Se marier parce qu’un enfant arrive était encore une pratique courante il n’y a pas très longtemps. Cela concernait probablement près d’un mariage sur 4 au début des années 1970, puis le phénomène a diminué, les naissances hors mariage devenant de plus en plus nombreuses. C’est du moins ce que nous montre une étude récente sur les naissances dans les douze mois qui suivent le mariage.
L’INSEE vient de publier les dernière données démographiques et parmi elles je trouve un tableau (T46) donnant mois par mois et pour cent couples, le nombre de naissances vivantes survenues dans chacun des douze premiers mois du mariage, et ce pour les années 1962 à 2005. J’ai étudié le tableau concernant la métropole
. Bonne fille, l’INSEE donne le total des naissances advenues dans les 12 mois dont celui des naissances advenues dans les 8 premiers mois après le mariage. On comprend que pour ces dernières et en faisant abstraction des prématurés, il s’agit de conception avant le mariage.
En 1962, on observe 37% de naissances dans les 12 mois après le mariage, dont 18.2% dans les huit premiers mois. Les naissances dans ces 8 premiers mois ne sont absolument pas réparties régulièrement : 2.68% ont lieu dans les 3 premiers mois, soit 0.89% par mois, 13.38% dans les 4 mois suivants, soit 3.34% par mois, et seulement 2.16% dans le 8ème mois, pour remonter à 3.17% le mois suivant, et à 6.39% le 10ème mois.
L’interprétation est assez simple : le score du 8ème mois indique des futurs mariés qui ont eu des relations sexuelles avant un mariage programmé (la femme ne sait pas qu’elle est enceinte au moment du mariage) ou, pour une part probablement assez faible, des enfants conçus après mariage mais prématurés. La différence avec les naissances au dixième mois semble montrer, parmi les couples qui ont décidé de se marier indépendamment d’une naissance annoncée, une minorité (environ un quart) de couples qui ont les mois précédents des relations sexuelles sans contraceptifs.
Par contre, le nombre plus important de naissances dans les 4 à 7 premiers mois, indique une part assez importante de mariages provoqués par l’annonce de la naissance. Si on trouve probablement dans ce lot des couples qui avaient programmé le mariage, les couples qui ont convolés parce que la femme était enceinte représentent au moins la différence entre le taux de naissances chacun de ces mois et celui du 8ème mois, et sans doute un peu plus (si on admet que la proportion de couples ayant des relations sexuelles diminue au fur et à mesure qu’on s’éloigne dans le temps avant le mariage programmé).
Un autre tableau (T47) fourni par l’INSEE dans la même étude donne la répartition entre les naissances hors mariage, les conceptions pré nuptiales et les conceptions post nuptiales. On y trouve aussi la proportion de mariages pendant la grossesse, c'est-à-dire, parmi celles qui ont conçu hors mariage, celles qui se sont mariées avant la naissance.
Il y a toujours eu ce qu’on appellait des filles mères ou des mères célibataires. En dehors de la période particulière de la guerre de 14/18 (le tableau remonte à 1907), leur proportion se situe entre 6 et 10% des naissances.
Avant 1945, le nombre de conceptions hors mariage qui s’arrangeaient par un mariage avant la naissance était inférieur à 50%. Il était de l’ordre d’un tiers entre les deux guerres. A partir de 1946, il passe au dessus de 50% et il ne cessera d’augmenter jusque 1972 (62% cette année là). Cette augmentation ne signifie pas que les hommes qui ont « engrossé » une fille acceptent plus facilement le mariage. Encore que.. Le nombre de naissances hors mariage va passer par un point bas en dessous de 6% en 1964.
Mais le vrai changement est ailleurs : le nombre de conceptions pré conjugales augmente nettement. Alors qu’il se situait autour de 4% jusqu’à la seconde guerre (avec une exception au début des années 20), il se situe autour de 7 à 8% dans les 20 annnées qui suivent la fin de la guerre : clairement celle-ci a été l’occasion d’un premier changement dans les mœurs (plus de relations sexuelles pré conjugales), encore minime.
