Faire des cadeaux serait du gaspillage, selon certains économistes provocateurs qui en calculent même le montant. L’affirmation est paradoxale puisqu’elle dément le postulat que chacun serait le meilleur juge de l’affectation de ses ressources, alors que le calcul repose sur ce postulat.
Jean Edouard, qui est économiste comme sa femme, explique l’affirmation puis la démonte (le site de Mafeco étant en réparation, on trouvera sur le même sujet un autre point de vue). Le gaspillage serait dû au fait que le choix du cadeau peut être non pertinent et que son destinataire aurait pu dépenser la somme utilisée d’une manière plus favorable à ses goûts. Mais ce raisonnement ne tient pas compte de la valeur qu’a le plaisir de faire un cadeau.
Mais arguer d’un gaspillage, n’est ce pas remettre en cause le postulat selon lequel chacun dépense ses ressources au mieux ? Si j’achète un livre pour offrir à ma fille, plutôt que de lui donner un bon d’achat de la FNAC, c’est mon choix : de quel droit l’économiste pourrait il le contester ?
L’existence supposé d’un gigantesque gaspillage au moment de Noël doit il être interprété comme le signe d’un marché défaillant, et si oui, comment faut il modifier ce marché ? Doit on conclure que le développement des chèques cadeaux est économiquement utile, et dans ce cas les entreprises qui le pratiquent peuvent elles faire payer ce service ?
Affirmer un gaspillage venu des agents économiques et non du fonctionnement du marché ou de l’organisation de l’économie, c’est en fait sortir du rôle des économistes et vouloir remettre en cause la gestion des agents concernés, qui plus est avec des raisonnements manifestement incomplets, si on en croit les articles de Jean Edouard.
Si on admet que celui qui fait le cadeau est le meilleur juge de l’affectation de ses ressources, on déduit que la satisfaction d’avoir fait ce cadeau a une valeur supérieure a l’éventuel perte que constitue un choix non pertinent.
Il apparaît alors que l’homo
economicus affecte ses ressources à autre chose que ses besoins primaires (se
nourri, dormir). Encore qu’on peut noter que dans certains cas, le cadeau
prépare la satisfaction d’un besoin primaire que est celui de se
reproduire !
Ce comportement répond à un
besoin social. Pourtant, j’ai entendu parfois que faire un cadeau à Noël est la réponse à une pression de la société
de consommation, une aliénation à ces ignobles entreprises capitalistes qui
gaspillent les ressources dans la publicité pour nous inciter à faire des
achats dont nous n’avons pas besoin.
Il me semble pourtant que l’usage
du don précède de beaucoup la société capitaliste puisqu’on le retrouve dans de
nombreuses sociétés dites primitives.
Pour ceux qui croient que la malheur des hommes a été créé par les inventions du néolithique (l’agriculture et la domestication des animaux), qui ont débouché sur les villages, les chefs et les logiques de pouvoir et de domination, on citera cette découverte de l’homme et de la femme de Süngir en Ukraine. Ils étaient ensevelis dans une tombe datée de 27 000 ans et portaient des vêtements cousus de milliers de perles en ivoire de mammouth, nécessitants de milliers d’heures de confection !
Oui, l’homo sapiens n’est pas qu’un homo economicus, il attache de l’importance et consacre des ressources à la beauté, à la qualité des relations qu’il noue avec ses proches !
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