Je critiquais dans un précédent billet un article paru dans France soir et deux commentateurs me reprochent de m’attarder sur la qualité journalistique alors que les faits présentés ont beaucoup d’intérêt. Je m’étonne à mon tour qu’ils puissent croire ce qu’ils lisent uniquement parce que c’est un sujet important
Contrairement à ce que me propose de faire XS dans son commentaire sur le billet précédent, je ne me moque pas de la qualité journalistique
Parce que la première chose que je me demande quand on me rapporte des faits, c'est de savoir si c'est vrai. Et ce n'est pas parce qu'on l'a dit à la télé ou dans la presse que c'est vrai!
Entre les partisans de la théorie du complot qui pensent qu’on leur cache tout et qu’il y a Une Vérité cachée (sauf à leurs yeux perspicaces bien sur) et les pratiques de crédulité qui consistent à prendre comme parole d’évangile tout ce qu’on me raconte, il y a me semble t-il la place pour une attitude prudente, d’autant plus nécessaire que la multiplication des médias et notamment le développement d’Internet favorise à la fois la diffusion des faits, des opinions, des idées, ce qui est formidable, mais favorise aussi la propagation des rumeurs et des mensonges.
Mais au-delà de la volonté de dire la vérité ou de propager intentionnellement des mensonges, il y a beaucoup d’éléments qui conduisent à ne pas prendre une information pour argent comptant : il peut y avoir des erreurs, des incompréhensions. Une entreprise ou une institution qui communique sur elle-même ne va généralement pas dire des mensonges (elle n’y a souvent pas intérêt à moyen terme). Par contre, elle va trier dans ce qu’elle dit et mettre en avant ce qui la valorise et taire ce qui pourrait la gêner. Par ailleurs, tous ceux qui connaissent bien un sujet ne peuvent qu’être horrifiés de la manière dont les médias simplifient la réalité et donc la déforment.
Je ne peux cependant pas vérifier personnellement tout ce que j’entends ou lit, parce que je n’ai pas le temps bien sur, parce que je n’ai pas les moyens évidemment, mais parce que aussi je n’ai souvent pas la compétence sur toute une série de sujets qui ne font pas partie de mes domaines de technicité.
A défaut de vérifier ce que je lis ou entends, je peux me demander si je peux faire confiance à mon informateur. Le Monde du temps de Hubert Beuve Meury avait des pratiques systématiques pour vérifier l’information et pour éviter de tromper le lecteur. Celui-ci pouvait donc raisonnablement faire confiance au journal, ce qui faisait la force de celui-ci et justifiait qu’on puisse parler de « journal de référence ». Aujourd’hui, je constate que les journalistes du Monde ne comprennent pas grand-chose aux chiffres, et donc je perds la confiance générale que je portais au journal
Les travaux que je peux trouver sur le site de l’INSEE ou de la documentation française sont réalisés par des gens qui utilisent des méthodes sérieuses de recueil et d’analyse de données, et je peux leur faire raisonnablement confiance, même s’ils se trompent ensuite dans leurs interprétations ou leurs prévisions. Je peux moins faire confiance à Wikipédia, malgré les moyens mis en œuvre pour obliger à référencer ce qui est affirmé et pour faciliter le contrôle contradictoire de ce qui est écrit
Je ne peux malheureusement pas faire forcément confiance à un chercheur, même très honorablement diplômé, car je ne peux que constater que certains ne travaillent pas sérieusement. Et on commence à découvrir que certains ont plagié leurs thèses !
Comment savoir si on peut faire confiance ? On peut croiser avec d’autres affirmations. Parce que je suis un homme de chiffres, je vois assez facilement si les ordres de grandeurs de ce qu’on m’affirme sont plausibles, ce qui n’est pas toujours le cas. Je pense d’ailleurs qu’on devrait dans la formation initiale apprendre aux jeunes à regarder les ordres de grandeur.
Une autre approche consiste à examiner la méthode de travail de l’informateur. Est elle de nature à sélectionner les informations justes ou au contraire à déformer la réalité ? Dans un article sur la sécurité, je m’étais demandé si je pouvais faire confiance aux affirmations de Laurent Mucchielli. J’avais pour cela regardé si les chiffres qu’il mettait en avant avaient été ou non choisis (par l’intermédiaire des dates de début et fin utilisée) pour conforter sa thèse. J’avais pu montrer que ce n’était pas le cas et qu’au contraire, en choisissant d’autres dates que celles qui faisaient sens pour l’utilisation de l’outil statistique à sa disposition, il aurait pu présenter des résultats encore plus favorable à ses thèses. Il m’avait fait remarquer qu’il n’était pas un marchand de tapis. Je peux donc faire confiance aux chiffres qu’il avance, sans forcément être d’accord avec l’interprétation qu’il en fait.
De la même manière, il y a un certain nombre de blogueurs (par exemple ceux qui sont regroupés au sein de Lieu Commun, mais évidemment pas seulement eux) qui m’ont prouvé que je pouvais leur faire confiance, même sui je ne suis pas forcément d’accord avec eux
Pour revenir à l’article de France Soir dont je parlais hier, j’ai pu constater que le journaliste qui l’a écrit n’a pas vérifié ce que lui a raconté un informateur qui pourtant avait manifestement intérêt à charger la barque, même quand la vérification était facile à faire. Je note ensuite à plusieurs reprises qu’il ne comprend manifestement pas ce qu’il écrit. Je n’ai donc aucune raison de faire confiance à ce qu’il écrit et j’ai même toute raison de penser que la plupart des « informations » sont soit fausses soit déformées. Peut être y a-t-il un fond de vérité, mais ce n’est pas sur et je n’ai pas les moyens faciles pour trier ce qui est vrai. La conclusion normale est de rejeter l’article
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