La loi TEPA, qualifiée de « cadeau fiscal pour les plus riches » par la gauche a été conçue dans un contexte économique qui a depuis changé assez radicalement. Il est donc temps de s’interroger sur le bien fondé de la garder en l’état, au moment où le chômage risque d’exploser.
Le surnom donné par la gauche à cette loi n’est que partiellement fondé ; la mesure la plus emblématique dans ce domaine, le bouclier fiscal à 50%, ne représente en effet qu’une part très minoritaire des 15 milliards d’euros de coût annuel de l’application de la loi.
Celle ci comportait en effet plusieurs mesures dont les deux plus coûteuses : les déductions fiscales sur les intérêts d’emprunts contactés pour acheter sa résidence principale et les aides sociales et fiscales pour la réalisation d’heures supplémentaires.
Avant toutes choses, je voudrais dire ma réticence à la création de niches sociales et fiscales. Le total des besoins ne changeant pas, elles conduisent à l’augmentation des taux normaux. De plus, il faut constater que le législateur a la fâcheuse habitude de les multiplier. Si l’on veut bien admettre que l’Etat peut traduire ainsi quelques priorités en nombre très limité, on imagine mal que les priorités puissent s’établir par dizaines ou centaines. D’autre part, une part importante des sommes dépensées correspond à un effet d’aubaine et subventionne des décisions qui auraient été prises de toutes manières.
La première mesure s’adresse à ceux qui payent des impôts sur le revenu (50% des ménages) et qui ont les moyens de s’acheter leur résidence principale. En clair, la classe moyenne / supérieure et la classe supérieure. Pas forcément les plus riches mais clairement pas les pauvres.
Cette mesure s’inscrivait en 2007 dans un double contexte : celui d’un parc de logements globalement insuffisant et d’un rythme de construction très important. Cependant, le parc était également déséquilibré avec des zones de manque criant (en premier lieu l’Ile de France avec notamment un manque de foncier disponible) et quelques excédents ailleurs, du moins dans certaines catégories de logements (ceux qui avaient été construits dans le cadre des dispositifs Besson puis De Robien).
On pouvait légitimement se demander si la mesure ciblait la catégorie de logements qui en avait le plus besoin(la réponse est complexe car les marchés ne sont pas indépendants) et surtout si elle ne risquait pas de ne servir qu’à pousser les prix à la hausse, en raison de la pénurie persistante de professionnels qualifiés dans les métiers du bâtiment, à une période où le nombre de mises en chantier était en perpétuelle augmentation.
Les choses ont radicalement changé depuis : le crédit immobilier ne s’octroie plus du tout aussi facilement, la crise des subprimes et la crise financière tout court étant passées par là. L’une de mes collègues, qui vient d’acheter, m’expliquait ainsi que les banques qui proposaient il y a peu des emprunts sur 30 ans ne veulent plus maintenant aller au delà de 20 ans. La déduction définie par la loi TEPA va sans doute amortir la chute de le production immobilière qui s’annonce brutale : le patron de Nexity évaluait récemment à 180 000 le nombre d’emplois qui pourraient être détruits dans la profession.
Dit autrement, ce mécanisme d’aide au logement qui était discutable il y a un an, devient peut être bienvenu. On notera cependant que, la loi n’ayant pas eu d’effet rétroactif, ce ne sont pas les dépenses occasionnées qui diminuent, mais leur croissance attendue.
L’aide fiscale et sociale aux heures supplémentaires avait comme objectif d’offrir aux salariés un moyen d’augmenter leur pouvoir d’achat, à un moment où le gouvernement choisissait de ne pas donner de coup de pouce à un SMIC devenu élevé par rapport au salaire moyen (avec le fort risque d’exclure de l’emploi les moins qualifiés).
Si par définition elle ne profitait pas aux plus pauvres (généralement sans emploi ou à temps partiel), cette aide ne visait pas non plus forcément les plus riches, mais en priorité ceux appartenant à un métier en tension. C’était d’ailleurs sa seule justification économique théorique : diminuer les tensions sur le marché du travail fonctionnant comme autant de freins à la croissance. J’ai déjà expliqué ici et ici pourquoi je ne trouvais pas cette mesure bonne, je n’y reviendrais pas
On rappellera qu’elle avait aussi une fonction symbolique forte : il s’agissait d’affirmer haut et fort que le meilleur moyen de lutter contre le chômage n’était pas de « partager le travail » mais au contraire de travailler plus. C’est sans doute aussi une des raisons qui a poussé la gauche à l’attaquer violemment.
La récession qui s’installe (dont Pascal Lamy disait samedi soir qu’elle pourrait être très sévère) se traduit déjà par une diminution de l’intérim et une augmentation du chômage. Les partisans du partage du travail s’offusquent déjà de ce que les heures supplémentaires équivalent à des emplois en moins. Si cette idée est forcément discutable (il y a une multiplicité de situations) il faut noter qu’il est probable que les heures supplémentaires baissent déjà et vont continuer à le faire.
La réaction naturelle d’un chef d’entreprise confronté à une baisse de charge est en effet de bloquer l’embauche (les plus jeunes qui arrivent sur le marché du travail le voient déjà) et de réduire l’intérim et l’appel aux heures supplémentaires. Les entreprises ont besoin de pouvoir ajuster le volume d’heures supplémentaires (un contingent trop faible dans ce domaine gêne la bonne marche des entreprises), pas forcément que celles ci soient aidées.
Concrètement, les dépenses liées aux heures supplémentaires devraient diminuer assez notablement avec la récessions.
En fait, il est possible que la loi TEPA se corrige en partie d’elle même !
En partie seulement : les entreprises qui avaient un horaire affiché de 37 heures ont pris conscience qu’elles auraient du déclarer des heures supplémentaires (cela explique en partie la hausse constatée en début 2008). Elles ne vont certainement pas revenir sur ces 37 heures : c’est l’effet d’aubaine qui va être conservé au final !
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