La journée de la femme ce lundi, est l’occasion d’évoquer la différence entre le salaire des femmes et celui des hommes, différence qui ne diminue plus depuis une vingtaine d’années. Un rapport avait analysé l’an dernier les différentes inégalités professionnelles aux dépens des femmes et leurs causes.
Le rapport préparatoire à la négociation sur l’égalité professionnelle établi par Brigitte Grésy a été publié en juillet dernier. Je l’avais parcouru et j’avais commencé un article en novembre, sans dépasser le stade de l’ébauche.
J’y reviens donc, en n’abordant cependant que la première partie du rapport sur les constats. Le rapport fait le point des diverses inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
On en trouvera en fin de première partie, pages 49 et 50 un tableau récapitulatif. Retenons pour l’essentiel :
Le salaire moyen des femme se situe au moins 20% en moyenne en dessous de celui des hommes
Les femmes occupent 60% des emplois non qualifiés alors qu’elles ont une meilleure réussite dans la formation initiale.
Elles sont nettement plus touchées par les bas salaires et le travail précaire
Enfin, elles sont fortement sous représentées dans les postes de direction (le « plafond de verre »)
Les inégalités avaient diminué entre 1960 et 1990 : les écarts de salaires avaient été divisés par deux, et le taux d’activité féminin entre 25 et 49 ans avait lui doublé. Depuis, on ne note guère de progrès.
Le rapport met en avant trois principales causes de ces inégalités
La première est l’orientation : les filles s’orientent ou sont orientées en priorité vers certaines formations ( 94% de filles en options SMS, une majorité de filles en L).
Certaines professions peu rémunérées ont une majorité écrasante de femmes (les services à la personne notamment).
Certaines de ces formations ont insuffisamment de débouchées et les filles qui en sortent se retrouvent ensuite déclassées : voir l’exemple de l’auteur de « journal d’une caissière" qui a un bac+5, ou le cas des CAP de styliste dont on se demande bien sur quoi il peut déboucher !
La deuxième cause est la maternité. Confrontées au fait de devoir élever leur(s) enfant(s) et à l’inégale répartition des tâches ménagères dans le couple, les femmes sacrifient en partie leur carrière professionnelle.
Le rapport a pris l'exemple de la situation professionnelle des jeunes qui vivent en couple au terme de leur septième année de vie active (voir tableau page 41).
Avoir ou non des enfants n’a que très peu d’impact sur les hommes : on passe de 94% d’activité sans enfants à 92% avec plusieurs enfants.
Par contre il est très fort pour les femmes : le taux d’activité à temps plein passe de 79% sans enfants, à 68% avec un enfant et 39% avec plusieurs enfants. Dans le même temps, le chômage, l’inactivité et surtout le temps partiel augmentent.
Le phénomène est encore plus marqué pour les femmes sans diplôme.
Il est évident que la parentalité est un inconvénient pour les carrières professionnelles des femmes, en particulier chez les cadres : la course pour les promotions se joue beaucoup sur la disponibilité et la mesure de l’implication par le temps passé. Dans les grands cabinets de conseil, il n’est pas bien vu pour les jeunes femmes d’avoir un enfant…
La troisième cause est la discrimination pure. Le rapport n’a pu la mesurer précisément, mais elle existe. On peut penser que c’est avec la cause précédente une des explications du « plafond de verre ».
Le rapport aborde aussi les conséquences de la crise actuelle. Il note que les premières conséquences sur l’emploi sont plutôt défavorables aux hommes, en raison des secteurs touchés mais s’inquiète sur les impacts possibles sur le volume des temps partiels, en anticipant des réductions d’horaires.
Tout se passe comme si les auteurs répugnaient à reconnaître que la segmentation du travail qui a été et est encore défavorable aux femmes, pourrait leur être favorable.
Il y a en effet deux lectures possibles du fait que les métiers les plus féminins soient plus mal payés que les métiers les plus masculins, une lecture sociologique et une lecture économique
Dans la lecture sociologique, les métiers féminins mal payés le sont parce qu’ils sont occupés par des femmes. L’idée qui domine dans la société est que l’homme doit être le principal pourvoyeur monétaire du couple, le salaire éventuel de la femme étant un salaire d’appoint, qui peut donc être plus faible.
Dans la lecture économique, les métiers féminins sont plus mal payés en raison de la loi de l’offre et de la demande : dans l’industrie, les métiers de l’habillement qui sont peu capitalistiques et qui ont étéconcurrencés très tôt par les pays à bas salaires sont moins payés que les métiers de la chimie plus techniques et capitalistiques.
C’est bien la pression économique qui a fait le fort développement du tertiaire et donc la montée du taux d’activité féminin. Les nombreuses lois votées depuis trente ans sur l’égalité salariale n’ont pu faire ce que la pression économique avait fait auparavant !
Bien sûr, ces deux lectures ne sont pas antinomiques et rien n’empêcherait normalement les femmes de se tourner vers les métiers de la chimie par exemple !
La lecture économique fait anticiper une pression de l’offre et de la demande plus favorable aux femmes : ce sont les métiers de l’aide à la personne qui vont le plus se développer dans les prochaines années.
Si le taux de chômage des femmes passe durablement en dessous de celui des hommes, la pression économique conduira à réduire l’écart de salaire.
Au-delà des métiers, les compétences demandées sont de plus en plus favorables aux femmes. Hier, une femme ne pouvait être chauffeur routier car il fallait de la force pour conduire. Cette limitation a disparu avec la direction assistée et on voit de plus en plus de femmes chauffeurs de bus.
Dans les organisations modernes, il faut travailler en équipe, savoir écouter son client interne comme externe, être organisé et autonome, toutes dimensions qui commencent à avantager les femmes.
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