Le MODEM renouvelle ce samedi ses instances départementales et nationales. Il revendique toujours 45 000 adhérents mais n’a que 3 députés. Avant de s’interroger sur son avenir dans un prochain billet, regardons de plus prêt ce parti qui se présente comme neuf mais qui plonge ses racines dans 60 ans d’histoire.
1ère période : 1945/1965
En 1945 les élections législatives voient le succès du Parti Communiste ( près de 29% des voix) et du MRP, nouveau parti issu de la démocratie chrétienne, qui fait élire 150 députés. Le MRP participe au gouvernement provisoire tripartite dirigé par le général de Gaulle avec le PC et la SFIO. Le tripartisme perdure sans De Gaulle jusqu’en 1947 : la guerre froide se traduit par la rupture avec les communistes. A partir de 1950, le MRP participe à des coalitions de centre droit avec notamment le Centre National des Indépendants et Paysans (CNIP).
En 1958, De Gaulle revient au pouvoir. Aux législatives qui suivent en novembre, le parti gaulliste (l’UNR) recueille 17% des voix au premier tour, le CNIP 13.7%, le MRP 9.1%. Les 11.8% des divers droite expliquent que l’UNR récolte au second tour 35% des sièges. Le MRP et le CNIP participent au gouvernement jusqu’en 1962, rompant à cause de l’Europe pour les premiers, et à cause de la réforme du mode d’élection du président de la République pour une partie des seconds. La majorité des indépendants fondent les Républicains Indépendants avec VGE et participent ensuite à toutes les majorités avec les gaullistes .
Entrés dans l’opposition, les centristes restés au MRP (certains ont rejoint l’UNR) vont chercher à s’allier avec la SFIO pour l’élection présidentielle de 1965. L’alliance autour d’une candidature Deferre ayant échoué, J Lecanuet se présente et réunit 15.57% des voix.
2ème période : 1965/ 1974
Le bon score de son président n’est pour le MRP qu’un feu de paille. Sa transformation en Centre Démocrate début 1966 n’y change rien : il n’y a pas d’alliance possible à gauche et le vote majoritaire condamne les petits partis. Progressivement, les centristes rallient la majorité de droite au pouvoir.
Tout change en 1974 : Valéry Giscard d’Estaing l’emporte contre le candidat gaulliste Jacques Chaban Delmas au premier tour, contre François Mitterrand au second tour. Il s’appuie sur son parti (les Républicains Indépendants), le parti Radical Valoisien de JJSS et le CDS de Lecanuet et a fait alliance avec 43 députés gaullistes réunis derrière J Chirac. Jean Lecanuet devient Garde des Sceaux.
3ème période : 1974 / 1995
En 1978, est créé l’UDF, confédération regroupant 6 composantes :
· le Centre des démocrates sociaux (CDS) de Lecanuet;
· le Mouvement démocrate socialiste de France, petit parti autour de quelques personnalités locales
· la Fédération nationale des clubs Perspectives et Réalités (CPR), liée au président ;
· le Parti républicain (PR),
· le Parti radical valoisien présidé par Jean-Jacques Servan-Schreiber.;
· les Adhérents Directs de l'UDF, non membres de l'un de ces mouvements
L’UDF obtient 108 députés en 1978, 131 en 1986, 90 en 1988, 215 en 1993. Dans tous les cas, l’UDF a un peu moins de députés que le RPR mais il collectionne les mandats locaux : en 1988, l’UDF dirige 44 conseils généraux, contre 23 au RPR et 20 au PS.
Aux Européennes de 1979, Simone Veil à la tête de la liste UDF dépasse largement le RPR de J Chirac, préfigurant le rapport de forces à droite en 1981.
Mais l’échec de VGE en 1981 signe le début d’un lent déclin pour l’UDF, dont l’une des faiblesses majeures sera de n’être qu’un rassemblement de forces concurrentes. Si en 1984 Simone Veil dirige avec succès une liste UDF/ RPR aux européennes, elle est en 1989 à la tête d’une liste UDF dissidente contre VGE et le RPR. Avec 8.4% des voix, elle dépasse certes le PCF mais n’arrive pas à la hauteur des Verts (10.6%) ni du FN (11.7%). En 1994, c’est le PR avec De Villiers qui s’oppose à la liste UDF/ RPR menée par D Baudis.
En 1988 , Michel Rocard premier ministre de F Mitterrand réalise l’ouverture au centre : des individualités comme Michel Durafour ou Jean Marie Rausch deviennent ministres
1995 voit une grande partie de l’UDF soutenir Edouard Balladur contre J Chirac. Une victoire du premier aurait peut être donné aux UDF une suprématie dans la majorité : toujours est il que c’est J Chirac qui gagne.
