Dans un commentaire, Matthieu s’étonne du développement de la précarité avec le toyotisme qui fait pourtant appel à des travailleurs plus qualifiés et évoque l’emploi à vie chez les japonais.
Il est vrai que dans l’automobile, on attend de l’ouvrier à la chaîne des tâches qui vont largement au-delà de ce qui constituait le travail de l’O.S. d’il y a trente ans. Il ne s’agit plus seulement de répéter les mêmes gestes de production toutes les minutes, il faut être polyvalent, pouvoir assurer la qualité, réaliser la maintenance de premier niveau, faire les réglages de la machine, participer à la vie de l’équipe et au suivi des indicateurs de résultats et même proposer plusieurs fois par an des solutions d’amélioration.
Mais il ne faudrait pas oublier que ces changements de qualification ne sont pas un but en soi, qu’il s’agit de répondre à des enjeux de coûts, de qualité et de délai. Alors que l’enrichissement du travail des années 70 (par exemple chez Volvo) voulait améliorer les conditions de travail et réduire l’absentéisme, le post taylorisme qui apparaît en France dans la décennie suivante vise d’abord à répondre aux défis économiques et aux demandes de la clientèle. Parmi ces exigences économiques figurent la réduction drastique des stocks et donc l’ajustement permanent de la production à la demande.
Pour répondre à ces besoins de flexibilité, il y a bien sûr plusieurs solutions : faire appel à la sous-traitance (mais on ne fait que reporter le problème), aux heures supplémentaires, à l’intérim ou à l’aménagement du temps de travail
Une usine de semi conducteurs faisait ainsi appel à des saisonniers (souvent des étudiants) pendant la période d’été, pour remplacer les ouvriers en congé. Progressivement, la durée de formation initiale a augmenté pour atteindre trois semaines, illustrant le problème soulevé par Mathieu. Eviter partiellement cet appel par la modulation du temps de travail a permis à l’époque de financer partiellement le passage aux 35 heures. Mais cette solution n’est pas toujours possible.
On observe cependant dans beaucoup de centres de production des proportions extrêmement importantes d’intérimaires : des taux de 20 ou 30% dans l’effectif ouvrier de production ne sont pas rares. Il faut donc trouver des solutions pour concilier cette précarité et le besoin de compétences.
La première solution consiste à fidéliser les intérimaires tout en les faisant suffisamment tourner pour ne pas être obligé de les embaucher en CDI. Un intérimaire qui travaille 100 ou 150 jours par an depuis 5 ans dans une usine ne demande évidemment pas de formation particulière !
La deuxième solution se trouve dans la complémentarité au sein de l’équipe. Dans les UET (Unités élémentaires de travail) de Renault, dans les EAP (équipe autonome de production) de Valéo ou ailleurs, il n’est pas nécessaire que chacun au sein de l’équipe sache tout faire : il est toujours possible d’affecter les tâches les plus simples au nouveau en s’appuyant pour les plus complexes sur le personnel permanent. Dans une entreprise, l’augmentation du nombre de changements de produit à conduit à former tous les opérateurs de production aux actions de réglage correspondantes et à supprimer les régleurs. En période haute, quand les intérimaires sont nombreux, on réintroduit les régleurs pour cette population ou on fait faire les changements par les permanents.
Enfin, on notera que la baisse importante du nombre d’emplois non qualifiés, n’a pour autant pas conduit à leur suppression complète : heureusement pour les personnels correspondants qui ont un taux de chômage élevé.
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