablement avant l’intérêt général.
A noter que Libération a réagi le 30 avril dans sa page « désintox » à une déclaration de Ségolène Royal, laquelle a voulu surfer sur les mêmes émotions que son ancien adversaire à la présidentielle en déclarant : »42% du bénéfice des entreprises françaises va aux actionnaires, et 5.5% va aux salariés. Et c’est en France que cette répartition est la plus injuste…
Le journal note d’abord qu’il est impossible de faire une comparaison internationale sur ce point, la part du bénéfice des entreprises allant aux salariés étant une invention bien française (à travers la participation et l’intéressement) et les comptabilités étrangères ne suivant tout simplement pas cette donnée ! Il note que les syndicats sont très réticents à l’augmentation de la part des salariés dans ce bénéfice que l’on note depuis 1990 où elle n’était que de 2.6%, cette augmentation se faisant probablement au détriment du salaire, qui n’a pas l’inconvénient d’être variable selon les années.
Le journal ajoute que la seule comparaison qui fasse sens est la répartition de la valeur ajoutée. Sur ce critère, les salariés sont plutôt parmi les privilégiés, du fait de la quotité qui leur revient dans la valeur ajoutée d’une part, du fait que celle ci ne change pas depuis 20 ans d’autre part, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays où elle baisse.
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