La grippe A a tué quelques personnes en France. L’effet de la vaccination ne peut qu’être limité pour l’instant. Les critiques continuent à fuser contre la stratégie du gouvernement, qui n’avait pourtant guère le choix
D’après les
médias relayant l’avis de l’institut de veille sanitaire, le nombre de décès
liés à la grippe A en métropole était de 164 vendredi 18 décembre, dont 25 pour
des personnes ne présentant à priori aucun risque.
Rappelons que tous les ans, la
grippe contribue à tuer des personnes affaiblies, en particulier des vieilles
personnes. C’est pour cette raison que ces personnes sont la cible privilégiée
des campagnes de vaccination. Par contre, la grippe ne tue normalement pas des
personnes jeunes et en bonne santé. C’est parce que la grippe A fait des
victimes parmi ces personnes à priori sans risques, qu’il y a eu des craintes
et une mobilisation à ce sujet.
Dit de manière plus cynique, 139
des 164 personnes décédées de la grippe A seraient probablement mortes pour une
autre raison dans un délai assez bref, de quelques années au plus. Quand il y a
eu la canicule, la surmortalité survenue alors a été compensée par une sous
mortalité à peu près équivalente dans les deux ans qui ont suivi. Autrement
dit, la quasi-totalité des personnes décédées de la canicule avait encore moins
de deux ans à vivre.
Pour les 25 autres, on se trouve
face à, des personnes qui peuvent avoir 15 ou 25 ans, et qui avaient
normalement plusieurs dizaines d’années de vie devant elles. C’est de fait pour
ces personnes là que les autorités sanitaires s’inquiètent ce qui n’est
guère facile à expliquer : comment faire comprendre qu’on trouve normaux
139 décès et très inquiétants 25 autres ?
(voir le quatrième commentaire et ma réponse)
Avec la grippe A, on se trouvait
face au risque pour un pays comme la France d’avoir des milliers de décès
« anormaux ». Après les précédents du sang contaminé, de la vache
folle ou de la canicule, nos démocraties n’acceptent plus que les responsables
de la santé publique ne prennent pas tous les moyens pour éviter de tels drames.
Au vu des résultats actuels (les
25 morts), il semble que l’épidémie ne soit pas aussi dangereuse qu’on aurait
pu le craindre. Encore qu’il est possible que la mortalité ait été contenue du
fait de l’utilisation de médicaments adaptés, des mesures d’hygiènes et de
fermetures ainsi que des décisions d’hospitalisation rapides.
Rappelons cependant que la vache folle a du faire un mort en France et que même en Grande Bretagne, où certains avaient prédit des dizaines de milliers de morts, il n’y a en a guère eu qu’une centaine.
Mais l’hiver n’est pas fini et le
nombre de ces décès peut très bien atteindre la centaine d’ici là. C’est là
qu’apparaît l’intérêt possible du vaccin.
Le fait de vacciner une personne
lui permet normalement d’éviter la maladie.
Si donc la moitié des français sont vaccinés avant d’être au contact de la grippe A et que le vaccin a été fait de manière aléatoire, le nombre de décès final est divisé par deux par rapport à ce qu’il devrait être sans vaccin. Si les personnes vaccinées ont été choisies comme les plus fragiles, le gain peut être bien sûr beaucoup plus élevé
La difficulté ici est que le
virus touche y compris des personnes à priori non à risque. Donc le ciblage
n’apporte pas de gains évidents.
En fait les autorités semblent avoir visé des personnes à risques qui ont encore de nombreuses années d’espérance de vie devant eux : les enfants en bas âge, et de fait leurs parents. C’est ainsi que trois de mes collègues très proches se sont faites vaccinées, en même temps que leur bambin. On notera ici que face à la question de la santé de leur petit bout, elles n’ont pas suivi le chœur des sceptiques !
Un autre avantage potentiel du
vaccin, est de limiter la propagation de la maladie. On estime ainsi que si
plus de 95% des citoyens sont vaccinés, certaines maladies disparaissent :
c’est ainsi que la variole a été éradiquée.
Pour l’instant, on est très loin
d’avoir un pourcentage de personnes vaccinées qui puisse vraiment freiner
sensiblement la contagion : moins de 10% des français (on est en réalité
plutôt autour de 5%).
Si le rythme tenu en 5 semaines pour vacciner 4 millions
de personnes était maintenu, il faudrait 75 semaines pour vacciner tous les
français : le rythme de vaccination n’est pas vraiment satisfaisant. Et on
peut se demander si les mesures d’hygiène classiques (utilisation de savon et
de masques notamment) n’ont pas eu plus d’effet pour empêcher la propagation du
virus (même si par définition les effets des mesures hygiéniques et du vaccin
sont complémentaires).
Le site gouvernemental précise
que 10% des collégiens et lycéens et 15% des publics prioritaires ont été vaccinés.
A noter que ce même site explique
que plus de 26 millions de bons de vaccination ont été envoyés (et que le pays
détient suffisamment de doses pour vacciner tout le monde)
Si l’on compare avec le nombre de
vaccinations effectives, on comprend qu’un français sur 6 ayant eu un bon s’est
fait vacciner !
Il est vrai qu’un grand vent de
scepticisme règne apparemment sur cette affaire dans l’opinion, comme on peut
le voir à la lecture par exemple des commentaires sur le site du Figaro, dont
les lecteurs ne sont pas considérés à priori comme d’affreux gauchistes.
Je dis cependant apparemment, car, comme souvent, les commentaires reflètent les points de vue des plus convaincus . Ceux qui pensent que au final il vaut mieux se faire vacciner ne sont pas forcément convaincus que la stratégie gouvernementale est géniale et prêts à défendre cette opinion sur les forums, mais comme on dit, ils votent avec leur pied (dans ce cas précis, plutôt avec leur dos ou leur bras !).
Les chiffres de décès ne sont
cependant pas suffisamment élevés ou bas (selon le point de vue dont on se place)
pour donner raison au final à l’un ou l’autre camp.
Gageons que si le virus s’était révélé plus mortel, l’opinion n’aurait pas manquer de reprocher aux forces publiques des moyens insuffisants. Dans ce domaine comme dans le pari Pascalien, le pire est peu probable mais il est si grave que nul gouvernement dans un pays démocratique ne pouvait se permettre de l’ignorer.
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