4ème période : 1995/2007
Aux législatives de 1997, l’UDF a 113 députés contre 140 au RPR et l Jospin devient premier ministre. Mais ce sont les régionales de 1998 qui vont faire exploser une UDF divisée depuis longtemps. Le scrutin proportionnel et la force du FN rendent certaines régions difficilement gouvernables. Dans 5 d’entre elles, la droite fait alliance avec le FN, parfois sous la houlette de l’UDF, par exemple avec J Blanc, C Millon ou JP Soisson.
L’UDF se divise sur le sujet mais c’est F Bayrou qui l’emporte. Du coup une grande partie (à l’exception par exemple de Gilles de Robien ou de F Léotard) de Démocratie Libérale (héritier de l’ancien part de VGE) quitte l’UDF.
En 1998, l’UDF passe du statut de confédération à celui de parti, sous la houlette de F Bayrou. Les anciens du CDS, les héritiers du MRP y sont majoritaires : le parti s’est rétréci, mais il est à priori plus homogène. Aux européennes de 1999, l’UDF derrière F Bayrou fait 9.3% Il est vrai que le RPR et Démocratie Libérale regroupés derrière N Sarkozy ne font que 12.8% derrière la liste unissant C Pasqua et P De Villiers !
Après les élections cantonales de 2001, l’UDF dirige encore 18 conseils généraux. Mais en 2002, Alain Juppé prépare la création d’un parti unique au sein de la majorité. F Bayrou refuse de se prêter au jeu et va crânement l’expliquer à Toulouse au congrès préparatoire du mouvement, mais une partie de ses amis (Méhaignerie et Bosson par exemple) le quittent et soutiennent J Chirac dès le premier tour.
Le score de F Bayrou aux présidentielles de 2002 est assez médiocre (moins de 7%) et il soutient J Chirac au second tour, contre Le Pen il est vrai. Aux législatives qui suivent, l’UDF ne réunit qu’un peu plus de 4% des voix et arrive au final à un groupe de 29 députés, presque tous élus au second tour avec le soutien de l’UMP.
La législature qui suit voit un éloignement progressif de la majorité : la participation au gouvernement est limité à Gilles de Robien comme ministre (mais les centristes ralliés à l’UMP ne sont pas mieux lotis). Lors des élections régionales de 2004, l’UDF présente des listes autonomes dans la majorité des régions, avec un succès certain. Aux européennes de la même année, l’UDF est présente partout ce qui lui permet d’atteindre presque 12% des voix.
Tout cela montre qu’il existe bien un électorat centriste attaché à l’indépendance vis-à-vis de la droite. En 2005, l’UDF refuse de voter la confiance au gouvernement De Villepin et une partie du groupe vote contre le projet de budget. Gilles de Robien est de plus en plus isolé dans le parti
Les élections présidentielles permettent à F Bayrou d’arriver en 3ème place, avec 18.57% des voix sur un discours de troisième voie et en proposant une alliance à gauche.
Le MODEM est créé peu après.
Au final, on retiendra trois périodes pendant lesquelles le courant centriste, à dominante démocrate chrétienne, se tourne vers les socialistes plutôt que vers la droite libérale (incarné par le CNIP, puis les RI de VGE puis DL) et la droite gaulliste (ou bonapartiste).
Entre 1947 et 1950, le MRP gouverne avec les socialistes. De nombreuses municipalités fonctionneront sur cette alliance jusque vers 1965.
En 1965, le MRP et la SFIO, soutenus par l’Express, envisagent une candidature unique (Gaston Deferre) et la fusion des deux partis dans un grand mouvement démocrate, sur le modèle américain.
Entre 1988 et 1992, des responsables politiques issus de l’UDF participent au gouvernement qui s’appuie tantôt sur une alliance avec le PC, tantôt sur une alliance avec l’UDF, pour faire passer ses textes.
Le MRP de 45 et 46, l’UDF de 78 et 81 sont suivis par le quart des électeurs. En dehors de ces deux périodes fastes, les ancêtres du MODEM se situeront plutôt entre 10 et 15% des voix au niveau national. Leur force au sein du Sénat, symbolisée par la présidence de celui-ci par Alain Poher, montre qu’il y un fort ancrage local.
Le succès de VGE plutôt que celui de Lecanuet semble montrer que la victoire n’est pas possible dans l’autonomie mais qu’elle réside dans le leadership à droite. On verra si le MODEM peut faire mentir cette analyse. Au regard de l’histoire, les 18.7% obtenus à la présidentielle représentent une base de départ élevée.
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