Le coup de colère de Michel Rocard à la suite d’un article du Figaro a attiré l’attention sur la fin des travaux de la commission Pochard sur la revalorisation du métier d’enseignant. Faut il reconnaître les différences et valoriser les meilleurs à travers une rémunération au mérite comme le souhaitent certains ou éviter les dérives inhérentes à un système qui ne respecterai pas les principes égalitaires de notre République ?
J’ai écrit il y a déjà longtemps un article sur la rôle de l’ancienneté chez les fonctionnaires : je n’en changerai pas une ligne aujourd’hui, mais je voudrai m’appesantir ici sur le cas particulier des enseignants
D’abord, rappelons le système : la rémunération augmente progressivement selon un système de grades et d’échelons. Le passage d’un échelon à l’autre se fait au grand ou au petit choix, ou à l’ancienneté : dit autrement, selon votre mérite, vous avancez plus ou moins vite, mais vous avancez. Ainsi, selon qu'il avance au grand choix ou à l'ancienneté pour le changement d'échelon, un certifié atteindra le dernier échelon de la classe normale en 20 ou 30 ans. Comme je l’ai déjà écrit, l’écart entre la rémunération de début et de fin de carrière me parait aberrant.
Le mérite est évalué par une note, décernée pour une part majeure par un inspecteur et pour une part mineure par le directeur d’établissement (note dite administrative). Si j’ai bien compris, l’une des propositions du rapport est de prendre les moyens d’inspection plus fréquente, ce qui a pu être considéré par certains comme un moyen de renforcer la partie mérite du système.
L’inspection est aussi l’occasion de conseil donné à l’enseignant pour améliorer ses méthodes
Un inspecteur général de mon entourage m’a expliqué que du temps où il était inspecteur d’académie, sa priorité était l’inspection des meilleurs (10% ?) et des personnes à problèmes (un % du même ordre de grandeur, peut être moins)
Travaillant dans le technique, il avait en effet besoin de repérer les futurs profs de BTS ou chefs de travaux, ceux à qui on pourrait demander de proposer un sujet au bac etc.
Il avait aussi à voir les enseignants qui posaient problème pour voir comment il était possible de les remettre sur les bons rails.
Il laissait à ses collègues plus jeunes le soin d’évaluer les 80% de professeurs qui n’étaient ni très bons ni très mauvais.
Je serais assez enclin à penser que la meilleure méthode serait une évaluation régulière par le responsable d’établissement (ou son adjoint chargé du sujet) celui-ci signalant les 20% de cas méritant une intervention spécifique (on peut avoir un recours possible pour ceux qui se croient non reconnus comme étant les meilleurs.
L’évaluation par la hiérarchie s’est progressivement imposée dans les entreprises. Et progressivement il est apparu que celle-ci devait se faire sur des faits observables.
Le cas des enseignants illustre les raisons de cette méthode. On imagine assez bien que les résultats au bac n’ont pas le même sens pour le Lycée de Liévin (qui est largement en dessous de 50% depuis des lustres) et disons Henri IV à Paris. Un système basé aveuglement sur les résultats n’aurait aucun sens. Par contre, un cadre d’établissement qui fait sérieusement son travail sait très bien quels sont les enseignants qui font le mieux progresser leurs élèves, ceux qui jouent le jeu de l’équipe, ceux qui prennent des initiatives heureuses, ceux qui assurent le contact avec leurs parents, ceux qui tiennent leurs classes, ceux qui s’informent sur l’évolution de leur matière etc.
J’imagine que certains hurleront sur le fait qu’on puisse faire évaluer un professeur par exemple d’histoire par quelqu’un qui n’est pas historien. Je veux bien admettre que l’évaluation de la qualité d’une recherche ne puisse se faire que par les pairs mais ce n’est pas le problème ici. La compétence en histoire a été évaluée par un concours initial et je ne crois pas que la différence entre le niveau en histoire d’un certifié et celui d’un agrégé soit fondamentale dans ce qu’on explique aux élèves de seconde. J’ai connu des professeurs assez ignares dans leur matière mais ils font partie des cas, pas des 80% que j’évoquais plus haut.
Bien sûr, il est nécessaire d’avoir une animation sur la matière. Elle devrait pouvoir se faire (et je crois que c’est le cas), d’une manière collective par les inspecteurs de la dite matière !
Rappelons pour finir que dans l’enseignement privé, c’est bien le responsable d’établissement qui gère ses professeurs. Et il ne me semble pas que ce secteur marche moins bien que le public pour autant.
Pour finir, je précise qu’étant contre (sauf rare exception) le variable individuel dans la rémunération, je ne ferais pas exception pour les enseignants sur ce sujet !
NB: à voir aussi un article de Frédéric Rolin, plus ciblé sur l'ensignement supérieur
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