Un ou des candidats se réclamant du centre seront sans doute présents à la présidentielle de 20112, sans qu’on sache très bien ce que ce positionnement recouvre. Une discussion sur les blogs, notamment chez le Chafoin, m’incite à donner mon avis, forcément éclairé, sur la question !
Poser la question de la définition du centre, c’est poser celle de la définition de la droite et de la gauche. Or les enjeux autour desquels se fondent l’opposition droite/ gauche varient dans le temps, comme je l’avais écrit lors d’une tentative de définition de la gauche. On a ainsi connu une séparation royalistes/ républicains au 19ème siècle ou une opposition économie de marché/ économie planifiée à une autre époque. La définition du centre est logiquement variable de la même manière.
Si l’opposition droite/ gauche est plus facile sur un seul thème structurant, on peut imaginer qu’il y en ait deux ou trois qui fassent sens pour les partis en présence. Le centre peut alors regrouper des citoyens et des élus qui sont avec la gauche sur un des sujets et avec la droite sur un autre. Par exemple, le centre peut être avec la droite pour une économie de marché et avec la gauche pour le développement de droits sociaux. Le centre peut aussi se distinguer par la mise en avant d’un thème qui lui est spécifique. Pendant longtemps en France, le centre s’est distingué d’une droite gaulliste par un soutien enthousiaste à une Europe fédérale, point sur lequel elle était proche de la majorité du Parti Socialiste mais aussi des droites dominantes chez nos voisins.
La création de l’UMP reposait sur l’idée que la différence entre la droite RPR et le centre UDF ne faisait plus sens, justement en raison de l’avancement des projets européens : après les différents traités, l’Europe avait sans doute moins avancée que ne le souhaitait l’UDF et plus que ne le voulait le RPR, mais le débat semblait à peu près clos. Le maintien de l’UDF et les scores réalisés jusqu’en 2007 ont montré les limites de cette analyse. Les déboires du MODEM après 2007 ont montré à contrario que le positionnement dans l’opposition à la droite classique était plus compliqué que l’alliance avec elle.
Si le centre droit a été vivace en France depuis la création du MRP en 1945, il n’y a plus guère de place pour un centre gauche. Après le ralliement progressif des centristes à la droite à partir de 1969, et le point culminant qu’a été l’élection de VGE, la création et la dynamique du Parti Socialiste n’ont guère laissé de place pour un centre gauche, que les radicaux de gauche ont incarné un moment. Après 1981 et surtout 1983, les plus modérés des socialistes ont pu considérer qu’au delà des discours électoraux musclés, la gauche au pouvoir s’était ralliée à une pratique sociale démocrate très acceptable pour eux. Il faut noter qu’avec le départ de JL Mélenchon vers le Front de Gauche, c’est finalement une parti de la gauche du PS qui est partie, le ralliement de Gauche Moderne et de JM Boeckel à Nicolas Sarkozy ne représentant pas grand chose.
Ces derniers temps, le centre droit a paru revenir à la mode, en particulier en raison des résultats médiocres enregistrées par la droite aux dernières élections. Mais c’est surtout le positionnement gouvernemental sur des thèmes proches de ceux du Front National qui pourrait justifier une différenciation, comme on peut le voir à la lecture des billets de Koz par exemple. Mais les leaders centristes ne s’expriment guère sur le sujet, et Koz est obligé d’aller chercher un Fromantin pour entendre le discours qu’il attend.
Il est vrai que le centre manque de leaders d’une trempe suffisante pour s’affirmer sur la scène nationale. Hervé Morin confirme jour après jour qu’il n’est que ce qu’on le soupçonnait d’être, c’est à dire un apparatchik. Jean Christophe Lagarde, maire de Drancy témoin des difficultés causées aux responsables de la mosquée de sa ville aurait sans doute des choses à dire s’il était audible. En fait seul JL Borloo pourrait aujourd’hui se démarquer du discours gouvernemental. Encore faudrait il qu’il le veuille !
Le choix du candidat socialiste pèse aussi sur les marges de manœuvre d’un centre hypothétique. DSK n’en laisserait guère, mais Martine Aubry sans doute un peu plus.
