La note de conjoncture de l’INSEE qui vient de paraître prévoit à court terme, à la fois une forte récession et une augmentation du pouvoir d’achat. On y trouve également de quoi comprendre les trois facteurs de la récession en cours : le retournement du cycle économique, le prix du pétrole et la crise financière.
Observons donc ces cinq points successivement
Une forte récession : L’INSEE annonce un recul du PIB de 0.8% au 4ème trimestre 2008 et un nouveau recul au premier trimestre 2009, et enfin un recul de 0.1% au deuxième trimestre 2009 . Il faudrait attendre le second semestre 2009 pour voir arriver une reprise, mais l’INSEE estime qu’il y a beaucoup d’incertitudes dans les prévisions.
Après les 0.7% de recul pour le 4ème trimestre de la Banque de France, la prévision de l’INSEE confirme ce que j’avançais il y a presque un mois maintenant. Imaginant un recul pouvant aller jusqu’à 1%, j’estimais que pour des raisons techniques de fin du déstockage dans l’automobile « il n’est pas impossible que le premier trimestre 2009 enregistre à son tour un résultat positif, même faible. » Apparemment, cela ne devrait pas être le cas. Comme le disait Pierre Dac, la prévision est difficile, surtout quand elle concerne l’avenir !
Une augmentation du pouvoir d’achat. Cette prévision étonnante s’explique en fait par les transferts sociaux et la chute de l’inflation. En effet, l’INSEE prévoit une stagnation complète des revenus d’activité (0.0% au premier semestre 2009 après 0.9% au second semestre 2008).
Les transferts sociaux seront par contre en assez nette augmentation (3.1% en moyenne semestrielle au premier semestre 2009 après 2.1% au deuxième semestre 2008) du fait de quelques coups de pouce du gouvernement (sur la prime de Noël par exemple) mais aussi de revalorisations automatiques de la plupart des prestations sociales, liées à l’inflation de 2008.
Au final, l’augmentation brute reste faible : +0.9% au premier semestre 2009 contre 2.1% au même semestre 2008. Mais le net recul de l’inflation inverse les résultats nets : +0.6% au premier semestre 2009 contre 0.3% un an avant. Bien sûr, c’est nettement moins que l’année précédente (+1.6% à chacun des deux semestres 2007).
Dans le même temps, le partage de la valeur ajoutée se dégrade au détriment des entreprises. Le taux de marge des sociétés non financières (au sens de la comptabilité nationale, voir page 125) fluctue depuis 15 ans autour de 31%, avec une pointe au-delà de 33% en 1998 et deux points bas entre 30 et 30.5% en fin 1996 et 2001. Fin 2008,il devrait passer nettement sous la barre des 30%.
Contrairement à ce que propose le Parti Socialiste, il est plus urgent d’aider les entreprises que de donner un coup de pouce au pouvoir d’achat.
Venons en maintenant aux facteurs de la récession actuelle.
La fin d’un point haut de cycle. On trouve page 129 de la note de conjoncture, l’évolution de l’utilisation des capacités de production et l’évolution de l’investissement (attention, les échelles de date ne sont pas les mêmes). On peut observer deux points hauts sur les deux courbes, l’un en 2000/ 2001, l’autre en 2007/ 2008. Pendant la phase d’accélération du cycle, et malgré une augmentation de l’investissement, les capacités de production sont de plus en plus utilisées, ce qui finit par créer de l’inflation, puisque l’offre n’arrive pas à suivre la demande.
L’évolution de la construction en est un exemple caricatural : malgré une augmentation forte de la production depuis dix ans, les prix du logement n’ont cessé d’augmenter sur la même période, au début grâce à la baisse des taux d’intérêt, ensuite parce que les acheteurs ont empruntés sur une période de plus en plus longue. Pendant longtemps, les acheteurs ont intérêt à acheter le plus vite possible, avant la prochaine hausse ce qui stimule le marché. A un moment, la hausse des prix est telle que les acheteurs se raréfient et les prix se mettent à baisser : les acheteurs potentiels ont alors plutôt intérêt à attendre, ce qui précipite la baisse. Ce qui se passe aujourd’hui sur le marché de l’automobile procède de la même logique, que la prime gouvernementale provisoire veut inverser.
