Ce conte commence la veille de Noël…
Mais plantons d'abord le décor.
Il était une fois, dans une ville moyenne de province, une dame qui habitait avec son mari dans une grande et belle maison bourgeoise, à quelques rues de l’église principale de la ville.
Le mari était médecin, ce qui évidemment l’occupait beaucoup. La femme, comme une bonne bourgeoise de ce temps là, s’occupait de sa maison et de ses enfants. Il faut dire qu’elle avait beaucoup à faire avec ses six enfants, trois garçons et trois filles.
La maison offrait beaucoup d’espace à toute la famille, avec au rez-de-chaussée la cuisine, une salle à manger et surtout un grand salon qui permettait de faire des réceptions, pour accueillir les amis ou la famille. L’entrée donnait sur un grand vestibule, qui agrandissait le salon les jours de fête, et d’où partait un escalier majestueux qui donnait accès aux étages. Ceux-ci comportaient de multiples chambres, chaque enfant avant la sienne mais il y avait encore de la place pour d’éventuels visiteurs.
L’éducation des enfants n’était pas toujours facile à cette époque où certaines valeurs se perdaient, malgré les efforts des parents et l’aide des institutions scolaires privées dans lesquelles ils mettaient leurs enfants. Ainsi, ils avaient obtenu de leurs aînés qu’ils vouvoient leurs parents mais n’avaient pas réussi avec les deux derniers qui employaient le « tu ».
Le couple était honorablement connu dans la ville. Il était membre d’une de ces associations qui permettent au notables locaux de se retrouver sous couvert de bienfaisance, à l’image de nos Rotary et autres Lyon’s club. La dame rendait aussi des services dans sa paroisse, faisant le catéchisme ou s’activant de-ci de-là. On dirait aujourd’hui qu’il s’agissait d’une dame patronnesse. A l’époque, on disait simplement qu’elle s’occupait de ses œuvres.
Mais elle s’en occupait très sérieusement de ses œuvres, ne se contentant pas de faire un point à l’envers et un point à l’endroit, mais rencontrant les pauvres du quartier pour voir comment elle pouvait les aider. Et malgré le club chic et le qu’en dira t-on, faisant ce qu’elle jugeait nécessaire pour ceux qu’elle rencontrait. Elle allait ainsi jusqu’à offrir un abri à un clochard (on ne parlait pas encore de SDF) ce qui devait faire jaser. Mais elle n’en avait cure. Et puis c’est une autre histoire, revenons à notre conte !
Les enfants grandissaient, commençaient à faire leurs études supérieures, ce qui les emmenait dans des villes plus grandes, les plus âgés se mariaient et commençaient à leur tour à avoir leurs premiers enfants. Il réussissaient plutôt bien dans la vie. La dame, devenue grand-mère mais n’ayant plus besoin de consacrer autant de temps à ses enfants, en prenait plus pour visiter et aider ses pauvres.
Un soir de Noël, toute la famille, parents, enfants, premiers petits enfants, était donc réunie dans le grand salon pour réveillonner.
C’est alors que l’on frappât à la porte.
Quelqu’un allât ouvrir.
Il y avait là une petite fille, de onze ans environ, à cet âge où les petites filles se mettent à grandir et commencent à se transformer en femme.
La dame connaissait cette petite fille. Celle ci vivait chez sa mère, une femme dont on ne savait pas bien de quoi elle vivait et chez qui les hommes avaient tendance à se succéder.
Et en ce soir de réveillon, à une période où elle commençait à devenir une femme, la petite fille avait trouvé plus prudent de partir de chez elle. Peut être sa mère, qui l’adorait mais ne voyait en elle qu’une grande poupée qu’on pouvait habiller et coiffer, avait elle compris qu’il était plus prudent pour cette petite fille qu’elle s’en aille, et lui avait donc dit de partir. Le conte ne le dit pas.
Qu’a demandé la dame à la petite fille ? Là aussi, le conte ne dit rien, mais encore une fois, c’est un conte de Noël, pas une émission avec Mireille Dumas. Mais probablement n’a t-elle rien demandé, elle a compris que la petite avait tout simplement besoin d’être accueillie. Elle a donc ouvert sa porte et l’a installé avec les autres pour le réveillon.
Et puis, il y avait de la place et la petite fille est restée à coucher, ce soir là. Puis les soirs suivants. Et encore les jours suivants, même quand les enfants et petits enfants sont repartis.
Oh, bien sûr, il a sans doute fallu faire des démarches, aller voir la mère, obtenir son accord : c’est un conte de Noël, pas un conte de fées ! Toujours est il que le couple a été nommé tuteur de la petite fille.
Et celle ci a grandi là, dans la grande maison bourgeoise qui avait commencé à se vider, sauf les week-ends et les jours de fêtes. En parlant d’elle, les enfants du couple ont pris l’habitude de dire « la petite sœur ».
Cela n’a sans doute pas été facile tous les jours. Il a fallu rattraper des années de retards d’éducation, même pour des choses très pratiques : on n’éduque pas toujours bien ses poupées. Et le mari médecin a passé de longues heures a apprendre à la petite fille à se décontracter physiquement.
Mais la petite fille devenue grande avait sans doute en elle quelque chose qui l’aidait à progresser, peut être ce quelque chose qui l’avait entraîné à frapper à une porte ce soir de réveillon.
Elle est donc allée au collège, puis au lycée. Au lycée privé bien sûr, comme avaient fait les autres enfants.
Là, elle a rencontré un garçon qui, comme la dame, l’a aimé comme elle était. Elle a eu son bac, elle a fait des études supérieures, et elle a épousé le garçon rencontré au lycée.
Et comme dans tout conte de Noël qui se respecte, ils furent heureux avec leurs enfants.
Aujourd’hui, la dame est dans une maison de retraite. Le mari médecin a beaucoup vieilli et ne va plus très bien. La grande maison bourgeoise a été vendue.
Mais pour Noël, le couple sera à Paris, chez un de ses fils, pour la fête de famille, avec tous les enfants et petits enfants, avec « la petite sœur » et ses enfants.
Bonne fête madame, et merci pour le témoignage que vous avez donné pendant toute votre vie, à vos enfants, vos petits enfants et tous leurs amis.
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