Les Français croient encore que la politique peut changer leur niveau de vie. C’est du moins ce qu’on peut déduire de l’observation des statistiques sur le moral des ménages et de l’évolution de celui-ci à l’approche des élections à caractère national.
L’INSEE vient de publier les résultats de sa dernière enquête sur le moral des ménages . L’indice synthétique se situe à 85 en février soit le même niveau que le mois précédent, un niveau un peu plus élevé qu’au plus fort de la crise, mais qui reste plus bas que le niveau le plus bas connu entre 1972 et 2007 ! On note que la tendance générale depuis bientôt 40 ans est la baisse sur le long terme de cet indice, qui exprime au choix la perte de confiance des français dans leur économie ou la diminution des résultats constatés sur la période.
Cet indice synthétique, comme son nom le suggère, résulte de toute une série d’indices d’opinion sur les prix, le chômage, l’épargne. Les personnes interrogées sont notamment invitées à donner leur jugement sur l’évolution de leur niveau de vie, passée et future
J’ai pris les séries de ces deux indices pour les comparer : le nombre que je trouve est la différence entre l’évolution projetée et l’évolution passée. Ce nombre se trouve généralement positif, c'est-à-dire que les français pensent que la situation demain sera meilleure qu’hier. Assez naturellement, il est très positif dans les périodes les plus sombres (car le jugement sur le passé est très négatif) et peu positif dans les périodes les meilleures. C’est ainsi qu’il ne cesse de baisser entre 1997 et 2001, reflétant l’amélioration du jugement sur la situation passée, quand le jugement sur la situation future oscille autour d’une valeur stable sur la période.
Au-delà des conséquences de la situation économique, on peut observer des pics très temporaires. Les dates de ces pics sont systématiquement celles d’élections nationales les fortes hausses au moment des échéances électorales traduisent l’espoir d’une amélioration suite à l’élection.
On peut ainsi comparer le niveau de l’indice au moment le plus élevé, généralement le mois qui suit l’élection, en mai le plus souvent) avec celui atteint 6 mois avant
élection |
1981 |
1986 |
1988 |
1992 |
1993 |
1995 |
1997 |
2002 |
2005 |
2007 |
M |
21 |
17 |
25 |
19 |
40 |
42 |
41 |
30 |
19 |
50 |
M-6 |
1 |
23 |
16 |
14 |
20 |
34 |
23 |
-7 |
26 |
29 |
écart |
20 |
-6 |
9 |
-5 |
20 |
8 |
18 |
33 |
-7 |
21 |
Il faut noter qu’en 1993, les législatives qui voient une victoire écrasante de la droite ont lieu en mars et le maximum de l’indice se situe en avril, puis qu’il s’effondre à 16 le mois suivant, avant de remonter fortement dans les mois qui suivent. On observera que l’enquête n’est mensuelle que depuis 1987 : en 1986, le pic éventuel peut ne pas avoir été mesuré.
La situation de 2007 est assez représentative du phénomène d’espoir temporaire créé par l’élection : l’ indice des perspectives d’évolution du niveau de vie en France se situe à –41 en mai 2006, à –26 en octobre, -17 en avril 2007 et passe brusquement à +1 en mai 2007 pour retomber à –28 en septembre et –40 en novembre 2007, avant de baisser encore plus sous les effets de la crise financière en 2008
Les indices étant obtenus en faisant la différence entre les opinions positives et les opinions négatives, il faut noter que 10% des français qui changent d’avis dans le même sens font bouger l’indice de 20 points.
En n’oubliant pas qu’il y a sans doute en permanence des gens qui changent d’avis dans les deux sens, évolutions qui se compensent, on peut donc observer que l’arrivée d’un nouveau gouvernement à la suite de l’élection fait spécifiquement changer d’opinion 10% de français pessimistes, qui deviennent optimistes, le mouvement inverse étant constaté quelques mois plus tard !
Et on dira que les Français ne croient plus à la politique ? Je les trouve plutôt crédules sur les pouvoirs du politique pour faire changer les résultats économiques ! Il est vrai que pour les 15% des salariés payés au SMIC, l’évolution à court terme de la rémunération dépend plus des décisions du gouvernement que de la qualité de leur travail ou de la bonne marche de leur entreprise !
Le tableau ci-dessus fait apparaître deux élections qui se traduisent par un baisse de la confiance : les deux référendums de 1992 et 2005.
Que pouvez attendre de positif comme perspective d’évolution du niveau de vie les partisans d’un oui à ces référendums ? En 1992, l’argument était que la mise en place d’une monnaie commune allait doper la croissance. S’il était vrai que cela allait faciliter la vie de ceux qui voyagent en Europe, il ne s’agissait pas d’une promesse plus concrèe d’augmenter les minima sociaux !
En 2005, les partisans du oui ne pouvaient que promettre une consolidation des avantages apportés par l’Europe, argument qui ne parlait qu’à ceux qui vivaient bien, aux plus anciens qui savaient ce que signifie être en paix plutôt qu’en guerre, ou à ceux qui comprennent que les soi disants contraintes bruxelloises ont en réalité été chosies par les responsables de chaque pays.
Du coté des partisans du non, il était plus facile de prétendre que l’euro avait apporté l’inflation, qu’une harmonisation immédiate des régimes sociaux et fiscaux, idée complètement irréaliste, protégerait nos emplois, ou de proférer des mensonges sur tout ce qu’un oui apporterait de malédictions, depuis la fin du SMIC jusqu’à l’interdiction de l’avortement.
Comment le oui aurait il pu gagner dans ces conditions ?
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