Yasid Sabeg, récent commissaire à la diversité, a trouvé la solution pour résoudre en trois à cinq ans le problème du chômage des jeunes. Il l’explique au Monde ce jour : il suffit d’obliger toutes les entreprises de plus de 100 salariés à recruter des jeunes en alternance à hauteur de 5% de leurs effectifs, sous forme de contrats à durée indéterminé.
Le gouvernement ayant dans le même temps demandé aux entreprises, sous peine de sanction pécuniaire, de recruter et fidéliser les seniors, et le chômage des 25/ 55 ans étant assez faible, on voit bien que la perspective de la fin du chômage à court terme s’ouvre à nos yeux éblouis !
Peut être pas suffisamment éblouis pour ne pas regarder plus précisément ce dont il s’agit et la crédibilité des déclarations de Yazid Sabeg. Celui-ci propose de « placer chaque année 300 000 à 400 000 jeunes dans un système rénové de formation en alternance ». L’obligation de recruter des jeunes en alternance existe déjà aujourd’hui, à hauteur de 3%, pour les entreprises de plus de 250 salariés.
On sait que le chômage des jeunes de 15 à 24 ans est important : en 2007, 20.2% pour les femmes et 18.6% pour les hommes, contre 8.1% et 6.6% pour les 25/49 ans. On rappellera qu’il est d’autant plus élevé qu’il se rapporte uniquement à la population active, les jeunes étudiants n’apparaissant pas au dénominateur et les jeunes peu qualifiés se présentant plus tôt que les étudiants sur le marché du travail.
La mesure proposée semblera donc raisonnable au lecteur du Monde qui ne connaît pas forcément tous les détails d’une réglementation qu’on a fâcheusement l’habitude de changer en permanence. On lui rappellera donc que cette obligation ne date que de 2006, avec un quota à 1% cette année là, de 2% en 2007 et de 3% en 2008. Peut être faudrait il d’abord s’assurer que cette réglementation nouvelle est appliquée et donne des résultats avant de l’étendre à ce point !
L’apprentissage est en développement dans notre pays. On est ainsi passé de 125 milliers de contrats signés en 1992 à 275 milliers en 2006, avec une progression continue sauf en 2002/ 2003. Parmi eux, il y a environ 50 000 bacheliers (ayant au moins le bac) alors qu’ils étaient marginaux en 1992, la formule étant de plus en plus populaire dans cette population spécifique, en raison de son efficacité pour se former et trouver du travail. J’ai déjà dit que cela faisait des étudiants beaucoup plus adultes que la moyenne.
L’obligation décidée en 2006 devrait évidemment augmenter encore le nombre d’apprentis. En 2006, les entreprises de plus de 50 salariés ne représentaient que 20% des embauches d’apprentis. Cela contribuera à renforcer encore la proportion de titulaires d’un bac (15.6% en 2006) ou d’un bac + 2 (10.6%). Dans mon entreprise où j’ai fait remarquer en CE que nous ne respectons pas encore le taux de 3%, la plupart des apprentis ont ou préparent un bac +2 ou +3, les exceptions concernant ceux qui préparent un bac+4 ou +5 !
Rappelons que le chômage des jeunes touche en premier lieu ceux qui n’ont pas de qualification, les niveaux V bis et VI. Trois ans après leur sortie de formation initiale, 40 à 50% (selon la conjoncture)de ces jeunes sont au chômage. L’apprentissage peut être pour eux un moyen d’acquérir une qualification professionnelle. Environ 40% des contrats d’apprentissage les concernent. Mais il ne faut pas se raconter d’histoire : développer l’apprentissage est une bonne solution, mais ce n’est pas une baguette magique. Il faut évidemment aussi revoir les mécanismes de formation initiale, notamment à l’école primaire, pour diminuer la proportion de jeunes sortants du système sans qualification.
Ceci dit, qu’on puisse encore aujourd’hui penser régler le problème du chômage en obligeant les entreprises à recruter laisse assez pantois. Ce qui ne signifie pas que des incitations bien ciblées puissent avoir du sens. Je ne sais pas ce que donne et donnera l’obligation faite en 2006 d’augmenter le taux d’apprentis dans les grandes boîtes. Le taux visé me parait élevé. Mais il s’agit d’une mesure qui accompagne un mouvement de fond : l’intérêt grandissant des étudiants pour cette formule.
Des mesures ont été prises ces dernières années pour favoriser le recrutement des apprentis, des handicapés, des seniors. Il s’agit de favoriser une méthode efficace de formation et d’insertion dans la vie professionnelle pour le premier cas, de redonner leur chance à ceux qui étaient systématiquement mis en fion de la file d’attente dans le second cas,. Ces mesures ont donc leur intérêt. Mais faire croire que ce genre de mesure supprimera le problème en 5 ans ou moins, c’est se moquer du monde
Un dernier mot pour constater que le secteur public n’accueille que 2% des apprentis. Comme très souvent, l’État donne aux entreprises des consignes qu’il ne s’applique pas à lui même. Je propose donc qu’avant de revoir le système
1) on évalue l’efficacité des mesures prises en 2006
on les fasse appliquer par la fonction publique
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