Il est probable que parmi les 18% de mariages débouchant sur une naissance dans les 6 mois, on compte un nombre assez important de mariages dues à la grossesse ; des considérations précédentes, cela pouvait concerner en 1962 entre 5 et 10% des mariages. Il est possible que parmi ces mariages, il y en ait où la grossesse a été voulue par les futurs époux pour forcer la main des parents.
Dans les années qui suivent 1962, le nombre de naissances la première année du mariage augmente, pour atteindre un maximum de 41% en 1971. Pourtant les naissances dans les 3 derniers mois de l’année, qui étaient montées à 16% en 1963, ne cessent de diminuer ensuite : elles ne sont plus que 12.4% en 1971. En 1972, le taux de naissances dans les 8 premiers mois du mariage atteint son maximum avec 26.3%.
Il est clair que les pratiques sexuelles avant le mariage sont devenues plus courantes. De 1962 à 1972, l’écart de taux entre les naissance du 6ème mois et celui du 8ème mois passe de 2.31% à 5.47%, soit plus d’un doublement, alors qu’on est à une période de développement de la contraception et que commencent à augmenter (si on en juge par la suite des événements) les cas où la maternité annoncée n’entraîne pas le mariage précipité.
A noter que les 7.60 % du 6ème mois en 1972 sont supérieurs aux 6.39% du 10ème mois de 1962, ce qui n’est possible que si le mariage est provoqué par la conception. En 1972, les mariages provoqués (ou accélérés) par l’annonce de la naissance représentent probablement près de 15% de l’ensemble des mariages, ce qui est considérable.
Bien entendu, le nombre de couples non mariés ayant des relations sexuelles avant le mariage est bien plus élevé et sans doute nettement supérieur à 50%. Les chiffres précédent montrent en comparaison que cette pratique était encore minoritaire en 1962, bien que déjà bien répandue.
A partir de 1973, le nombre de naissances dans les 8 premiers mois comme dans la première année du mariage se mettent à diminuer régulièrement. On sait bien qu’il ne s’agit pas d’une baisse des relations sexuelles hors mariage, mais bien de la pratique du mariage lui-même. On va en effet voir augmenter régulièrement les naissances hors mariage, qui représentent aujourd’hui la moitié des naissances environ.
En effet, ces naissances hors mariage ont été au plus bas en 1963, à 5.91%. Elles vont ensuite augmenter d’abord lentement, puis plus rapidement : les 7% sont atteints en 1971, les 10% en 1979, les 20% en 1986, les 30% en 1990, les 40% en 1997 et on est à 47% en 2005.
Qu’en est il aujourd’hui ? Le nombre de naissances la première année du mariage a fortement diminué puisqu’il n’est plus que de 15.77% en 2005, dont 7.94% les 8 premiers mois. Le taux de naissances au 6ème mois est maintenant passé en dessous de celui au 8ème mois, ce qui prouve que les mariages dus à la grossesse sont devenues marginaux. A noter que l’inversion ne date que de 1994.
Le taux de naissances est d’un peu plus de 2% par mois à partir du 10ème mois, contre 1% environ dans les premiers mois. Les taux au deuxième mois sont presque identique à ceux du 6ème mois, ce qui prouve que ce n’est pas un problème de se marier visiblement enceinte. Les taux plus élevés à partir du 10ème mois montrent que certains décident de féconder seulement après le mariage, qu’ils aient eu on non des relations sexuelles avant.
On peut estimer à travers les chiffres que ceux qui attendent le mariage pour avoir des relations sexuelles puis qui cherchent à avoir un enfant sont largement minoritaires. Il est par contre probable qu’une partie (minoritaire sur l’ensemble de la population) des couples, éventuellement déjà installés, lient décision de se marier et décision d’enfanter.
Une remarque pour finir : on peut déduire des chiffres qu’il ne suffit pas de vouloir un enfant pour en avoir un tout de suite. En 1962, un couple sur 6 seulement conçoit un enfant dans les 3 mois qui suivent le mariage. Si l’on écarte les femmes qui accouchent dans les mois précédent (une sur 6 aussi) et celles qui ne veulent pas enfanter trop vite (difficile à estimer évidemment mais probablement encore peu nombreuses à cette époque), on peut estimer à environ une sur quatre les femmes qui conçoivent dans les 3 mois qui suivent leur volonté de le faire.
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