Un centre pourrait être résolument oui ouiste, comme l’ont été l’UDF et les Verts en 2005. C’est à dire bien sûr partisan de la construction européenne, mais aussi de la charte des droits fondamentaux dans le domaine des libertés, du traité de Maastricht et de la limite des déficits dans le domaine de la gestion de l’Etat, de la stratégie de Lisbonne et de la priorité à la recherche dans le domaine économique etc. Il est vrai que le non l’a emporté en 2005, mais je crois que pas un seul candidat potentiel ne cracherait sur les 45% des voix qu’a malgré tout recueilli le oui.
On sent bien en effet qu’une des positions spontanées du centre, c’est la modération et le refus des solutions extrêmes. Accepter de reconnaître que les choses sont compliquées, c’est choisir des solutions forcément complexes et combinant prudemment plusieurs leviers. Par exemple, jouer sur la prévention et la répression.
Ce discours modéré n’est pas forcément porteur, car moins facile à résumer sous forme de slogans simples. C’est pourquoi le centre a intérêt pour exister de pouvoir mettre en avant un thème spécifique, comme l’a fait François Bayrou avec la démocratie. Malheureusement pour les adhérents du MODEM, il n’était guère prêt à appliquer ses convictions démocratiques en interne.
En prônant la réforme de l’Etat par la réduction du nombre de couches administratives, le mandat unique ou les pôles de compétitivité, Christian Blanc avançait des projets difficilement classables à droite ou à gauche et d’ailleurs soutenus par certains à droite comme à gauche. Mais l’UDF ne s’en est pas emparé.
Il faut aussi observer que ce sont des élus UDF qui dans l’Ouest francilien font tout pour éviter le logement social et son cortège de pauvres avec qui on ne souhaite surtout pas se mélanger ! Comme quoi, le discours social…
Mais après tout, pourquoi demander au Centre de se définir, alors qu’il y a longtemps que le gauche ne sait plus où elle est : certains plaident pour une social démocratie mise à mal par la réalité quand d’autres veulent encore croire à des recettes qui, contrairement aux recettes sociales démocrates, n’ont même pas réussi un temps !
La droite ne sait guère plus ce qu’elle est, mais c’est plus facile pour elle : il lui suffit d’être avec les puissants et en particulier avec les puissances d’argent, et pour le reste de garder un positionnement conservateur ; Et pourtant, c’est elle qui ces derniers temps a au moins eu sur le papier une volonté d’aller de l’avant, dans la réforme de l’Etat, le développement de la Recherche ou celui des TGV ! Mais n’est ce pas suivre la tradition des Pompidou et VGE ?
Christian Blanc (décidément, je n’arrive pas à l’oublier !) proposait un positionnement ni droite ni gauche, en avant ! A l’heure ou les socialistes et les écologistes rivalisent dans le conservatisme des situations existantes, le slogan a du bon. !
Entre les conservateurs à droite et les conservatismes à gauche, il y a un créneau pour ceux qui veulent construire un avenir à notre pays. Pas en bétonnant particulièrement, mais en trouvant des réponses aux questions que nous devons affronter dans ce 21ème siècle déjà bien entamé.
Par exemple, un coup d’œil à la démographie mondiale nous montre que les africains vont émigrer demain en masse en Europe : s’il parait illusoire de l’empêcher, peut on inventer des moyens pour que cela se passe durablement bien, avec les émigrants puis leurs enfants ?
Autre exemple, si les matières premières deviennent de plus en plus chères car à la fois plus rares et plus consommées dans le monde, comment s’adapter demain ou après demain ?
Nos concitoyens vivent dans une société apaisée, dans laquelle le nombre d’homicides est au plus bas. Mais ils veulent descendre encore plus le niveau de délinquance et de violence. Comment le faire tout en développant le bon vivre ensemble, condition de toutes manières indispensable à l’objectif recherché ?
Oui, des questions économiques, sociales, sociétales, environnementales, démocratiques, pour lesquelles il faut inventer des solutions pour aller de l’avant, cela ne manque pas ! Mais j’avoue chercher désespérément le parti de droite, du centre ou de gauche qui cherche sérieusement à y répondre !
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