A la fin d’une négociation entre syndicats et employeur se pose pour les premiers la question de fond : faut il signer ou pas ? Cette question ne se pose pas de la même manière selon les conséquences de la signature, et chacun peut avoir ses critères de choix.
Certains accords ne peuvent entrer en application que s’ils sont signés par les organisations syndicales, d’autres (ou du moins les mesures prévues) peuvent l’être unilatéralement par l’employeur, ce qui ne signifie pas pour autant que la négociation soit inutile.
Par exemple, l’intéressement ne peut être mis en place que par un accord avec des organisations syndicales si elles existent. Certaines mesures concernant le temps de travail doivent également faire l’objet d’un accord ( les lois De Robien et Aubry 1 ne pouvaient pas être mises en œuvre sans accord).
Au
contraire, la direction peut mettre en place certaines mesures de manière
unilatérale, par exemple une augmentation générale de salaire. Il en est de
même pour beaucoup des mesures qu’on retrouve dans les accords GPEC, comme
celle de proposer un bilan de compétences aux salariés d’une tranche d’âge
définie. La loi sur les seniors prévoit une cotisation supplémentaire de 1% de
la masse salariale pour ceux qui ne prennent pas les mesures nécessaires ;
ces mesures peuvent faire l’objet d’un accord ou à défaut d’un plan
d’action : en pratique, l’employeur n’est pas obligé de recueillir une
signature syndicale.
Jusqu’encore récemment, il suffisait de la signature d’un syndicat même ultra minoritaire pour qu’un accord soit applicable. Certains syndicats pouvaient ainsi rester dans la critique d’un accord forcément insuffisant, situation parfois bien confortable, mais ils pouvaient voir appliquer un accord qu’ils trouvaient inadmissible.
Le législateur a d’abord donné les moyens aux syndicats majoritaires de contester un accord, à leurs risques et périls. La SNCF a ainsi vu un accord d’intéressement signé par des minoritaires puis dénoncé par des syndicats majoritaires, qui ont du le justifier dans les urnes ensuite (leur perte a été réelle mais assez faible au final).
Depuis la loi de 2008 sur la représentativité, un accord n’est valable que si les signataires ont eu au moins 30% des voix aux dernières élections du CE (à eux tous s’ils sont plusieurs).
Il faut normalement un accord
pour fixer les modalités des élections professionnelles. Généralement, cet
accord fait l’objet de la signature de l’ensemble des syndicats présents, mais
il faut croire qu’il y a de temps en temps des problèmes puisque la loi prévoit
maintenant que cet accord suit les règles générales de signature.
On notera que les nouvelles règles induisent trois solutions possibles pour les syndicats représentatifs, face à un projet d’accord : signer, dénoncer ou ne faire ni l’un ni l’autre, cette dernière solution étant de fait beaucoup plus fréquente que la deuxième.
Chaque syndicat se trouve
confronté à un choix, selon des critères qui lui sont propres.
Dans le cas d’un accord d’intéressement, l’une des questions est de savoir, comme dans une négociation commerciale, si on a pu obtenir le maximum de la direction. Le jeu est compliqué quand il y a plusieurs organisations syndicales, mais celles-ci peuvent le cas échéant s’allier.
Dans le cas d’une NAO
(négociation annuelle obligatoire), les mesures prévues dans le projet d’accord
peuvent généralement être mises en œuvre de manière unilatérale par
l’employeur. Pourquoi signer alors ?
Il faut remarquer que l’employeur peut ne pas mettre en œuvre tout ce qu’il a proposé si l’accord n’est pas signé par une organisation syndicale représentative. Il s’agit d’une pratique rare mais qui existe.
L’employeur peut aussi être
enclin à ne pas tenir compte des positions syndicales lors des négociations
suivantes si une attitude constructive n’a pas été payée de retour.
Il s’ensuit qu’un critère de
signature est la posture des représentants de l’employeur lors de la
discussion.
Le syndicat dont des propositions ont été reprises est évidemment
porté à signer pour s’assurer que cette reprise sera effective et pour
encourager l’employeur a continuer cette attitude de dialogue social constructif
lors des négociations suivantes.
Ce raisonnement n’est évidemment
pas fait par un syndicat qui considérerait que la reprise de sa demande par
l’employeur n’est pas le résultat de la volonté de dialogue de l’employeur mais
du rapport de forces en faveur des salariés.
Un deuxième critère porte sur
l’évaluation des avancées faites lors de la négociation, de l’importance que
leur accorde le syndicat, du fait qu’elles sont cohérentes avec la santé
économique de l’entreprise et/ ou la situation du marché du travail.
On comprend que sur ces deux critères, les évaluations peuvent être différentes d’un cas à l’autre, mais aussi dans le même cas d’un syndicat à l’autre.
Pour finir notons que le dialogue social repose sur un minimum de respect mutuel au moins, sur une confiance réciproque (qui ne veut dire ni naïveté ni consensus permanent) dans la bonne volonté de l’autre partie au mieux, et que à contrario, la défiance engendre la défiance, quelque soit la partie qui a commencé dans ce registre.
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