Le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage, a dit Jaurès. Pour ceux qui pensent que le capitalisme est forcément la cause de tous les maux du monde, cette phrase est en soit une preuve de leur conviction : la guerre de 1914 : 1918 est le fruit du capitalisme, voire le résultat d’un complot organisé par des capitalistes.
France Inter donnait la parole à ses auditeurs mardi soir, 11 novembre, pour interroger les historiens de la grande guerre. On a eu ainsi droit aux questions de deux adeptes de la thèse ci-dessus : le moins qu’on puisse dire est que les historiens n’ont pas été dans leur sens !
Le premier intervenant voyait dans le déclenchement de la guerre une volonté de mettre fin à la montée dangereuse (pour les capitalistes) du mouvement ouvrier et dans l’armistice la conséquence de la prise de pouvoir par Lénine et la crainte de son expansion.
L’historien de service lui a expliqué qu’en réalité, en 1914, les mouvements ouvriers révolutionnaires étaient faibles voire inexistants et que les partis socialistes avaient très vite soutenu leur pays (Jean Jaurès était une exception).
Il n’a pas répondu directement sur la question touchant la fin de la guerre, mais d’autres réponses ont clairement présenté la réalité bien connue des historiens : en 1918, l’Allemagne était complètement à bout de souffle, au bord de l’effondrement (en raison du blocus naval en particulier) et l’offensive qu’elle a mené au début de l’année était pour elle l’opération de la dernière chance, avant que les américains n’arrivent en masse. En novembre elle était absolument incapable de résister à l’avancée des troupes alliées.
Le second intervenant a été encore plus direct, accusant un « groupe franco allemand de capitalistes » d’avoir fomenté la guerre (pour vendre des armes bien sûr) et en fournissant la preuve par la protection accordée à un de Wendel ;
Le réponse de l’historien a été sans nuances : l’immense majorité des capitalistes étaient pour la paix, considérant que la guerre est mauvaise pour le business. Il est vrai que ceux qui n’ont aucune idée de ce qu’est la gestion d’une entreprise peuvent ignorer cette évidence.
J’imagine que ce second intervenant n’a pas du tout été convaincu, et qu’il en a voulu à l’émission de ne pas lui avoir permis de citer tous les arguments en faveur de sa thèse : on connaît la capacité de certains à ne voir ou entendre que ce qui les arrange et à confondre indices et preuves.
L’historien a au contraire pointé les principales causes de la guerre : les impérialismes et les nationalismes.
D’une certaine manière, la guerre de 1914 est aussi un lointain résultat de la révolution française. Celle-ci a popularisé dans toute l’Europe l’idée du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Cette idée a débouché sur le refus des monarchies de droit divin et la volonté de la démocratie. Mais elle s’est traduite aussi par la valorisation de la notion de peuple : le sentiment d’appartenance à un même peuple, souvent lié à la langue se traduit au 19ème siècle par la lutte des allemands contre Napoléon à partir de 1813, par l’adhésion des Italiens à la démarche de Garibaldi qui débouche sur l’unité italienne, par l’adhésion des allemands à un regroupement autour de la Prusse, aussi bien que par les réactions des français à l’invasion de leur pays en 1870.
La conscience de faire partie de différents peuples mine l’empire Austro Hongrois à la fin du 19ème siècle, comme il fait des Balkans une poudrière.
C’est ce nationalisme et non pas le capitalisme qui est à la source de la guerre. De même qu’en 1993 ou en 2005, les hommes d’affaires sont pour l’Europe et son pacifisme et les souverainistes de droite ou de gauche pour le non.
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