La relation salariale s’est bâtie durant le 20ème siècle sur les bases du compromis fordien, lequel a pris du plomb dans l’aile depuis 30 ans. Peut on espérer la construction d’un nouveau pacte social, et sur quelle base, quand il est plus facile d’observer ce qui disparaît que ce qui se construit à la place ?
Le compromis fordien est symbolisé par l’initiative de Henri Ford, doublant les salaires pratiqués pour fidéliser une main d’œuvre qui n’acceptait pas facilement les contraintes organisationnelles de le chaîne. A des artisans détenteur d’un savoir faire technique, il demande de se plier à un mode d’organisation, des méthodes et un contenu du travail définis par l’employeur, donc d’aliéner leur capacité de décision sur ces points, en échange d’une rémunération élevée puis au fil du temps, de l’emploi à vie, la progression de carrière et les avantages sociaux de tout types.
En France, cela se traduit pendant les trente glorieuses par une CGT qui laisse la direction faire évoluer comme elle l’entend l’organisation du travail, mais qui exige en contrepartie que les ouvriers profitent des fruits de la croissance.
A partir de la fin des années 70, l’emploi à vie est remis en cause, l’indexation des salaires sur l’inflation est supprimée et la crainte du chômage permet de peser sur les revendications salariales.
Aujourd’hui les ouvriers à la chaîne représentent une faible partie du salariat et la contrainte organisationnelle a pris d’autres formes. La pression porte sur l’atteinte des objectifs qu’un reporting très serré oblige à suivre de près, sur l’implication dans le travail pour garantir la qualité, sur la coopération le long des processus et au sein de l’équipe, sur la mobilisation des capacités d’initiative et de créativité au service d’une logique d’amélioration permanente.
En contrepartie, les salariés attendent d’être informés régulièrement sur la vie et la stratégie de l’entreprise, d’être écoutés quand ils signalent une difficulté ou font des propositions de changement. Constatant que l’entreprise ne leur garantit plus la pérennité de leur emploi, ils en attendant des perspectives de carrière et l’amélioration de leur employabilité. Ils comptent aussi sur elle pour préserver leur protection sociale menacée par la diminution des conditions de remboursement.
On n’en est pas encore là, certaines grandes entreprises n’en finissant pas de détricoter l’ancien modèle et le nouveau ne se construisant qu’à petites touches et de manière très variable d’un secteur à l’autre, d’une entreprise à l’autre. Plus généralement, l’éventuel compromis post taylorien n’est guère encore vraiment défini. A titre d’exemple, la séparation se fait toujours plus forte entre des salariés, expérimentés, bien formés, en CDI dans de grandes entreprises, protégés par leur diplôme et leur statut, et des jeunes en contrat précaire chez les sous traitants des précédents !
Il y a encore du pain sur la planche pour les DRH, les spécialistes du management ou les organisations syndicales !
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