Les femmes sont faites pour s’occuper des activités importantes, comme élever (torcher) les enfants et faire à manger, les hommes se concentrant sur des tâches plus essentielles, comme soutenir leur équipe de foot favorite ou refaire le mode en lisant le journal ou en prenant une bière avec des copains.
L’évolution de la place de la femme dans nos sociétés occidentales n’a peut être pas autant qu’on l’imagine remis en cause ce partage des rôles apparemment caricatural. C’est du moins ce qu’il ressort d’un article fort intéressant du Monde paru il y a quelques jours.
Une enquête réalisée en Suède en 2004 dans les écoles maternelles a montré que, sans que les éducateurs en aient conscience, ils favorisaient ou laissaient faire une situation défavorable de fait aux petites filles. Ainsi, dans les conversations, c’étaient nettement plus souvent les garçons qui s’exprimaient, n’hésitant pas à couper la parole aux filles, l’inverse n’étant pas autorisé à ces dernières. A la cantine, les filles se retrouvaient souvent avec des tâches de service à la communauté.
A la suite de ce constat, des expériences ont été menées dans 24 écoles maternelles pour mettre en œuvre un processus éducatif plus satisfaisant. Bien sûr, les éducateurs ont fait évoluer leur attitudes, grâce à la prise de conscience qu’ils ont prise de ce qu’ils faisaient auparavant. Mais les principales réformes ont consisté à réserver environ 1h1/2 par semaine à des activités non mixtes.
C’est ainsi que les filles ont pu profiter des installations de sports ou de jeu jusque là monopolisées par les garçons. C’est ainsi que les garçons se retrouvant entre eux à une table de repas, n’ont pu compter sur une fille pour faire le service.
L’une des responsables explique : C'est un jeu "gagnant-gagnant" qui ouvre de nouveaux espaces aux filles comme aux garçons : s'ils le souhaitent, ils peuvent sortir des schémas traditionnels."
L’école suédoise a ainsi trouvé un moyen pratique de sortir « par le haut » du choix impossible consistant soit à enfermer les enfants dans le rôle traditionnel lié à leur sexe, soit à se faire croire que la différence sexuelle est uniquement culturelle.
Arrivé à l’âge adulte quelques années après mai 68, j’ai fait partie de ceux qui étaient persuadés que les différences de comportement selon les sexes étaient avant tout une question d’éducation. Devenir père de famille et voir mes neveux et nièces ou les enfants de mes amis m’a rapidement fait relativiser ce point de vue ! Comme quoi, confronter une théorie à la réalité des faits est toujours utile !
En pratique, on constate à la fois que globalement les filles ne réagissent pas comme les garçons et en même temps qu’on ne peut enfermer un individu dans un stéréotype, les variétés de comportement étant assez larges d’un individu à l’autre : quelque soit le critère de comportement retenu, il est probable qu’on peut trouver des individus qui ont le comportement a priori attribué à l’autre sexe et des individus qui n’ont pas le comportement attribués à leur propre sexe. Et on ne voit vraiment pas pourquoi on devrait s’opposer à cette réalité : comme le dit la Suédoise interrogée, mieux vaut ouvrir à chacun l’espace des possibles.
L’une des difficultés rencontrées est qu’un certain nombre de petits garçons sont naturellement turbulents. Si le but de l’éducation peut être de les aider à apprendre à se maîtriser, tous ceux qui ont été confrontés à ce genre d’enfant comprendront qu’il faut aussi les laisser vivre, c'est-à-dire adapter ce qu’on leur demande comme contrôle d’eux-mêmes à ce qu’ils peuvent faire. L’article du Monde montre bien comment cela peut se faire au détriment des filles dans un monde mixte.
La non mixité n’étant pas non plus la panacée, la solution proposée (des temps non mixtes) me parait astucieuse. Elle me rappelle deux lointains souvenirs :
Le point de vue de responsables du guidisme, justifiant la non mixité de leur association par le fait que justement l’école était devenue entièrement mixte et que leur association donnait aux filles la possibilité de prendre pleinement des responsabilités
Une série de dessins de Sempé, dessinant une place du village à tous les âges de la vie de ses habitants : à chaque âge, les filles et les garçons vaquent séparément à leurs occupations, sauf à 20 ans au moment du bal !
Malgré les progrès évidents accomplis, notre société reste donc sexiste.
Le monde de la politique est à cet égard particulièrement révélateur. Non seulement les femmes y sont très minoritaires, mais on les traite comme on ne le ferait que très rarement pour un homme.
Si les plus hauts responsables, comme N Sarkozy aujourd’hui ou F Mitterrand hier peuvent être maltraités sans aucune retenue, ce n’est généralement pas le cas (ou pas à ce point) pour les autres. Par contre, regardez ce que chacun se permet à propos de Martine Aubry, Ségolène Royal, Christine Lagarde ou Rachida Dati, sans parler de Christine Boutin. L’opinion la plus générale consiste à penser que ce sont des cruches, alors qu’elles ne sont sans doute pas arrivés là sans difficultés. Et ceux qui se permettent ce genre de jugement sont très souvent nettement moins compétents et intelligents que ces femmes !
Les femmes prennent cependant progressivement leur place et les enquêtes sur le sujet de la discrimination montrent qu’elles en souffrent beaucoup moins que d’autres.
Je trouve même que les compétences qui deviennent clés dans notre société avantagent plutôt les filles.
J’en veux pour indice ce que je peux voir au travail, dans ma propre équipe. Les filles y sont très majoritaires. Ce qui me frappe, c’est leur capacité à avoir une compréhension globale de bon niveau et à traiter avec beaucoup de professionnalisme tous les détails. Comme me le faisait remarquer l’une d’entre elles, le travail ne consiste pas à ne faire que des actions glorieuses.
Or nous avons du mettre fin à la période d’essai de 2 jeunes hommes ces derniers temps (alors qu’ils sont largement minoritaires dans les embauches et qu’on n’a eu aucun problème avec les jeunes femmes). A l’analyse, dans les deux cas, nous avions affaire à des orgueilleux très imbus (à tort !) de leur valeur, ce qui les amenait d’une part à ne pas écouter ce qu’on leur demandait, d’autre part à vouloir privilégier les seuls actions »nobles».
Comme je l’ai déjà dit, notre société risque demain de ne pas laisser beaucoup de place à certains garçons. Le défi éducatif est de donner la possibilité aux filles de développer toute leur potentialité, et en même temps de « sauver les garçons » !
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