Si l’on revient à l’ensemble de l’économie, on trouve un phénomène classique de retournement de cycle fin 2007. On observera que lors du cycle précédent, il s’est passé près de 3 ans entre le point haut d’utilisation des équipements et le point bas suivant. Ceci dit, l’essentiel de lac chute s’est faite sur un an. La stabilité qu’on observe ensuite peut se conjuguer avec une croissance moyenne, l’augmentation du taux d’utilisation des capacités de production correspondant à une période de croissance plus forte que la moyenne.
Le prix du pétrole. Chacun sait que ce prix a très fortement évolué en 2008, d’abord à la hausse et maintenant à la baisse. Le prix du pétrole de référence (le Brent) est à 30 $ en 2003, entre 50 et 75 $ en 2006. Il démarre l’année 2007 à 50$ pour la finir à 90$. Il monte à près de 150$ cet été pour redescendre aujourd’hui en dessous des 50$.
Cette évolution a un impact direct sur les coûts de transport et se répercute donc progressivement sur les autres coûts. Mais il est possible de mesurer (page 106) son impact direct sur les ménages à travers la part des produits pétroliers dans l’inflation. En décembre 2007, l’inflation sur 12 mois se situe à 2.6%, dont 0.8 sont déjà liés aux seuls produits pétroliers. En juin 2008, l’inflation est à 3.6% dont 1.3% dus aux produits pétroliers. En octobre, les mêmes chiffres sont respectivement de 2.7% et 0.5%, et en décembre de 1.5% et de –0.3%. En juin 2009, l’INSEE anticipe qu’on serait respectivement à 0.3% et –1%
Après avoir laminé les revenus des ménages (mais aussi des autres acteurs économiques), et donc contribué à la récession, le prix du pétrole contribue aujourd’hui à freiner celle-ci. On a vu plus haut que cette baisse a aujourd’hui un impact positif sur le pouvoir d’achat.
La volatilité des prix du pétrole reflète la différence entre une demande qui peut évoluer assez rapidement et une offre beaucoup moins flexible. Les prix du brut devraient donc repartir à la hausse lors de la prochaine reprise. Il est donc important dès maintenant de favoriser les comportements moins consommateurs. Des mesures ont été prises pour le bâtiment . On verra si les automobilistes américains ont définitivement tourné le dos aux modèles gros consommateurs en vogue jusqu’ici. En France et en Europe, il serait utile de réfléchir à la construction de nouvelles centrales nucléaires plutôt que de construire et d’utiliser en base ou semi base des centrales au fuel ou au charbon.
La crise financière. La note de conjoncture donne des chiffres sur les tensions observés sur les taux d’intérêts pendant la période la plus critique, données qui n’avaient pas été soulignées par les médias à l’époque. Il s’écrivait alors que le marché interbancaire était quasiment mort. Evidemment, il fallait comprendre que le prêt d’argent était devenu notablement plus cher.
L’INSEE revient sur ce point pour expliquer pourquoi sa prévision a beaucoup changé depuis la note précédente qui prévoyait un recul de 0.1% au quatrième trimestre contre 0.8% maintenant Ainsi la précédente note a été achevée en septembre 2008, au moment ou les taux à court terme commençait à monter, mais avant qu’ils ne le fassent franchement. Cela signifierait donc que la partie purement financière de la crise, celle de septembre, aurait coûté les 0.7% de différence sur le 4ème trimestre, ou au moins une grande partie d’entre eux.
Si on regarde la courbe page 20, on note que « les écarts entre les taux des bons du Trésor et les taux des prêts accordés aux agents privés ont flambé » . Ils sont ainsi passé d’un peu plus de 0.5% à près de 3.5% au plus fort de la crise. Ils étaient encore supérieurs à 1.5% début décembre mais sont depuis passés en dessous de 1%. Le tableau page 77 sur les grandes monnaies donne des résultats comparables : on comprend mieux l’urgence qu’il y avait à rétablir la confiance vis-à-vis des banques.
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