L’agitation médiatique autour des résultats d’une bagarre dans le 19ème arrondissement est assez révélatrice de la dérive de notre société qui ne veut plus appliquer le droit en fonction des faits en cause mais en fonction des caractéristiques de la victime voire des intentions supposés de l’agresseur.
Il y a 3800 ans, le code d’Hammourabi définissait les sanctions à faire subir à l’auteur d’un délit. Par ce code, la société sortait d’une logique où la victime ou sa famille décidait de sa vengeance. Elle définissait aussi que cette sanction ne dépendait pas de la personne à qui elle s'appliquait (du moins à l'intérieur du corps des hommes libres, il ne faut pas exagérer! ) : la règle était la même pour tous.
On aurait pu croire que notre Etat de droit était au moins aussi sage que la Babylone d’Hammourabi. On pourrait en douter au vu de ce que réclame l’opinion publique, encouragée par les médias et, pire, par ceux qui font profession d’être les gardiens de l’humanisme.
L’affaire de l’annulation du mariage de Lille en est un exemple récent. Les bonnes âmes de tous bords, au lieu de s’en tenir aux faits (le consentement de l’époux avait été explicitement lié par celui-ci à une condition que l’épouse ne remplissait pas et celle-ci l’a caché en toute connaissance de ce lien), ont jugé que l’intention de l’époux était contraire à la morale que ces bonnes âmes jugent seule acceptable aujourd’hui.
On observe le même mécanisme dans les réactions à l’agression dont a été victime un jeune de 17 ans près des Buttes Chaumont : avant même d’avoir plus d’information, les médias se sont déchaînés pour condamner une intention d’antisémitisme considérée comme inévitable puisque le jeune concerné était juif et le montrait.
C’est en fonction de l’intention qu’une loi d’incitation à la haine raciale a été votée dans notre pays dit de liberté. En quoi le fait d’ajouter l’adjectif « raciale » rend il l’incitation à la haine plus grave ? Quand Lutte ouvrière distribue des tracts où elle attaque sous des pseudos transparents la hiérarchie d’une usine parce que c’est la hiérarchie, son incitation à la haine est elle plus acceptable, sous prétexte qu’elle se prétend le fruit d’une analyse scientifique ?
Nos parlementaires ont aussi voté une loi condamnant le négationnisme. Les théoriciens du complot qui nous prétendent que c’est l’administration Bush qui a préparé les destructions du 11 septembre ne font ils pas une même œuvre de désinformation dangereuse que les négationnistes ?
La pédophilie est devenu dans notre pays le crime suprême, avant même l’assassinat, au prétexte que les victimes sont des enfants réputés purs, comme le jeune juif battu (presque) à mort était réputé pur.
Car ces dernières années s’est développé une idéologie victimaire, dont Jean Pierre Le Goff décrivait les manifestations dans « la France morcelée ». La campagne présidentielle a été l’occasion pour le candidat de la droite de se présenter comme le représentant des victimes face aux juges ou aux politiques qu’il accusait de soutenir les voyous. Le pendant chez la candidate de gauche de la même tendance était la posture compassionnelle qui consistait à transformer tout électeur potentiel en une victime à qui on devait son attention.
Après la dérive victimaire ou l’ère compassionnelle, l’abolition d’un droit qui ose défendre les coupables ou présumés tels ?
Les mots « virginité, islam, répudiation » font voir rouge et enlèvent toute capacité à prendre du recul et à réfléchir.
Les mots « jeune, antisémitisme, coma » repris en boucle de la même façon, font voir rouge et dénient aux citoyens tout droit à se poser des questions.
Quand l’émotion tue la raison, c’est l’Etat de droit qui s’éloigne tout doucement.
Quand l’émotion tue la raison, c’est notre cerveau reptilien qui prend les commandes, ouvrant la porte à tous les excès, à toutes les démagogies, à tous les extrémismes.
Quand l’émotion tue la raison, c’est
l’humanisme qui est gravement menacé.
Les commentaires récents