La première réaction du citoyen de base à la remise en cause par Ségolène Royal et ses amis de l’élection de Martine Aubry comme première secrétaire du Parti Socialiste est qu’ils sont mauvais perdants. A l’écoute de leurs arguments, ce seraient au contraire les amis de Martine Aubry qui auraient joué les mauvais perdants au cours de la nuit de vendredi à samedi. Explications.
Il est près de 6 heures du matin, samedi, quand la direction du parti donne les résultats : Martine Aubry obtient 67.413 voix, tandis que Ségolène Royal en obtient 67.371, ce qui représente un écart infime de 42 voix. Depuis plusieurs heures déjà, Ségolène Royal et ses partisans contestent les résultats et demandent un nouveau vote, l’ex candidate à la présidentielle affirmant « je ne me laisserais pas faire ».
Ce que peut comprendre le militant de base « royaliste », c’est qu’il y a eu une énorme fraude : les premiers résultats (sur plusieurs dizaines de milliers de suffrages) indiquent une répartition des voix obtenues par B Hamon au premier tour entre les deux candidates tellle qu’il aboutirait au niveau national à un partage 47.5% -52.5%. La direction du parti (F Hollande) et les amis de Martine Aubry freinent les remontées d’informations pour pouvoir tricher. La méthode retenue consiste à rajouter des électeurs (en indiquant que ceux qui se sont abstenus ont en réalité voté) et d’utiliser ces suffrages supplémentaires pour donner plus de voix à M Aubry. Cette manipulation se serait faite dans les fédérations du Nord (celle de M Aubry) (et en particulier à Lille) et celle de Seine Maritime (celle de Laurent Fabius).
Cette accusation s’appuie sur le taux de participation élevé dans le Nord, sur le très bon score de M Aubry dans cette fédération et sur la très vieille suspicion contre quelques grosses fédérations (dont celle du Nord) où le nombre d’électeurs serait gonflé dans une culture clientéliste et les résultats régulièrement arrangés, ces fédérations ayant l’habitude de « voter comme un seul homme ».
Les partisans de M Aubry ne se privent pas de rappeler que parmi les fédérations traditionnellement suspectes figurent les Bouches du Rhône et l’Hérault, qui suivent Royal depuis le dépôt de sa motion. Et ils notent qu’en Guadeloupe, ou S Royal est très largement en tête (plus de 80% des voix) le taux de votants (près de 2000) est passé en un jour de 63 à 80% !
Est-ce plausible ? Pour le savoir, il faudrait regarder les chiffres, et notamment les évolutions entre les deux tours, département par département. Encore qu’il soit très possible qu’il y ait de très grandes différences de reports selon les lieux, tant les votes sont liés à des jeux d’alliances ou des rivalités locales très complexes.
On peut cependant faire un rapide calcul : si le vote donnait 47.5% à 25.5% soit 5% d’avance à S Royal, il faudrait tricher pour compenser de 6740 voix : on ne voit pas très bien comment on aurait pu gonfler les deux fédération concernées d’un tel nombre de suffrages.
On notera aussi que la question des pratiques de certaines fédérations relèvent aussi en partie de la légende. Pourquoi suspecte t’on les Bouches du Rhône et le Nord et ne dit on rien des Landes qui donnent depuis longtemps à Emmanuelli (et cette fois ci à la motion C de B Hamon) des scores sans comparaison avec ceux obtenus ailleurs ?
N’oublions pas non plus qu’il y avait à peu à près partout des représentants de chaque candidate pour surveiller le scrutin et qu’ils ont signé les relevés !
Le plus étonnant, c’est que la bataille ne se joue plus avec des arguments portant sur des milliers de voix mais sur des suffrages par dizaines ici ou là.
Le premier exemple, celui qui va dans le sens de la fraude évoquée plus haut, se situe à Lille, dans la section de Lille centre : à la proclamation des résultats filmée par la télévision, Aubry obtient 110 voix. Sur les chiffres officiels, il y en a 130 ! Explication : le secrétaire de section se serait trompé en lisant les résultats (ce qui arrive il est vrai).
Depuis, d’autres erreurs ont été relevées : d’abord favorables à S Royal, avec 12 voix en Moselle attribuées à tort à son adversaire, puis avec les suffrages non pris en compte en Nouvelle Calédonie (13 voix pour Royal et 3 pour Aubry). Mais depuis on a trouvé d’autres erreurs, ce qui avantage M Aubry : pour 52 voix en Gironde et pour 19 voix chez les français de l’étranger. Au final, l’écart serait plus important que les 42 voix annoncées, et toujours en faveur de M Aubry.
Samedi matin, on pouvait avoir envie de croire le camp Royal et s’indigner d’une fraude grossière. Plus les heures avancent, plus la réaction spontanée (Royal est mauvaise perdante) semble justifiée. La posture de Manuel Valls, qu’on avait connu mieux inspiré, apparaît alors incompréhensible.
Si les prochains jours confirment l’impression actuelle et la victoire de M Aubry, la réaction de mauvaise perdante de S Royal paraîtra avec le recul, sauf pour ses fans inconditionnels, comme très largement disproportionnée et anormale. Elle aurait ainsi gâché une partie de la légitimité que lui donnait son score de 49.9%
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