La rente immobilière doit elle contribuer au financement des infrastructures collectives ou servir la spéculation immobilière ? C’est le débat caché de la querelle sur le projet de loi concernant le Grand Paris, présentée par les élus locaux comme une question de centralisation ou de respects de la démocratie
La presse a abondamment relaté la
querelle entre Christian Blanc, secrétaire d’Etat en charge du Grand Paris et
François Fillon, dont les arbitrages sur le sujet n’ont pas plu au premier. Mais
il faut chercher dans les articles pour comprendre ce qui est en jeu
On aura probablement compris que
Christian Blanc propose de construire un super métro de 130 Km de long, en
double boucle, et reliant notamment les grandes zones de développement économique
(la Défense, le plateau de Saclay, Noisy, St Denis..) et les réseaux nationaux
ou internationaux de transports (les gares de Roissy et Orly, la gare TGV de
Massy etc.). L'objectif est à la fois de permettre le développement économique et de favoriser une urbanisation adaptée aux habitants
Une quarantaine de gares sont prévues, ce qui en fait une tous les
3 ou 4 kilomètres environ.
Le relativement faible nombre
d’arrêts permet une vitesse moyenne élevée, et donc un temps de transport très
limité : l’idée est de relier Saclay ou la Défense à Roissy en 25 minutes
seulement.
Le coût estimé pour ce nouveau
réseau est de l’ordre de 20 milliards d’euros environ, pour les infrastructures
et les rames, avec un délai de livraison forcément très long.
La question du financement est
évidemment posée, et les équipes du secrétaire d’Etat ont imaginé un mode de
financement original.
Les futures gares seront
forcément des lieux privilégiés. Habiter près d’une de ces gares, c’est avoir
un accès direct et rapide aux zones d’emploi et aux transports. C’est pouvoir
accéder rapidement au cœur de Paris : le nouveau réseau serra relié à
l’actuelle ligne 14 qui passe par Châtelet (où elle croise les lignes RER A, B
et D), la gare de Lyon et la gare St Lazare.
Construire un centre commercial à
coté d’une de ces gares, c’est être sûr d’avoir une clientèle importante
Bref, on comprendra que la valeur
des terrains, des logements et des commerces situés près de ces gares va
augmenter rapidement
Plutôt que de laisser cette
augmentation de valeur profiter aux chanceux et aux spéculateurs, Christian
Blanc propose de l’utiliser pour financer le nouveau réseau.
Concrètement, il
s’agirait de créer un établissement public d’intérêt industriel et commercial « Cet EPIC sera maître
d'ouvrage et représentera l'État dans la création des gares et dans
l'aménagement des territoires autour. Il récupérera tout ou partie de la
valorisation foncière créée autour des gares. L'EPIC collectera deux autres
ressources : - les recettes commerciales tirées de l'implantation des activités
de commerce et de service et des recettes fiscales ad hoc » (Christian
Blanc dans un entretien au Figaro
« Les plus-values foncières tirées de la revente des terrains devant être une manne, dans l'esprit de M. Blanc, pour financer les stations du métro » (le Monde du 1/ 10)
Mais tout cela ne convenait guère
aux élus locaux, qui voyaient d’un mauvais œil l’Etat préempter une surface
importante et surtout décider seul de l’implantation des futures gares
Ces élus (il y a 1300 communes en
Ile de France) veulent pouvoir notamment discuter du choix des implantations
futures des gares. La logique de proximité, dans l’esprit des lois de
décentralisation, permet en effet de mieux prendre en compte les besoins des
citoyens.
Évidemment, il sera long et difficile d’arriver à un compromis satisfaisant tout le monde et ne dégradant pas le fonctionnement de la ligne future (par exemple en transformant un métro rapide en omnibus serpentant pour faire plaisir au moindre élu). Entre temps, la spéculation foncière aura fait son chemin. Mais il est difficile de ne pas préférer la démocratie avec toutes ces limites à la technocratie.
Le premier résultat observé est que pour trouver des ressources alternatives de financement, on reparle aujourd’hui d’un éco péage à l’entrée de Paris.
Mais on peut se demander, au-delà des pétitions de principe, pourquoi les élus locaux veulent tant participer au choix des gares ?
La réponse est malheureusement
simple : au-delà de l’effet « pas dans mon jardin » probable,
elle a pour nom stabilité politique. En effet les conséquences probables de
l’implantation d ’une gare sur cette ligne rapide en terme d’urbanisation
sont telles qu’un élu ne peut préjuger que la sociologie de la population ne va
pas se transformer au point de faire basculer la majorité électorale. Et cela,
on sait que pour un élu local, c’est particulièrement grave.
On notera que dans l’affaire, les élus locaux réclament de garder leur pouvoir, jamais de le donner aux citoyens, Curieux, non ? Pourquoi alors ne pas proposer un référendum francilien sur la question ?
Les commentaires récents