A force de voir le Président de la République proposer de nouvelles idées tous les jours, on peut se demander s’il a une véritable orientation ou s’il vogue au creux des événements. La multiplication des lois sur le même thème renforce cette question.
Ce qui est peut être vrai dans le domaine de la sécurité ne l’est pourtant pas forcément dans le domaine économique. Les mesures s’y succèdent certes, et peuvent donner le sentiment d’un foisonnement anarchique, mais les grands axes restent les mêmes.
Dans une entreprise, un bon dirigeant nouvellement nommé choisit une stratégie, l’annonce, l’explique, puis met son énergie à la mettre en œuvre, notamment en prenant ses décisions quotidiennes au service de cette stratégie. La compréhension des grands axes de cette stratégie, l’impression qu’elle est solide et répond aux enjeux de l’entreprise, contribuent à la confiance que lui font ses subordonnées et à la réussite de la mise en œuvre.
Une fois la stratégie définie, expliquée et déclinée en plan d’action, il s’agit de la suivre à l’aide d’un contrôle de gestion. Il faut aussi rendre compte des résultats obtenus, mais les réunions de conseil d’administration n’ont pas lieu tous les jours, et les administrateurs savent tenir compte des contraintes de temps.
Rien de tout cela dans le monde politique. Le gouvernement peut définir un plan et le mettre en œuvre, on lui demandera dès le lendemain pourquoi il n’y a pas de résultats et ce qu’il compte faire. On a ainsi demandé à N Sarkozy de revoir son plan de relance parce qu’il n’atteignait pas ses résultats, alors qu’il n’avait même pas encor été voté.
Dans ces conditions, la pratique présidentielle consistant à annoncer tous les jours de nouvelles mesures est peut être, non pas la plus adaptée, mais la moins inadaptée à un monde en folie. Cette méthode correspond certainement d’abord à un trait de caractère de N Sarkozy, mais il est possible que ce soit ce qui lui a permis de réussir sa carrière politique.
Aujourd’hui, il s’agit, dans un contexte très difficile puisque les mauvaises nouvelles (aujourd’hui sur le front de l’emploi) ne cessent de se succéder, de tenir le cap jusqu’à une hypothétique amélioration, que le gouvernement espère manifestement dans le courant de l’année, mais qui pourrait se faire attendre plus longtemps.
D’où la proposition de discuter avec les partenaires sociaux, proposition qui fait prendre un risque en focalisant l’action présidentielle sur un dialogue avec des partenaires qui ne sont pas à priori favorables à sa politique. Mais proposition qui lui permet de gagner du temps, d’ici le premier rendez vous d’abord, pendant la période de négociation ensuite.
Mais pour autant, y a-t-il des lignes directrices à la politique économique du gouvernement ? Oui ! Et elles se veulent en rupture avec le passé, par la promotion d’une politique d’offre plutôt que de demande, la promotion du pouvoir d’achat comme résultat du travail et non de la redistribution, enfin en favorisant la mobilité professionnelle plutôt que la protection des situations acquises.
La promotion d’une politique d’offre plutôt qu’une politique de demande passe par la stratégie de Lisbonne, l’augmentation de l’effort de recherche et l’amélioration des liens entre recherche et entreprises. L’actualité des grèves des enseignants chercheurs montre la complexité du dossier !
La volonté affichée dans le plan de relance de favoriser l’investissement plutôt que la consommation, la survie des entreprises plutôt que l’aide économique aux salariés procède de la même orientation.
Sur le pouvoir d’achat, la loi TEPA montre le chemin dans le fil du slogan de campagne : travailler plus pour gagner plus. Pas question de donner des coups de pouce au SMIC ou d’augmenter massivement les aides sociales, y compris dans le plan de relance. Au contraire, il s’agit de permettre aux (plus) actifs de profiter du fruit de leur travail, en diminuant les impôts (pour les plus riches avec le bouclier fiscal) ou les charges sociales (pour les salariés faisant des heures supplémentaires). L’idée de supprimer la première tranche de l’impôt sur le revenu procède de la même veine que le RSA : il faut augmenter la différence de revenu entre ceux qui bossent ceux qui vivent des aides sociales.
D’où la réticence à introduire dans le plan de relance plus qu’une pincée d’aide à la consommation par la redistribution, contrairement à ce que propose le PS. Les choses pourraient changer sur ce point dans les mois qui viennent. Le gouvernement est en train de préparer une deuxième étape du plan de relance. Mais il le fait d’abord en recherchant des projets de travaux d’investissements dans la suite du premier plan. Si cela s’avère nécessaire, je ne serais pas surpris qu’il préfère jouer sur la TVA (on laisse aux consommateurs une partie plus grande du fruit de leur travail) que sur la redistribution.
Le droit du travail pour finir. Depuis un an et demi, le gouvernement presse les partenaires sociaux de négocier sur la sécurisation des parcours professionnel. L’accord interprofessionnel de novembre 2008 parle explicitement de mobilité externe. La crise n’a guère modifié le positionnement gouvernemental sur ce point. Bien sûr, il y a une aide accrue au chômage partiel. Mais elle repose sur l’idée que les entreprises concernées traversent un trou d’air provisoire. Sur le dossier UNEDIC, il est prévu de mieux aider ceux qui ont déjà commencé à travailler, pas de donner le signal aux chômeurs qu’ils peuvent rester plus longtemps dans cette situation.
Tout cela est bien sûr très idéologique. Mais cela repose aussi sur les excès précédents d’une politique d’aide à la demande et de redistribution qui, sans doute parce qu’elle a été appliquée beaucoup trop longtemps, n’a pas fait ses preuves pour réduire le chômage ou pour tirer la croissance.
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