Les attaques du Canard Enchaîné n’y feront sans doute rien : les électeurs de droite semblent prêts à soutenir la ministre des affaires étrangères contre vents et marées. Celle qui fut la première femme à plusieurs postes ministériels est manifestement solidement ancrée dans le monde politique
Un sondage publié par Le Parisien montre que 75% des sympathisants de droite souhaitent la voir conserver son poste quand 82% des sympathisants de gauche ont l’opinion inverse. Soit les citoyens suivent en priorité le point de vue de leur camp, soit les faits reprochés à la ministre choquent plus à gauche qu’à droite. Soit les deux bien sûr !
Les aventures de MAM en Tunisie conduisent à trois types de reproches très différents.
Le premier porte sur l’analyse de la situation en décembre 2010 et la position prise au nom de la France, le 11 janvier 2011, soit trois jours avant la chute du régime, pour proposer que « le savoir-faire de nos forces de sécurité, qui est reconnu dans le monde entier, permette de régler des situations sécuritaires de ce type ». La ministre prétendra qu’au moment de son voyage il n’ y avait "aucune répression" dans le pays, tout au plus "quelques événements qui n'avaient rien à voir avec ce qu'on a connu ensuite".
La proposition faite le 11 janvier est en fait cohérente avec l’analyse générale qui fait des événements tunisiens de simples troubles comme il peut s’en trouver dans tous les pays, qu’il faut simplement savoir contrôler. Même s’il est plus facile de décrypter les événements après coup, il faut rappeler que la déclaration à l’Assemblée nationale date de 3 jours seulement avant le départ de Ben Ali. On ne peut que conclure que la proximité de la ministre avec des responsables tunisiens, au lieu de lui donner une bonne connaissance du pays, l’aveugle sur la réalité de celui-ci On pourra toujours objecter que ce n’est pas la première ni la dernière fois que la diplomatie française se trompe, mais l’ événement a été jugé suffisamment grave à Tunis pour coûter son poste à l’homologue de MAM qui a voulu la défendre.
Deuxième type de reproche, le fait pour MAM de s’être fait transporter gratuitement dans le jet d’un homme d’affaires tunisien, Aziz Miled, qui apparemment a aussi payé l’hôtel où elle a séjourné à Tabarka. Alors qu’apparemment la manière dont les élus et ministres profitent des deniers de l’Etat leur est de plus en plus souvent reproché, les électeurs de droite ne tiennent pas rigueur de ses petits privilèges accordés au couple Alliot Marie/ Ollier. Peut être parce que ce n’est pas payé avec nos impôts ? Il faudrait avoir le sondage réalisé par Harris Interactive pour en savoir plus, mais il n’est pas encore public
Troisième reproche, celui du mensonge ; MAM a d’abord prétendu que Aziz Miled lui avait proposé de voyager dans son jet après l’avoir rencontré par hasard à l’aéroport, et qu’il s’agissait d’un homme d’affaires victime des malversations du clan Ben Ali.
Or on a appris depuis que le jet était propriété partagée de Aziz Miled et de Benhalcem Trabelsi, le gendre de Ben Ali et qu’il a permis au premier de fuir la Tunisie quelques semaines plus tard. De plus, les parents de MAM ont profité du voyage pour racheter à l’homme d’affaires une SCI dans laquelle ils avaient déjà des parts.
La ministre argue qu’il s’agit d’une affaire privée qui ne regarde que ses parents. On comprend qu’à respectivement 92 et 94 ans, ceux-ci veuillent prévoir leurs vieux jours. J’ai suffisamment souligné ici que l’espérance de vie augmente pour admettre que les parents de la ministre peuvent encore vivre 15 ans (après tout, ils ont l’air en bonne santé). Mais en les accompagnant dans ce voyage, la ministre donne le sentiment de s’être sentie concernée par l’opération. Et on se demande si Aziz Miled n’a pas cherché à convertir des biens menacés par la révolution en cours contre du bon argent français ; Et que Bernard Marie en a profité à travers un prix d’ami !
Tous cela ne sent franchement pas bon, et je trouve le deuxième reproche plus grave que le premier, et le troisième encore plus grave que le second ; Si le premier ne fait pas honneur à la France, les deux autres minent gravement la démocratie.
Mais au fait, qui est cette MAM, et que vaut elle comme ministre?
Sur ce point, un responsable de l’administration pénitentiaire que j’ai croisé il y a quelques jours ne mâche pas ses mots : il considère tout simplement qu’elle quitte suffisamment tôt les ministères qu’elle dirige avant qu’on constate les désastres qu’elle y a causé. Le jugement est dur, et tient certainement en partie à la personnalité de la ministre, qui n’hésite pas à rudoyer a priori les hauts fonctionnaires. Mais mon interlocuteur m’a aussi rappelé un épisode peu glorieux pour la ministre
En décembre 2009, le ministère découvre qu’il n’a pas les moyens de payer les primes et heures supplémentaires dues. Il décide donc de reporter ce paiement au mois de janvier, pour utiliser les crédits de l’exercice suivant. Les avertissements des dirigeants de l’administration pénitentiaire, qui signalent qu’on se trouve juste avant les fêtes de Noël, n’y font rien : la ministre reste inflexible
Si Eolas signale sur son blog le problème que cela pose aux magistrats, les surveillants de prison n’hésitent pas à bloquer toute circulation à la sortie ou l’entrée des établissements, et obtiennent ainsi de cause en …six heures ! Les crédits qu’il était impossible d’obtenir sont miraculeusement trouvés !
Tout cela n’est pas glorieux ; la comparaison entre le traitement réservé à MAM ou Eric Woerth et la manière dont Christian Blanc a du quitter le gouvernement, piégé par son ancien chef de cabinet qui avait acheté des cigares en son nom, montre que seuls comptent aujourd’hui les rapports de force.
Le positionnement dans le sondage ne signifie en réalité qu’une chose : dans l’esprit des français eux-mêmes, la campagne pour les élections de 2012 est déjà commencée.
Les commentaires récents